« Ce n’est pas moi », « Love Lies Bleeding », « Les premiers jours », « Juliette au printemps »…
LA LISTE DU MATIN
Les sorties de la semaine regorgent d’objets inclassables et de propositions prêtes à l’emploi. Dans le genre surgit ici la dernière prestation de Leos Carax : un autoportrait de quarante minutes d’une formidable générosité qui emprunte au geste godardien sa science du montage, son ton de voix sépulcral et son humour farouche. Avec L’amour ment, le saignement, Rose Glass revisite le néon rouge des années 1980 pour abriter une romance lesbienne enflammée gonflée aux stéroïdes. Enfin, l’ethnocinéaste Stéphane Breton documente sans paroles les étranges manœuvres des récupérateurs en territoire inconnu, comme une sorte de ballet du bout du monde.
Chef-d’œuvre
« Ce n’est pas moi » : autoportrait de l’artiste
Tout Leos Carax est contenu dans ce titre qui, aux sonorités de protestation enfantine, conjugue l’enfance têtue, le bras d’honneur dadaïste, le goût rimbaudien pour l’incantation et le mystère. Et tout commence, comme dans la Bible, par la genèse : une commande du Centre Pompidou pour un court métrage destiné à une exposition qui n’a jamais eu lieu. Sujet de la question : « Où es-tu, Léos Carax ? » Réponse de l’intéressé : une grande « merde » vert bloquant un écran noir.
On n’atteindra jamais avec les mots le niveau d’imagination sensorielle suscité par un si beau film de montage. Roman des origines. Relation kafkaïenne avec la famille. Romantisme de la malédiction. Une affiliation sans précédent avec le judaïsme. Élégie des aimés et des défunts. Évocation des pouvoirs érotiques et politiques du cinéma. Voilà pour les raisons. Un jeu d’enfant ? Il s’agit plutôt de l’ambition de l’artiste de tout enlever imaginairement à l’humanité, le mal comme le bien, la cruauté comme l’amour, l’abjection comme la dignité. Et pour nous apostropher, comme Denis Lavant dans la limousine deMoteurs sacrés (2012) citant le célèbre « nos frères dans l’ordre de la nuit » par André Malraux. J.Ma.
Film français de Leos Carax. Avec Denis Lavant, Kateryna Yuspina, Nastya Golubeva Carax, Loreta Juodkaite (41 min).
Avoir
« Love Lies Bleeding » : les amours musclées
Parmi les fictions féministes, on attendait de pied ferme L’amour ment, le saignementnouveau film du cinéaste britannique Rose Glass (Sainte Maud, 2019), une romance lesbienne dans le monde du bodybuilding. Nous sommes dans un coin reculé de l’Amérique, en 1989. Lou (Kristen Stewart), gérante d’une salle de sport, est entourée de violence : fille d’un chef de la mafia locale, elle regarde, impuissante, sa sœur se faire battre par son mari. Seule et déprimée, la jeune femme retient une rage qui éclate le jour où elle rencontre Jackie, un somptueux bodybuilder accro aux stéroïdes. Un soir, parmi les appareils de musculation, ce fut le coup de foudre.
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