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Après les inondations à Dubaï, les «pluies artificielles» accusées à tort – Libération

Ce mardi 16 avril, des pluies torrentielles ont provoqué d’importantes inondations aux Émirats arabes unis et dans d’autres pays du Golfe. Sur les réseaux sociaux, les technologies de « pluie artificielle » ont été accusées d’en être à l’origine. C’est faux.

Un pays désertique les pieds dans l’eau. Ce mercredi 17 avril, l’aéroport de Dubaï, aux Émirats arabes unis, a pris des allures de piscine. Les rues sont devenues des rivières. Dans ce pays en grande partie désertique, l’équivalent de deux années de pluie est tombé par endroits en seulement 24 heures, soit plus de 120 millimètres d’eau. Le Qatar, Bahreïn et Oman ont également été touchés par le déluge, qui a fait près de 20 morts au total.

Sur les réseaux sociaux, ces images de pluies torrentielles ont suscité la stupéfaction. Et alimenté les soupçons et les théories. Parmi ces hypothèses : les inondations ne seraient pas le résultat d’une cause naturelle. Ils auraient été provoqués par la technologie de la géo-ingénierie – des techniques visant à modifier le climat – et notamment par ce que l’on appelle le « cloud seeding ».

L’ensemencement du cloud, comment ça marche ?

Cette technologie consiste à injecter un produit chimique – de l’iodure d’argent ou des particules de sel – directement dans les nuages ​​afin d’influencer les conditions météorologiques. Cette injection peut se faire à l’aide de fusées, d’avions ou de générateurs au sol.

« Une fois injectées, ces particules de sel, qui attirent l’eau, vont générer des gouttelettes plus grosses que celles déjà présentes dans les nuages. Elles entreront alors en collision avec les plus grosses gouttelettes. C’est ce phénomène, appelé différentiel de taille, qui, selon nous, peut déclencher des précipitations. explique Olivier Boucher, climatologue et directeur de recherche au CNRS.

Les Etats-Unis sont à l’origine de la découverte et du développement de cette méthode et l’utilisent de la Californie au Nevada. La Chine, avec son projet SkyRiver, investit également massivement dans cette technologie. Les Émirats arabes unis ne sont pas en reste et génèrent également de la pluie sur commande.

Cette technologie aurait-elle pu jouer un rôle dans les précipitations ?

L’hypothèse attribuant l’origine des précipitations à cette technologie avancée s’est largement répandue sur les réseaux sociaux, notamment après une publication du média américain Bloomberg. L’article « Dubaï reste immobile alors que l’ensemencement des nuages ​​aggrave les inondations » du mardi 16 avril a notamment été repris par des récits proches des milieux complotistes.

Un lien de causalité rapidement démenti dans un nouvel article publié mercredi, après des précisions fournies par le Centre météorologique national des Émirats arabes unis à CNBC. Selon le centre, aucune opération d’ensemencement n’a été réalisée avant ou pendant la tempête. « L’un des principes de base de l’ensemencement des nuages ​​est que vous devez cibler les nuages ​​à un stade précoce, avant qu’il ne pleuve ; s’il y a une forte tempête, il est alors trop tard pour procéder à une opération d’ensemencement. » il ajouta.

Ainsi, selon Olivier Boucher, « Cette technologie de modification du temps n’est pas liée à ces précipitations. C’est un non catégorique. dit le climatologue. Un constat partagé par Andrea Flossmann, chercheuse au CNRS et co-responsable du groupe d’experts sur la modification du temps pour l’Organisation météorologique mondiale (OMM). « L’ensemencement se fait très localement, et les particules injectées disparaissent très rapidement, dès 24 heures plus tard. Même si Dubaï avait semé juste avant la tempête, il aurait plu de la même manière., elle explique. En bref : des quantités de pluie importantes seraient donc tombées sur Dubaï, avec ou sans recours à cette technologie.

Alors pourquoi de telles inondations à Dubaï, au Qatar, à Bahreïn et à Oman ?

Une fois écartée la possibilité de pluies artificielles, d’autres phénomènes plus probables contribuent à expliquer l’ampleur des inondations qui ont frappé les pays du Golfe en début de semaine.

Début de semaine, « une masse d’air très humide venant de la mer s’est déposée au-dessus de la région », explique Andrea Flossmann. Et le chercheur ajoute : «Alors que ces nuages ​​stagnaient depuis longtemps au-dessus d’une zone chaude, l’air chaud à la surface a fini par monter, et au contact de l’air froid en altitude, l’humidité s’est condensée. C’est ce qui a déclenché les précipitations. ». Il s’agit d’un phénomène dit de « goutte froide » : rencontre entre une masse d’air froid en altitude, qui se dépose au-dessus d’une zone géographique précise, et des températures plus douces au sol.

Le changement climatique et ses conséquences sont également mis en évidence dans ces inondations monstres. « Il est encore trop tôt pour le dire sans études à l’appui, mais il est fort probable que le réchauffement climatique ait joué un rôle dans ces précipitations, car il augmente la probabilité que cela se produise. sorte d’événements rares et extrêmes»note Olivier Boucher.

Enfin, comme l’explique Andrea Flossmann, l’évaporation à la surface des mers et des océans est bien plus importante lorsque le climat est chaud. Plus de vapeur d’eau et de gouttelettes, et donc plus de risques de fortes précipitations et d’inondations records. Des incidents d’autant plus dévastateurs que ces villes urbanisées, situées dans des zones désertiques, n’ont pas été construites pour faire face à des événements aussi extrêmes.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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