Candidat chinois, réincarnation en exil, fin de mandat… Qui succédera au Dalaï Lama ?
Le dalaï-lama va-t-il se réincarner ou son titre de chef du bouddhisme tibétain disparaîtra-t-il avec lui ? Le 14e dalaï-lama, installé en Inde depuis les années 1950, a évoqué plusieurs possibilités pour sa succession imminente. Mais Pékin, qui le considère comme un séparatiste, entend présenter son propre candidat, mettant en péril l’avenir de cette religion.
Le 14e Dalaï Lama, exilé pendant 65 ans
Tenzin Gyatso, le 14e Dalaï Lama, est depuis des décennies la figure centrale du bouddhisme. Choisi en 1939 à l’âge de 4 ans pour être la réincarnation du 13e Dalaï Lama, il est confronté aux troubles politiques qui secouent la Chine à cette époque. L’invasion du Tibet par l’Armée populaire de libération en 1950 place le territoire sous la domination de Pékin, mais maintient le Dalaï Lama en place. Cependant, le soulèvement tibétain de 1959 le contraint à l’exil en Inde, où il vit depuis.
Mais le Dalaï Lama, âgé de 89 ans, doit maintenant faire face à la question de sa succession. Traditionnellement, le Dalaï Lama est nommé par les moines tibétains sur la base de signes, dans un processus qui peut prendre des années pour trouver l’enfant qui est la réincarnation du précédent chef spirituel du bouddhisme tibétain. Mais la situation sans précédent qui met Tenzin Gyatso en porte-à-faux avec les autorités qui contrôlent le Tibet menace de perturber ce processus.
La fin de la réincarnation ?
Une déclaration du Dalaï Lama en 2011 remet en question le processus de réincarnation : selon lui, «Il est possible au lama de désigner comme successeur soit un disciple, soit un jeune qui doit être reconnu comme son émanation.« .
Cette solution permettrait d’éviter une réincarnation qui pourrait échapper aux autorités en exil. Son autobiographie de 1991 citée par l’AFP évoque une autre solution : « Si je meurs avant que les Tibétains ne retrouvent leur liberté, il est logique de supposer que je suis (réincarné) hors du Tibet (…) Bien sûr, il se pourrait qu’à ce moment-là mon peuple n’ait plus besoin d’un Dalaï Lama, auquel cas il ne se donnerait pas la peine de me chercher. (réincarné) », a-t-il ajouté. Le Dalaï Lama a également précisé que le choix de son successeur sera du ressort de Gaden Phodrang Trust, sa fondation.
L’opposition de Pékin à la nomination d’un exilé
Mais Pékin ne reconnaît pas l’autorité du chef spirituel tibétain et entend désigner lui-même le futur chef religieux. La Chine a également remis au goût du jour en 2007 l' »urne d’or », une méthode de sélection imposée en 1792 par l’empire Qing. Selon ce système, la réincarnation du Dalaï Lama ainsi que du Panchen Lama est choisie par tirage au sort dans l’urne d’or, afin d’éviter toute manipulation. Mais cette tradition, qui n’a pas été respectée pour chaque Dalaï Lama, n’a pas été utilisée pour la 13e réincarnation et pour Tenzin Gyatso. L’article 8 de l’ordonnance n°5 du Bureau des affaires religieuses de l’État stipule que « la réincarnation du Dalaï Lama ainsi que du Panchen Lama est choisie par tirage au sort dans l’urne d’or ».Les Bouddhas vivants qui ont été reconnus historiquement par tirage au sort dans l’Urne d’or verront leurs âmes d’enfants réincarnés reconnues par tirage au sort dans l’Urne d’or« .
Et le pouvoir communiste est prêt à imposer ses choix par la force, comme le montre le sort d’une autre réincarnation, le panchen-lama. Deuxième figure la plus importante du bouddhisme tibétain, le panchen-lama compte parmi ses prérogatives la recherche de la réincarnation du dalaï-lama. Tenzin Gyatso avait nommé panchen-lama un garçon de six ans, Gedhun Choekyi Nyima, en 1995. Mais ce dernier avait été enlevé trois jours plus tard par les autorités chinoises, qui avaient nommé panchen-lama un autre enfant, Gyancain Norbu.
Vers deux Dalaï Lamas ?
La question de la succession est d’autant plus pressante que le Dalaï Lama a promis de s’en occuper lorsqu’il aura 90 ans, le 6 juillet 2025. La tenue d’un séminaire sur le thème de la réincarnation, organisé à Lanzhou, en Chine, et réunissant plus de 50 moines bouddhistes tibétains et experts religieux, n’est donc pas une coïncidence. Selon le South China Morning Post, citant un rapport du site officiel chinois Tibet.cn, la réunion visait à «favoriser une transmission saine« du bouddhisme tibétain et de le réaliser »compatible avec la société socialiste« .
Ce séminaire a également permis de «guider les moines et les adeptes (du bouddhisme tibétain) vers une compréhension plus objective des coutumes historiques, des rituels religieux, des politiques et des réglementations de la réincarnation des bouddhas vivants« Pékin a également imposé en 2007 un nouveau système selon lequel le nouveau Dalaï Lama doit être reconnu par la Chine : la mort de Tenzin Gyatso pourrait donc provoquer une situation dans laquelle un Dalaï Lama choisi par les autorités chinoises et un nommé en exil s’opposeraient, provoquant un divorce encore plus profond au sein de la communauté bouddhiste tibétaine.
GrP1