« Mon enfant ne sait pas lire mais sait passer le balai »… La vérité sur la pédagogie Montessori
Tout le monde a une opinion bien arrêtée sur les écoles Montessori. Certains les vénèrent tandis que d’autres font marche arrière, leur reprochant leur coût, leur laxisme et leurs résultats mitigés. Derrière cette pédagogie, on retrouve Maria Montessori, docteur en médecine, psychiatre, anthropologue, militante socialiste et féministe du début du XXe siècle.
Célébré dans le film La Femme Nouvelle, de Léa Todorov avec Jasmine Trinca, Leïla Bekhti, sorti mi-mars, il est une nouvelle fois consacré au mois de juin. Sur scène cette fois. La chambre Montessori mis en scène par Charles Berling au théâtre Châteauvallon-Liberté de Toulon, porte la voix et la pensée de ce professeur considéré comme un précurseur. L’occasion de braquer les projecteurs sur cette éducation alternative. Nadia Hamidi, présidente de l’Association Montessori de France (AMF), répond aux critiques formulées par les lecteurs de 20 minutes qui nous a été adressé suite à un appel à témoignages.
» Mes filles fréquentaient une crèche bébé Montessori, les puéricultrices étaient adorables, mais le matériel et les activités n’étaient pas différentes des crèches traditionnelles. Elle n’était Montessori que de nom. »
« Évidemment, il y a des abus puisque le nom Montessori n’est pas protégé. Aujourd’hui, tout le monde peut surfer sur la vague marketing, j’ouvre une école ou une structure Montessori. Nous avons déjà la charte. Nous organisons des visites dans les écoles pour qu’elles soient signataires de cette charte, mais elle n’a pas la force d’un label. Il y a de plus en plus de structures Montessori qui se créent, de belles structures et des structures un peu moins rigoureuses. Il ne s’agit pas seulement de protéger le nom Montessori, il s’agit plutôt de protéger les enfants. »
» Après quelques mois dans une école Montessori, mon fils a abandonné ses études. Il passait son temps à balayer la classe ou à donner des coups de poing. Nous l’avons remis dans une école publique au CP et il s’est adapté rapidement. Certains de ses anciens camarades ont eu plus de difficultés car ils ne savaient ni lire ni écrire leur prénom. »
« À la maternelle, ils apprennent à balayer, coudre, repasser. Chaque enfant a son propre rythme et ses propres besoins, peut-être que ces enfants n’étaient pas prêts à commencer à lire. Ou peut-être que ce n’est pas une bonne école Montessori. Les parents doivent parfois attendre parce qu’ils paient, mais nous suivons l’enfant. S’il n’est pas prêt, nous n’allons pas lui faire un lavage de cerveau. Par contre, nous sommes une école, l’enfant doit avoir au moins le niveau du système traditionnel, c’est un devoir. Je dis au moins parce que le matériel va très loin. De nombreux enfants ont des difficultés d’apprentissage et le matériel les aidera à passer du concret à l’abstrait. C’est un matériel grâce auquel l’enfant peut trouver sa place et développer ses compétences. Nous accompagnons chaque enfant dans le développement de son potentiel pour qu’il soit heureux et épanoui, qu’il ait toujours envie d’apprendre et qu’il conserve sa confiance en lui et son estime de soi. »
» Cette pédagogie n’est pas magique, elle demande un investissement de la part des parents. Cela peut être source de déception pour les parents qui s’attendent à ce que l’école s’occupe de tous les aspects de l’éducation. »
« L’éducation ne s’arrête pas à l’école, c’est l’éducation pour la vie. Il est important d’être en cohésion et en collaboration avec le parent. Pendant les vacances, il est important que les enfants continuent à travailler, pour entretenir un lien éducatif. Pour les plus petits, si l’enfant apprend à chausser ses chaussures à scratch, je dirai aux parents : » Ce serait bien s’il avait des baskets à scratch plutôt que des lacets car il développe sa psychomotricité et son autonomie. C’est bien pour essayer de le relier aux choses qu’il apprend à l’école. Dans une école Montessori, on éduque l’enfant dans toutes ses acquisitions, que ce soit au niveau psychomoteur, social et intellectuel. »
» Je suis enseignante au primaire et les enfants qui arrivent dans ma classe et qui sortent de ces écoles ont beaucoup plus de difficulté à s’adapter au système scolaire traditionnel. »
« Je ne vais pas vous dire que ce n’est pas difficile. Évidemment, lorsque l’on répond aux besoins de l’enfant et à son développement naturel, par exemple, bouger et se déplacer dans une classe. Du jour au lendemain, l’enfant se retrouve dans une classe où il lui est interdit de circuler, cela pourrait être un peu compliqué pour lui. Et encore une fois, cela dépend des enfants. Si nous l’avons bien préparé à entrer dans un système traditionnel, il n’aura pas de difficultés majeures d’adaptation. Ce qui sera plus compliqué, notamment pour les plus grands, c’est qu’on leur demande moins leur avis. Ils assistent à un cours magistral. Dans les relations sociales, pour eux, c’est moins intéressant. Mais d’un point de vue cognitif et intellectuel, ils ont été très bien nourris, ils auront moins de travail à la maison pour comprendre les notions, les apprentissages. Normalement c’est un gain quand on quitte Montessori. »
» Je trouve que la pédagogie ne justifie pas les tarifs exorbitants pratiqués par ces structures. »
« Si les écoles coûtent cher, c’est parce que nous n’avons pas d’aide. Il ne s’agit pas de remplir ses poches. En tant que présidente de l’Association Montessori de France (AMF), mon rêve serait de pouvoir proposer Montessori à tous les enfants et d’accompagner les enseignants dans la mise en place de Montessori dans leur classe. Mais nous n’y parviendrons pas sans l’aide de l’État. Certaines écoles essaient de le faire selon le coefficient familial, c’est un mode de solidarité où les parents en retour aident l’école, du coup les frais de scolarité sont moins élevés. »