avis critique sur Paramount+
Vampire, vous avez dit vampire ?
Pour notre défense, le projet semblait aller mal. Lancé en 2016 par la défunte romancière et son fils Christopher Rice, ce Entretien avec un vampire 2.0 a malheureusement souffert deun préambule des plus chaotiques, pour le dire poliment. Aurions-nous dû y voir un panneau ? Peut être. Mais toujours traumatisé par le tristement célèbre Reine des damnés et la comédie musicale tout aussi peu recommandable LestatLa mère et le fils de Rice voulaient persévérer dans leur entreprise, déterminés à réussir Chroniques une odyssée en série en bonne et due forme.
Malgré un duo plein de bonnes intentions, le projet Entretien avec le vampire cependant, il s’est retrouvé ballotté de producteurs exécutifs à distributeurs, avant d’atterrir finalement chez AMC Networks en 2020. Et tout le monde sait ce qui s’est passé en 2020. Une pandémie et trente-six mille contretemps plus tard, Jones, Johnson, puis Taylor sont officiellement désignés comme les cerveaux d’une première saison, qui déniche au passage ses nouveaux amants maudits.
Quand ça commence à devenir compliqué
Sam Reid (déjà vu dans Le club émeute) est ainsi annoncé comme remplaçant d’un ancien Tom Cruise peroxydé, tandis que Jacob Anderson, connu pour avoir prêté ses traits au taciturne Vers Gris de Game of Thrones, est immédiatement choisi pour incarner le non moins morose Louis de la Pointe du Lac. Tout ce beau monde réuni, la production aurait pu, en toute logique, s’extirper allègrement de son cercueil… mais là encore, Non.
Parlons peu, parlons bien, la promotion de‘Entretien avec le vampire n’a pas convaincu grand monde; à commencer par Ecran Large, qui s’est fait un plaisir de vilipender les premières avant-premières officielles. Colorimétrie résolument fade, faux sang qui ressemble à de la peinture acrylique cheap, lentilles de contact probablement commandées sur Amazon… Disons qu’il était difficile de trouver quelque chose à retenir dans ces images censées attiser la curiosité.
« Nous allons nous en sortir, je vous le dis. »
Outre le culte dont jouit l’œuvre de Rice depuis ses débuts en 1976, le film de 1994 réalisé par Neil Jordan s’était déjà plus ou moins imposé comme une adaptation parfaite chez les aficionados des sangsues (l’auteur de ces lignes précise d’ailleurs l’avoir revu tellement de fois que ce serait presque gênant). Autant dire que les attentes autour de cette nouvelle série, dont les mérites étaient déjà douteux, n’étaient pas forcément grandes.
la mémoire est un monstre
Une seule fois, Écran Large peut l’admettre sans (trop) rougir : nous avions tort. Plutôt que de comparer inutilement Entretien avec le vampire à son prédécesseur cinématographique, il s’agit de considérer cette proposition pour la réinterprétation qu’elle est réellement. Mark Johnson en avait longuement discuté : de nombreux changements par rapport au roman original étaient à prévoircomme le cadre spatio-temporel dans lequel l’histoire se déroule désormais.
Ici, l’échange de titres a déjà eu lieu entre Louis et Molloy à San Francisco ; mais maintenant, cinquante ans plus tard, le vampire souhaite se retirer pour faire de l’exercice. Ayant depuis établi ses quartiers à Dubaï, il fait une nouvelle fois appel au journaliste (incarné pour l’occasion par un excellent Eric Bogosian) en vue de réviser ses précédents aveux.
Quand on constate le nombre de libertés créatives entre les deux interviews
Même si le processus peut paraître un peu simple, il permet néanmoins de prendre en compte efficacement les différentes modifications apportées au texte de Rice. A commencer par le personnage de Louis, repensé pour l’occasion dans jeune créole condamné au placard par les mœurs de la Nouvelle-Orléans en 1910et rapidement converti en gérant de bordel (juste pour éviter au spectateur moderne de sympathiser avec un propriétaire de plantation et les esclaves qui les accompagnent).
Ce parti-pris a peut-être fait serrer quelques mâchoires, mais il a le mérite d’établir des bases solides sur lesquelles bâtir l’idylle entre le pauvre bonhomme et Lestat. Car telle est l’ambition claire de cette nouvelle version, désireux d’exploiter tout le potentiel de ce couple atypique.
Lestat rencontre même les parents, n’est-ce pas gentil ?
Le « cadeau sombre » avancé par la blonde n’est donc pas n’est plus offert comme soulagement aux tendances suicidaires de Louis que dans l’optique de le libérer des rejets dont il est victime – familial, sexuel et bien sûr ethnique. Après tout, la figure du vampire s’est depuis longtemps imposée comme une métaphore prompte à dénoncer une pléthore de marginalisations.
Pour Rice en particulier, le monstre est la personnification du deuil, mais aussi une créature asexuée à la sexualité polymorphe (du moins, c’est ainsi qu’elle le décrit dans les colonnes de Playboy en 1993). Mais Jones, Johnson et Taylor ont pour leur part privilégié un angle dont les subtilités décrivent de manière significative le racisme systémique et tout le reste – ce qui, compte tenu du climat social nord-américain actuel, n’aurait pas pu être plus approprié.
Qui se souvient de ce qui arrive au bébé dans Dracula de Coppola ?
folie à deux
De plus, Entretien avec le vampire explorer avec diligence une romance gothique généreuse. Et pour ce faire, la chaîne a décidé qu’il valait mieux ne pas y aller doucement. Lecteurs de Chroniques On se souviendra sûrement que les vampires sont plus ou moins des eunuques, mais les producteurs exécutifs ont préféré ignorer ce léger détail.
En effet, Louis et Lestat n’attendent guère leur nuit de noces pour se découvrir bibliquement, et le caractère résolument organique de leur relation (soutenue par l’alchimie indéniable entre les deux acteurs) continuera d’être copieusement mis en valeur tout au long du film. épisodes. « Sexy » semble donc avoir été l’une des principales notes d’intention dans la salle d’écriture.et malgré une série de bandes-annonces plus que bancales, le téléspectateur sera ravi de découvrir que la notion de plaisir n’est pas seulement charnelle.
Au revoir le sous-texte
En effet, l’esthétique est opulente ; décors et costumes ont évidemment été élaborés dans l’optique de traduire au mieux l’univers de l’histoire et l’individualité de chaque personnage (mention spéciale pour la séquence du bal masqué de l’épisode finalet une bonne partie des robes prêtées à Claudia).
Malheureusement, il devait y avoir un côté sombre à la situation. Aussi, et malgré ses nombreuses qualités visuelles et narratives, la série souffre d’une poignée de faux pas, le principal revient fâcheusement à la caractérisation de Lestat. Hybride entre le monstre décrit par Louis et l’antihéros autour duquel tournent les suites littéraires, le personnage de Sam Reid doit cocher un nombre ahurissant de cases, à tel point qu’il finit par être présenté comme un fourre-tout. tout maussade et instable.
Avec un avant-goût de tes lèvres, je pars en balade ; tu es toxique, je me glisse dessous
En théorie, cela n’aurait peut-être pas été particulièrement dramatique. Mais le portrait semi-abusif ce qu’ont fait les producteurs et les scénaristes pour justifier l’éventuelle révolte de Claudia et nuire à son histoire d’amour avec Louis.
A quelques écarts de route mis à part, la série respecte néanmoins chacun des points narratifs majeurs du roman dont elle s’inspire, et propose donc une revisite pertinente dont les libertés créatives s’avèrent, pour la plupart, étonnamment bienvenues. Un constat rassurant qui laisse le public libre d’espérer le meilleur pour la suite.
Interview With the Vampire est disponible à partir du 10 mai exclusivement sur Paramount+