Aurélien Bellanger : « Autour d’une laïcité pervertie, il y a eu la réinvention du racisme à gauche »

Pourquoi ce titre évoquant l’agonie du Parti socialiste ? « Il est à l’agonie depuis peut-être toujours ! On dit que le Parti socialiste est le parti qui trahit les idéaux révolutionnaires, le parti qui pactise toujours avec le capital pour un moment… Donc la crise est presque son mode de vie. D’un autre côté, c’est un parti qui m’a accompagné toute ma vie, qui était le grand parti de l’alternance, et sa disparition presque soudaine en 2017 a été un événement assez inattendu. Maintenant, il semble un peu ressuscité, mais c’était intéressant de raconter ce moment où les éléphants avaient quitté la salle, il n’y avait plus personne dans le couloir. »

Dans cet ouvrage, Aurélien Bellanger raconte comment une frange minoritaire au sein du PS, proche de Manuel Valls, a profité des attentats islamistes de 2015 pour brandir l’urgence de défendre la laïcité afin de lutter, de fait, contre les musulmans. « Toute la charge polémique du livre est concentrée là. J’ai dit que le Parti socialiste est souvent accusé d’avoir trahi sur les questions économiques : c’est habituel, depuis le tournant de l’austérité, qu’on dise ça. Ce qui me paraît relativement nouveau, c’est une trahison d’une partie du Parti socialiste sur une question beaucoup plus centrale dans l’ADN de la gauche : la question du racisme. Il y a eu, autour de la laïcité, une laïcité évidemment pervertie, la réinvention du racisme à gauche, la réinvention d’une idée selon laquelle la civilisation occidentale était supérieure aux autres. »

« Il y a une islamophobie extrêmement forte qui touche la société française »

« En fait, ce qui s’est passé, c’est qu’il y a eu les attentats de 2015. »analyse Aurélien Bellanger. « On dit souvent que le but des attentats est d’infliger ses propres réactions à la cible, qu’elle s’automutile, en fait. Et il me semble que sur cette question de la laïcité, qui a été instrumentalisée par des gens qui avaient des agendas politiques relativement pervers, c’est là que le mal a été fait. La laïcité, qui est une valeur cardinale de la gauche, s’est retrouvée manipulée par des gens qui se foutaient complètement des vraies valeurs de la gauche. »

Il cite notamment Raphaël Enthoven, Caroline Fourest, Philippe Val, la rédaction de Charlie Hebdo… Des racistes, tous, sous couvert de défense de la laïcité ? « Présentée comme ça, la question est compliquée. Il y a une islamophobie extrêmement forte qui touche la société française, une islamophobie qui est devenue, d’une passion populaire, une passion d’intellectuels. L’islamophobie, aujourd’hui, quand on allume un certain nombre de chaînes de télévision, est extrêmement présente sur les plateaux, et c’est une anomalie. La société française est malade de cette islamophobie et on l’a volontairement attisée. »