Au Maroc, Emmanuel Macron gêné par Bruno Retailleau dans son opération de réconciliation ?
CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
L’encombrant Retailleau peut-il gêner Macron dans son opération de réconciliation au Maroc ? (photo d’illustration prise en novembre 2018 à Rabat, Maroc)
POLITIQUE – Killjoy ? Le président de la République Emmanuel Macron arrive ce lundi 28 octobre au Maroc pour une visite d’Etat de trois jours destinée à redonner un nouvel éclat à la relation bilatérale après trois années de crise aiguë. Elle « vise à marquer une nouvelle ambition pour les 30 prochaines années », » se félicite l’Élysée.
Les deux pays, avec une forte « partenariat enraciné et solide »avoir un « volonté commune » de « renforcer les liens » qui les unit, ajoute le cabinet royal. Un ton résolument optimiste qui tranche avec la désaccord au sommet observé depuis trois ans, rythmés par des campagnes contre la France dans les médias proches du pouvoir marocain.
Bientôt plus qu’un mauvais souvenir, on l’attend à Paris. Au programme de ces trois jours : des moments protocolaires, avec des cérémonies officielles ou un dîner d’État, et des rencontres plus politiques, avec un discours au Parlement mardi. Une visite somptueuse donc, mais aux enjeux majeurs et potentiellement délicats. Parmi eux, la lutte contre l’immigration clandestine, pomme de discorde traditionnelle entre les deux pays.
Quand Retailleau ciblait le Maroc
Dans ce contexte, Bruno Retailleau va-t-il jouer les trouble-fête ? Le ministre de l’Intérieur, très offensif depuis son arrivée place Beauvau, fait partie de la délégation accompagnant le chef de l’Etat, avec les ministres des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot et de la Culture Rachida Dati.
Pourtant, l’ancien patron des sénateurs Les Républicains a déjà ciblé le Maroc, récemment, lorsqu’il a évoqué sa volonté notamment de conditionner la politique des visas à la délivrance des laissez-passer consulaires, documents indispensables pour renvoyer les étrangers dans leur pays. pays d’origine. Début octobre, il expliquait que 238 000 visas avaient été accordés aux ressortissants marocains pour seulement 1 680 retours forcés sur leur sol.
« Si vous ne nous délivrez pas davantage de laissez-passer consulaires pour expulser vos ressortissants délinquants, de notre côté, nous délivrerons moins de visas à tous vos ressortissants »a-t-il déclaré aux pays concernés, dans une interview sur RTL.
Une stratégie déjà employée à l’automne 2021 par son prédécesseur Gérald Darmanin, qui a décidé de diviser par deux l’octroi de visas pour les Marocains, Algériens et Tunisiens. La décision a alors empoisonné les relations diplomatiques entre la France et le Maghreb. Le Maroc avait dénoncé une mesure « injustifié ». Les ONG l’avaient jugé « humiliant ».
Les communautés marocaines francophones ont été particulièrement touchées. Au point que Paris avait fait marche arrière, la chef de la diplomatie de l’époque Catherine Colonna s’est rendue à Rabat pour annoncer en personne la fin de cette restriction et tenter de renouer avec le Royaume. Même méthode, mêmes disputes, trois ans plus tard ? Probablement pas.
Barrot réclame « apprendre des erreurs du passé »
D’un côté, Bruno Retailleau a quelque peu assoupli sa position à l’approche de la visite d’Etat présidentielle au Maroc. Jeudi 24 octobre, le ministre de l’Intérieur a annoncé la nomination d’un « missi dominici qui aura cette obsession des pays tiers, des pays d’origine, des pays de transit, des accords bilatéraux ». Il a également pris soin, sur France Inter, de citer le Royaume, mais cette fois comme « un pays grand et sûr », » ami « , où nous pouvons « accélérer un certain nombre de réadmissions ».
Signe de ce changement de ton, le ministère des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, qui sera également du voyage, appelle à « apprendre des erreurs passées. » « Nous devons aborder cette question (migratoire) dans le cadre d’un partenariat durable et d’un dialogue global » et non « du point de vue de la transaction »il plaide dans une interview avec le dimanche de la Tribunecomme pour finir de défricher le terrain.
Ensuite, la relation bilatérale est avant tout vue à la lumière de la position de Paris sur le Sahara occidental, territoire considéré comme « non autonome » par l’ONU, qui oppose depuis un demi-siècle le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger. Et cet été, la France, après des décennies d’hésitation, s’est finalement positionnée en faveur de Rabat, en faveur de l’autonomie du territoire sous sa souveraineté.
Dans une lettre adressée fin juillet au roi du Maroc Mohammed VI, le président de la République Emmanuel Macron a affirmé que « Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Or, » pour Rabat, c’est le seul critère qui compte aujourd’hui dans sa politique étrangère avec la France »selon Hasni Abidi, directeur du Centre d’études sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, cité par l’AFP.
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