Le Moyen-Orient vote (malheureusement) pour Trump
Nous vivons dans un monde gris. Un monde où la frontière entre démocraties et régimes autoritaires semble de plus en plus floue. Un monde marqué notamment par l’extrême polarisation des sociétés, qui ne cessent de débattre mais qui sont incapables de dialoguer, tant entre elles qu’en elles-mêmes. À l’ère de la post-vérité, le relativisme est roi. Tout en vaut la peine. Et plus rien ne vaut rien.
Donald Trump pourrait être réélu à la tête de la première puissance mondiale dans les prochaines heures. Il n’y a pas de quoi se réjouir ni même de relativiser. Le candidat républicain est un populiste, raciste, sexiste, climato-sceptique, qui crache sur l’État de droit et ne respecte rien sauf lui-même. Un second mandat de sa part exacerberait les tensions au sein de la société américaine et pourrait avoir de graves conséquences sur la scène internationale, sur le climat, sur l’Ukraine et bien sûr… au Moyen-Orient.
Mais le Moyen-Orient ne voit pas les choses de cette façon. En 2020, déjà, une partie de la région ne cachait pas sa préférence pour le milliardaire américain. Sa bienveillance envers les régimes autoritaires et sa ligne dure envers l’Iran ont séduit de nombreuses puissances en place dans la région. Sa vision business des relations internationales, sa brutalité verbale et sa façon de gonfler constamment le torse contribuent également à sa réussite dans la région.
Quatre ans plus tard, la dynamique semble encore plus prononcée, notamment parmi les opinions. En témoigne par exemple l’évolution du sentiment des Arabes américains qui, selon un sondage Arab News/YouGov publié lundi 22 octobre, préfèrent l’ancien locataire du Bureau Ovale à l’actuel vice-président (45% contre 43). %). Donald Trump a gagné du terrain, mais ce sont surtout les démocrates qui en ont perdu. Au mieux, ils sont perçus comme impuissants. Au pire, comme complices d’un potentiel génocide à Gaza. Pourquoi Donald Trump serait-il pire que son concurrent ? Qu’y a-t-il de pire qu’un génocide ? Cette logique nous pousse à relativiser les résultats des élections, voire à estimer que le candidat républicain est plus susceptible que Kamala Harris de faire pression sur Israël et d’arrêter la guerre. « Il est fou, mais au moins il est fort », voilà qui résume l’état d’esprit dominant dans la région.
Ce pari semble très risqué. Certes, l’administration Biden porte une lourde responsabilité dans la tragédie de Gaza. Il a fourni à Israël des armes et des munitions, l’a soutenu politiquement et a mené une guerre contre toutes les institutions judiciaires qui le tenaient pour responsable. Autant elle déteste Benjamin Netanyahu, autant elle a critiqué la manière dont cette guerre a été menée, autant elle ne l’a en substance jamais contestée.
Mais qui peut prétendre que Donald Trump, l’homme qui a reconnu l’annexion du Golan, qui a reconnu Jérusalem comme capitale de l’État juif, qui a cessé de financer l’UNRWA, qui n’a jamais caché son mépris pour l’autorité palestinienne, qui a conclu les accords d’Abraham et qui doit une partie de son succès à un électorat évangélique qui ne jure que par Israël, aurait fait mieux ? Qui peut dire que cela n’aurait pas été encore pire ?
Le candidat républicain est un isolationniste qui ne croit qu’à l’équilibre des pouvoirs. En même temps, c’est un homme convaincu de son génie et dont l’ego pourrait le pousser à se présenter comme le grand négociateur de la région. Il n’est pas exclu que Donald Trump puisse avoir davantage d’influence sur Israël, même si cela est largement discutable compte tenu de son électorat. Il n’est pas non plus exclu qu’il parvienne à arrêter cette guerre, notamment via un accord avec les pays du Golfe, même si, là aussi, sa marge de manœuvre apparaît très limitée. Mais il n’est pas non plus exclu que le candidat républicain donne son feu vert à Tel-Aviv pour aller encore plus loin, approuver l’occupation d’une partie de l’enclave palestinienne ou d’une partie du Liban et intervenir directement contre l’Iran. Non pas dans le but de mener une guerre longue ou de faire tomber le régime, mais de frapper assez fort, en l’occurrence les infrastructures nucléaires, pour que le gouvernement iranien accepte sa défaite.
L’élection de Donald Trump prolongerait la guerre, tant à Gaza qu’au Liban, au moins jusqu’en janvier prochain. Après son investiture, elle ajouterait une nouvelle dose d’incertitude à une région déjà extrêmement instable. Du chaos au chaos. La force brute, si elle n’est pas accompagnée d’une vision politique, ne résoudra rien dans la région. Mais ce dernier ne le comprend malheureusement toujours pas.
Nous vivons dans un monde gris. Un monde où la frontière entre démocraties et régimes autoritaires semble de plus en plus floue. Un monde marqué notamment par l’extrême polarisation des sociétés, qui ne cessent de débattre mais qui sont incapables de dialoguer, tant entre elles qu’en elles-mêmes. À l’ère de la post-vérité, le relativisme est roi….