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Algérie: Tebboune lance sa campagne électorale avec de grosses bourdes

Lors de son apparition à la télévision algérienne, dans la soirée du samedi 30 mars, le président algérien a fait preuve d’un comportement indigne d’un chef de l’Etat, en refusant de répondre à la question que tout le monde se pose : les raisons qui ont motivé le non-respect de la date du les élections présidentielles. Cela s’explique par « des raisons purement techniques», a-t-il simplement précisé, ajoutant que décembre n’était pas le mois habituel pour organiser des élections présidentielles. « Septembre non plus !», auraient dû préciser les deux journalistes, extrêmement complaisants, censés poser des questions à Tebboune.

Il était cependant facile de souligner qu’à l’époque de Bouteflika, les élections présidentielles avaient eu lieu en avril. Dès lors, tant l’argument technique invoqué par Tebboune que le retour à un calendrier traditionnel sont de fausses raisons, et le mystère reste entier sur les véritables raisons qui ont poussé le président algérien à avancer la date des élections.

Dans la foulée, Tebboune a accusé, comme à son habitude, une main étrangère d’être à l’origine de spéculations et de rumeurs sur l’existence de désaccords profonds, voire d’âpres luttes au sommet de l’Etat, entre un clan présidentiel qui veut le voir revenir et un clan présidentiel qui souhaite le voir revenir. de généraux puissants qui ne veulent plus de lui à Mouradia. « On connaît l’origine de ces rumeurs qui visent à déstabiliser l’Algérie», dit-il simplement, sans plus de précisions (1min:23 à 5min:52).

Or, il est de notoriété publique qu’historiquement, les conflits permanents et les désaccords au sommet de l’État algérien ont toujours raccourci le cycle des mandats présidentiels, de sorte que jamais un chef d’État algérien, de Ben Bella à Tebboune, n’a achevé son mandat actuel. mandat présidentiel, soit en raison d’un coup d’État militaire (Ben Bella), d’une maladie (Boumédiène), d’une démission forcée (Chadli Benjedid et Liamine Zeroual), d’un assassinat (Mohamed Boudiaf), d’un coup d’État médical (Bouteflika) ou, dans ce cas, d’un coup d’État présidentiel attendu (Tebboune).

L’objectif principal de cette sortie médiatique aurait donc dû être la clarification des intentions exactes d’Abdelmadjid Tebboune concernant son avenir politique et les raisons qui l’ont poussé à écourter son mandat actuel en appelant, à la surprise générale, à organiser une élection présidentielle anticipée. « Vous voulez savoir si je suis candidat, mais je ne vous répondrai pas avant l’heure», a-t-il répondu aux deux journalistes (5min:54 à 7min).

Au lieu de précisions, le président algérien s’est échappé en surfant, comme son ministre des Affaires étrangères lors de sa conférence de presse de mardi dernier, sur la vague de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant un cessez-le-feu. – tir immédiat à Gaza. Or, cette résolution, dont l’Algérie a attribué à tort sa paternité, n’a dû son adoption qu’à la trêve dans le croisement des vetos entre les Etats-Unis d’une part et la Chine et la Russie de l’autre sur la guerre à Gaza. La paternité du texte de cette résolution appartient à tous les membres non permanents du Conseil de sécurité, et non à l’Algérie comme le crie à tue-tête la propagande du régime auprès des consommateurs algériens.

Tebboune a même déclaré que l’Algérie avait réussi à parvenir à cette résolution grâce au soutien d’États africains comme la Sierra Leone, le Mozambique et… le Pérou, pays géographiquement situé en Amérique du Sud.

Cette résolution de l’ONU a été exploitée par Tebboune en vue de tisser des lauriers à la diplomatie algérienne, dont il a déclaré que «sa taille et son poids sont reconnus et remontent à la nuit des temps« . Pourtant, l’aube des temps n’a commencé que pour ce pays créé par la France en 1962…

Encore une erreur

Pour illustrer ses propos, Tebboune a commis – une fois de plus – une de ces bourdes dont il est habitué à chaque discours ou interview. Il a ainsi cité la médiation algérienne dans la guerre Iran-Irak (1980-1988). Pour Tebboune, il s’agissait d’une médiation entre Saddam Hussein et le Shah d’Iran, Mohamed Reza Pahlavi. Ce dernier abdiqua cependant en février 1979, avant de mourir au Caire le 27 juillet 1980, deux mois avant le déclenchement de la guerre Iran-Irak. Et tout le monde sait que la guerre Iran-Irak opposait Saddam Hussein à l’ayatollah Khomeini. La question qui se pose donc : étant donné que cet entretien est enregistré et qu’il a été nettoyé par les proches de Tebboune avant sa diffusion, pourquoi une erreur aussi grossière a-t-elle échappé à leur vigilance ? La réponse évidente est : soit Tebboune est entouré d’un groupe d’incompétents, soit il y a une volonté manifeste de rendre publique l’ignorance sidérale du chef de l’Etat algérien (10min:40 à 19min:25).

Cette nouvelle bourde rappelle les prétendues relations entre l’émir Abdelkader, né le 6 septembre 1808, et George Washington, premier président des Etats-Unis, décédé le 14 décembre 1799, ainsi que d’autres perles auxquelles le président algérien nous a habitués, à au point que certains ont créé un néologisme pour désigner ce talent rarissime consistant à tordre le cou à l’Histoire et à se vanter de faits farfelus : les tebboonneries.

Allant par-delà les limites, Tebboune a également déclaré que, puisque c’est l’Algérie qui a permis au défunt Yasser Arafat de s’exprimer en 1974 devant l’Assemblée générale de l’ONU, et que c’est l’Algérie qui a fait entrer la Palestine en tant que membre observateur de l’ONU, elle va bientôt arracher du le statut d’État membre à part entière de l’ONU, alors que les territoires palestiniens sont toujours sous occupation (19min:26 à 20min:30). `

S’adonnant à son sport favori, celui de jongler avec des personnages incroyables et imaginaires, le président algérien s’est aussi donné deux mois pour régler tous les problèmes de centaines de milliers de sans-papiers algériens en Europe (9min:50 à 10min:23) !

Mieux, il a promis que le PIB du pays dépasserait les 400 milliards de dollars avant fin 2026. Cela représenterait un bond de plus de 100%, car cet indicateur économique de base se situe aux alentours de 195 milliards de dollars grâce à la hausse du prix des hydrocarbures, selon les estimations. du Fonds monétaire international (FMI), et 224 milliards de dollars en 2023, selon les fausses estimations du gouvernement algérien.

De leur côté, les salaires des fonctionnaires algériens, qui selon Tebboune ont été augmentés de 47% sous son mandat, seront encore augmentés de 53% en 2026 et 2027, pour parachever une augmentation de 100% (52min:00 à 52min:20) .

« Je ne vous dévoilerai pas si je serai candidat à ma propre succession, mais je peux d’ores et déjà vous dévoiler certaines décisions que je prendrai lors de mon second mandat.», semble suggérer Tebboune dans ce lancement à peine voilé de sa campagne électorale.

Concernant le Maroc, Tebboune n’a pas été prolifique cette fois. Il a expliqué que le groupement qu’il souhaite créer avec la Libye et la Tunisie ne vise pas le Maroc. « Nous allons essayer de nous rassembler et de nous coordonner sur certains sujets. Il y a un accord pour créer une entité, pas contre l’un des pays de l’UMA« , il a dit. Cependant, seule l’hostilité malsaine à l’égard du Maroc explique ce projet mort-né qui vise avant tout à isoler le Royaume. Mais l’absence de la Mauritanie et les réticences de la partie libyenne que Tebboune espère recruter ont dû refroidir la junte algérienne (23min:20 à 26min:11).

En revanche, Tebboune s’est montré très violent envers les Émirats arabes unis. Sans nommer ce pays, il l’accuse de tous les maux de la région. « Partout où il y a des conflits, l’argent de cet État est présent, au Mali, en Libye, au Soudan« . Il a ainsi menacé que l’Algérie « ne s’inclinera devant personne« . Et de grimper sur ses ergots : « Si vous essayez de vous comporter avec nous comme vous le faites avec les autres, vous vous trompez. Nous avons 5 630 000 martyrs morts pour ce pays. Ceux qui veulent s’approcher de nous, qu’ils le fassent« . Même lorsqu’il menace, Tebboune n’est pas sérieux (28min à 32min).

Tebboune, ce passionné d’hypertrophie

L’Algérie n’est plus, selon le discours de la junte, le pays d’un million, d’un million et demi, voire de deux millions de chahids. Adepte de l’hypertrophie, Tebboune nous parle désormais de 5,63 millions de martyrs ! Quand on connaît les chiffres réels des troupes qui étaient en guerre, le chiffre avancé par Tebboune est tout simplement fou.

Dans son livre publié en 1997, Benyoucef Benkhedda, dernier président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), écrit qu’à la fin de la guerre, le maquis intérieur comptait 35 000 combattants (seulement 15 200 selon des sources françaises). Ajoutons à ce contingent celui de l’armée frontalière qui comptait 30 000 hommes qui n’ont pas vraiment combattu. L’un des chefs de cette armée, l’imposteur Houari Boumédiène, n’a pas tiré une seule balle contre le colonisateur. L’historien Bernard Lugan a fourni des détails documentés sur les contingents en guerre en Algérie. Les auteurs du livre « Le mal algérien » rapportent également des commentaires documentés sur l’armée frontalière, qui n’a utilisé les armes que contre les résistants kabyles, les véritables combattants contre l’armée française.

En tout cas, Tebboune devrait savoir qu’en termes de décomptes macabres, la décennie noire a fait plus de victimes parmi les Algériens que la guerre de décolonisation.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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