pourquoi l’artiste Deborah de Robertis a-t-elle tagué L’Origine du monde ?
C’est un tremblement de terre qui ébranle le monde silencieux et précipité de l’art contemporain. Ces derniers jours, nous avons beaucoup entendu parler « l’acte criminel » de « vandalisme » par Deborah de Robertis au Centre Pompidou-Metz, qui a été « attaqué »avec l’aide de deux « fanatiques féministes »a L’origine du monde de Gustave Courbet, à la photographie « Aktionshose : Genitalpanik » de Valie Export, et à trois autres œuvres qu’ils ont bombardées d’un « MeToo ». On a beaucoup entendu parler du vol des œuvres d’Annette Messager, Je pense que oui, je suis nul, également exposé au Centre Pompidou-Metz. On a beaucoup entendu parler des dégâts causés aux œuvres, de leur restauration, des poursuites judiciaires, d’Eva Vocz et de Laure Pépin, les deux interprètes qui ont commis cet acte… Mais le monde de l’art semble faire la sourde oreille à ce que cette action dénonce profondément.
Sur son compte Instagram et dans une lettre ouverte publiée pour la première fois sur le blog Médiapart, depuis supprimée par l’équipe de modération du site et republiée sur son Medium, Deborah de Robertis n’a cessé d’étayer ses accusations contre six hommes de l’art contemporain, s’adressant directement à eux, et dont les noms sont révélés à la fin. A l’heure où le cinéma français fait son #MeToo, le monde de l’art peine à « balancer ses cochons ». « J’ai évidemment utilisé un matériau non agressif qui disparaît avec l’eau. Cette manière de diaboliser, criminaliser et dramatiser la performance est un classique du genre. Car l’urgence pour le musée, à ce moment précis, est de rendre invisibles les accusations portées contre le conservateur.”a défendu l’interprète Deborah de Robertis, ajoutant que « Le monde très fermé de l’art contemporain est resté pour l’essentiel silencieux jusqu’à présent » sur la question des violences sexistes et sexuelles.
« Eva Vocz et Laure Pépin interrogent la ministre de la Culture, Rachida Dati, sur les violences sexuelles subies par de nombreuses femmes dans le milieu artistique. Ce geste pictural dans le cadre de la performance (au Centre Pompidou-Metz) vient s’interroger sur les limites de la liberté créatrice des femmes. Il faut l’entendre comme un cri”a déclaré Me Dominique Beyreuther, l’avocat de l’interprète Eva Vocz, mise en examen dans cette affaire avec Laure Pépin, rapporte l’AFP.
« Comme tant d’autres artistes féminines, mon travail a été boycotté car mon corps a été consumé. Et une fois le corps consumé, ces hommes choisissent d’étouffer le travail pour ne pas laisser de trace de leurs abus. »ajoute l’artiste dans un communiqué publié sur son compte Instagram. « Pour la première fois, en effet, mon travail était exposé dans un musée renommé. J’aurais pu m’en contenter et m’en contenter, mais j’ai plutôt choisi de profiter de cette exposition pour dénoncer vingt ans d’abus.
En janvier dernier, alors qu’il annonçait sa participation à l’exposition du Centre Pompidou-Metz, l’artiste écrivait sur Instagram : « J’AI VIOLÉ les musées, du musée d’Orsay au Louvre. J’ai forcé la porte du Centre Pompidou-Metz pour y présenter mon travail. La violence de mes gestes symboliques et de mes paroles n’est que le reflet de la violence réelle des hommes puissants du monde de l’art. Je ne dois cette victoire féministe qu’à mon audace, ma persévérance et mon désir légitime de voir mon « sexe politique » accroché au mur.»
« Je l’ai reconnue tout de suite, j’avais envie de vomir »
Ce qu’on préfère omettre quand on parle de cette affaire, c’est que Deborah de Robertis dénonce toutes ces « enseignants », « conservateurs », « collectionneurs » Et « directeurs de musée », « manipulateurs », « calculatrices », « prédateurs », « escrocs », « imposteurs » Et « censeurs »qui composent le monde de l’art contemporain et auquel il se confronte « Depuis (son) 17 ans ». Elle dénonce l’invisibilité des violences sexistes et sexuelles que ces puissants infligent aux femmes dans l’art. Elle dénonce la domination de ces hommes sur les corps et les œuvres de ces femmes artistes. Elle dénonce l’hypocrisie de l’environnement et la protection systémique bien organisée et très bourgeoise dont ils bénéficient.
Son action est choquante, car son essence est de choquer et de refléter cette violence. « Dans le hors-champ des institutions, des biennales et des musées de renom, le patriarcat contemporain maintient la main sur les sexes et sur des expositions qui se réclament toutes de féministes ! Elle expose des vulves blanches au nom de l’émancipation mais à condition bien sûr que ce sexe exhibé serve de couverture et n’accuse ni leurs conservateurs, ni leurs mécènes, ni leurs sponsors, ni leurs réalisateurs. »conclut la lettre de Deborah de Robertis, nommant Massimo Minini comme « seul galeriste » OMS « est une exception » : « Et je garde espoir que les Massimo existent dans le monde de l’art (…).»
Derrière On ne sépare pas la femme de l’artiste, Déborah de Robertis « nous interroge, nous interpelle, nous dérange », selon les propos de l’avocat de l’un des deux artistes, rapportés par l’AFP. Elle fait partie d’un « mouvement mondial » refuser ce vieux monde qui est le canal de cette culture du viol dont notre nouvelle génération ne veut pas hériter. Derrière l’étiquette sur L’origine du mondeil y a un rappel, que les femmes sont « l’origine du monde ». Derrière le vol de Je pense que oui, je suis nulIl y a « un geste de réappropriation » parce que l’œuvre appartient à l’un des hommes accusés par Deborah de Robertis.
« Je l’ai reconnue tout de suite, j’avais envie de vomir, car c’est celle qui pendait au-dessus de son lit conjugal. Je me suis souvenu des nombreuses pipes qu’il s’était permis de me demander comme si c’était son dû.écrit l’artiste sur son compte Instagram, âgée de 26 ans au moment où se sont produits ces événements. «Je me suis réapproprié le travail d’Annette Messager (…) OMS (lui) appartenait (…) car il symbolisait tout ce qu’il m’a volé, lui qui, déjà vieux, ne cessait de me demander de le sucer à quelques centimètres de cette œuvre.
« Ni piège ni vengeance » mais un signalement au parquet
Un film, réalisé par Deborah de Robertis, accompagne ces accusations : «J’ai 35 ans d’écart (l’homme qu’elle accuse, Note de l’éditeur) et j’ai été submergé par sa puissance au moment où je l’ai filmé. J’avais conscience à cette époque qu’il pouvait décider d’un claquement de doigts de faire exister mon œuvre ou de la nier, et j’ai progressivement pris conscience que mon corps était, pour lui, un passage obligé. Cette vidéo n’est ni un piège ni une vengeance : c’est un extrait d’un portrait filmé (…) qui symbolise la toute-puissance masculine dans le monde de l’art, et qui trouve naturel de lier la reconnaissance du travail à la consommation d’un corps. Avant et après lui, d’autres hommes ont usé du même pouvoir et des mêmes abus dans ma vie artistique. Faites-leur savoir qu’ils font l’objet d’une plainte auprès du parquet.
« Notre avenir est encore aujourd’hui entre vos mains ridées et errantes »écrit l’interprète dans sa lettre, demandant à ce monde de « sortir du déni » pour que nos enfants n’acceptent pas ce système patriarcal et d’appel « à toutes les femmes, avec ou sans vulves, à toutes les personnes intersexuées, trans et non binaires, et à toutes les personnes sous-représentées – qu’elles soient artistes, assistantes ou stagiaires dans le monde de l’art – d’oser s’exprimer ». Il faudrait un mouvement massif et politique, comme celui de Judith Godrèche qui a poursuivi le travail d’alerte lancé par Adèle Haenel des années plus tôt, pour que les paroles de Déborah de Robertis soient entendues, pour que des enquêtes soient menées, pour que « nous mesurer le danger qui pèse sur chaque femme évoluant dans la grande famille art.
Vous pouvez lire la lettre ouverte publiée par Deborah de Robertis sur son Medium.