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Après l’attaque contre Donald Trump, Joe Biden contraint de modérer son discours tout en restant offensif

Les républicains ont accusé le président américain d’attiser la violence contre son prédécesseur et adversaire en le présentant comme une menace pour la démocratie.

Offensif, mais pas trop. C’est l’équilibre que Joe Biden doit désormais maintenir dans la course à la Maison Blanche. Son adversaire pour l’élection présidentielle américaine, Donald Trump, a été officiellement désigné candidat républicain lors de la convention nationale du parti, lundi 15 juillet, à Milwaukee, dans le Wisconsin (Etats-Unis). Le chef incontesté – et désormais incontesté – des conservateurs prononcera jeudi soir un discours de clôture de l’événement, cinq jours après avoir survécu à une tentative d’assassinat qui l’a laissé avec un bandage à l’oreille droite.

Cette attaque contre Donald Trump va considérablement compliquer la campagne de son adversaire. La stratégie de Joe Biden a jusqu’à présent consisté à présenter le milliardaire comme un danger pour la démocratie américaine. Mais, en quelques secondes, le républicain est passé samedi à l’action. « De l’instigateur de la violence politique à sa victime »résume le New York TimesDans ces conditions, il est difficile de maintenir la même ligne dure.

D’autant que les républicains ont rapidement commencé à faire de cette tentative d’assassinat un argument de campagne. Plusieurs responsables du parti, dont le nouveau colistier du candidat républicain, JD Vance, ont accusé Joe Biden et ses partisans d’avoir une part de responsabilité dans l’attaque. « Ils ont affirmé que la rhétorique des démocrates, qui dépeint Donald Trump comme une menace pour la démocratie, a contribué à la tentative d’assassinat », « Nous sommes très heureux de cela », déclare Hans Noel, professeur d’affaires publiques à l’Université de Georgetown (États-Unis).

« Désormais, Joe Biden et les démocrates seront accusés d’encourager ce type de violence s’ils font de l’élection une question d’avenir pour la démocratie. Que cette accusation soit fondée ou non, les démocrates seront probablement plus prudents. »

Hans Noel, politologue

à franceinfo

Cela s’est rapidement confirmé. Dès samedi, dans les heures qui ont suivi l’attaque, l’équipe de Joe Biden a suspendu plusieurs spots télévisés critiquant Donald Trump, rapporte Reuters. Toute communication externe a été mise en suspens. Et le candidat démocrate a également adouci ses propos. « Nous « Nous devons nous unir en tant que nation »a plaidé le chef de l’Etat dimanche, lors d’un discours télévisé depuis le Bureau ovale.

Après l’attaque qui a choqué le pays, « Le président tente de faire baisser la température »a déclaré à Reuters un responsable de sa campagne. Le démocrate est même allé jusqu’à reconnaître dans une interview accordée à NBC News lundi soir qu’il avait été soumis à une « erreur » en appelant à « cible » Donald Trump lors d’un appel téléphonique avec des donateurs début juillet. « Je voulais me concentrer sur lui, sur ce qu’il fait, sur ses mesures, sur le nombre de mensonges qu’il a dit pendant le débat », a justifié Joe Biden.

Joe Biden prononce un discours télévisé sur la tentative d'assassinat de Donald Trump, le 14 juillet 2024, depuis la Maison Blanche à Washington. (ERIN SCHAFF / AFP)

Si le mot d’ordre est l’apaisement, les critiques contre le candidat républicain ne se sont pas apaisées. Elles sont seulement devenues plus subtiles. « Dans sa déclaration depuis le Bureau ovale, Joe Biden a de nouveau évoqué l’assaut du Capitole »lorsque les partisans de Donald Trump ont tenté d’annuler les résultats de l’élection présidentielle de 2020, observe Ludivine Gilli, historienne et directrice de l’Observatoire de l’Amérique du Nord à la Fondation Jean-Jaurès.

Lundi, le président démocrate a également déclaré à NBC qu’il n’était pas « Ce n’est pas celui qui a dit qu’il voulait être un dictateur dès le premier jour » de son mandat, en référence à une emportement de son adversaire. « Il va continuer à parler des enjeux de cette élection. » Et « rejeter le projet extrême des républicains »Le directeur de campagne de Joe Biden a confirmé, cité par Politico. Selon CBS News, les meetings, les SMS de collecte de fonds et les spots publicitaires des démocrates ont déjà repris.

La « pause » dans la campagne a donc duré moins d’une semaine. Pour l’instant, il reste difficile d’attaquer ouvertement un candidat qui « apparaît dans victime »concède Ludivine Gilli. « Mais plus le temps passe, plus il est facile pour les démocrates de souligner qu’il y a eu des faits, des discours appelant à la violence dans le camp de Donald Trump. »

« Si les démocrates se lient les mains dans le dos et n’en parlent pas, ils perdront certainement les élections. »

Ludivine Gilli, historienne

à franceinfo

En attendant d’avoir à nouveau les mains libres, les démocrates ont trouvé une autre cible : le sénateur JD Vance, qui vient d’être désigné comme colistier et candidat à la vice-présidence de Donald Trump. Dès l’annonce de son investiture, l’équipe de Joe Biden a déclaré que cet ancien critique du milliardaire, devenu son fidèle allié, avait été choisi « parce qu’il (…) ferait tout son possible pour laisser le champ libre à Trump et à son programme extrême ».

Donald Trump pose avec JD Vance lors de la Convention nationale républicaine à Milwaukee, Wisconsin, États-Unis, le 16 juillet 2024. (JIM WATSON / AFP)

« Il n’est pas vraiment possible de mettre en pause une campagne qui bat son plein, mais les démocrates peuvent s’abstenir de certaines attaques contre Donald Trump, décrypte Hans Noel. JD Vance leur permet de se concentrer sur quelqu’un d’autre, en économisant (l’ancien président) pour le moment. »

Quoi qu’il en soit, les démocrates n’ont d’autre choix que de continuer à se montrer offensifs, juge Ludivine Gilli. Car Donald Trump est sorti renforcé politiquement de cette tentative d’assassinat. « Les images de la joue ensanglantée du républicainavec les poings levés, sont très forts sur le plan symbolique.analyse l’historien. D’abord parce que c’est un candidat à la présidentielle qui est visé, ce qui suscite émotion et compassion au-delà des clivages politiques. ». Ensuite, parce que ces photos montrent un Donald Trump « qui se lève et semble extrêmement vigoureux »à une époque où son adversaire – seulement trois ans plus âgé – est « critiqué pour son apparence fragile » et le vieillissement.

Donald Trump est évacué par les services secrets après avoir été la cible d'une tentative d'assassinat, le 13 juillet 2024, à Butler, en Pennsylvanie, aux États-Unis. (REBECCA DROKE / AFP)

« Cette photo correspond au message de la campagne de Trump, qui le présente comme un leader fort qui défendra l’Amérique« , acquiesce Hans Noel. Selon le politologue, « Il est trop tôt pour savoir si cela aura un impact majeur » sur les chances du milliardaire de revenir à la Maison Blanche, « mais il semble en tirer profit » pour le moment.

« Malgré l’émotion qui domine actuellement le pays, les États-Unis restent très polarisés, avec deux camps clairement formés : les électeurs démocrates ne vont pas soutenir la candidature (républicain) après cet événement »nuances de Ludivine Gilli. De même, le soutien de la base républicaine à son champion « C’est déjà solide. » « Dans un pays fracturé, cette tentative d’assassinat va renforcer les positions »l’historien dit, mais peut-être pas changer le cours de la campagne.

L’attention médiatique portée à Donald Trump a toutefois ses avantages pour Joe Biden. Depuis sa prestation désastreuse lors d’un débat en juin, le doyen des présidents américains est embourbé dans une polémique sur son âge et sa capacité à gouverner le pays quatre ans de plus. Un sujet vite abandonné par les médias après la tentative d’assassinat contre son adversaire. « Les incertitudes entourant le candidat démocrate ont presque été oubliées, même si les membres du parti continuent d’en discuter en interne. »note Ludivine Gilli.

Les appels à la démission de Joe Biden, lancés par plusieurs dirigeants démocrates et personnalités publiques, sont pour l’instant restés silencieux. « C’est vraiment compliqué d’avoir cette discussion publiquement. (La tentative d’assassinat) « éclipse tout en ce moment »a déclaré un stratège démocrate à NBC News. « La tentative de renverser Biden va probablement s’arrêter là. Il ne va pas démissionner volontairement. Il a prouvé qu’il allait se battre », a-t-il ajouté. estime un allié du président, également interrogé par la chaîne américaine. Le démocrate a montré une image plus assurée lors de son allocution télévisée dimanche.

« Avec cette rare intervention depuis le Bureau ovale, Joe Biden s’est présenté comme un chef d’État qui s’adresse au peuple. Il a réagi comme un président, en se remettant au centre du jeu politique. »

Ludivine Gilli, historienne

à franceinfo

La séquence médiatique, désormais centrée sur la convention républicaine, offre à Joe Biden un peu de répit. Et ce temps est précieux : le parti démocrate a prévu d’investir officiellement son candidat lors d’un vote par visioconférence qui pourrait avoir lieu début août, soit deux semaines avant la convention nationale, relaie la radio NPR. « Jusqu’alors, chaque jour qui passe (où on ne parle pas de son âge) « C’est une journée gagnée pour Joe Biden »insiste Ludivine Gilli.

Mais cette accalmie pourrait être de courte durée. Mercredi, le représentant à la Chambre des représentants Adam Schiff est devenu le démocrate le plus haut placé à demander à Joe Biden de démissionner. Dans une interview accordée à BET mardi, le président sortant a déclaré qu’il démissionnerait « si un problème médical survenait »Il reprit sa campagne sur le terrain.et ses discours seront à nouveau scrutés. « Ces dernières semaines, nous avons assisté à des erreurs et des lapsus répétés » de l’octogénaire, se souvient Ludivine Gilli. « Au moindre problème, le sujet de son âge redeviendra prédominant dans les médias et sur les réseaux sociaux. »

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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