L’ONG Agir pour l’Environnement met en évidence des dizaines de fragments de six types de plastique dans des bouteilles de Coca-Cola – Libération
Des fragments de plastique engloutis à chaque gorgée de soda. Ce jeudi 22 août, l’association Agir pour l’Environnement a publié une étude révélant les traces de dizaines de particules de plastique à l’échelle micro et nanométrique dans les bouteilles au logo rouge de Coca-Cola Original. Un tempo qui tombe mal pour le géant américain, partenaire officiel des Jeux olympiques et paralympiques de Paris actuellement pointé du doigt pour son greenwashing et ses engagements de façade sur la réduction du plastique à usage unique pendant la période des épreuves. Non sans sarcasme, le rapport de conclusions des travaux de l’ONG s’intitule « Coca-Cola, champion olympique des microplastiques ?. En collaboration avec deux laboratoires spécialisés dans la recherche sur les polymères, elle a réussi à identifier six types de plastique différents dans les contenants d’un litre de la boisson. Rien qu’en France, environ 950 millions de bouteilles sont vendues chaque année, selon l’association.
Parmi les six types de microparticules détectées dans la boisson pétillante, les polymères détectés étaient principalement du polyéthylène (PE), du polyéthylène téréphtalate (PET) et du polychlorure de vinyle (PVC), trois substances également utilisées, par exemple, pour les films ou les bouteilles. Le problème, outre l’exposition problématique aux particules de plastique, est que seuls le PE et le PET apparaissent sur l’emballage. « Rien n’indique que ces bouteilles contiennent du chlorure de polyvinyle, et à juste titre, puisque les fabricants de cette boisson ont signé en 2019 le pacte national sur les emballages plastiquesqui entend réduire au maximum l’utilisation de ce polychlorure… Ce PVC n’a pas sa place dans nos résultats », commente Stephen Kerckhove, le directeur de l’association, qui précise avoir adressé mardi 20 août un courrier à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et à l’entreprise Coca-Cola pour obtenir des explications. « En termes de transparence de la composition des produits, on n’en est clairement pas là, ajoute Jean-François Ghiglione, directeur de recherche au CNRS et membre actif des négociations sur le traité international contre la pollution plastique, qui n’a pas participé à l’étude. La communication de l’entreprise a toujours été de dire qu’il n’y avait que du PE et du PET. » Contacté par Libérerl’entreprise n’a pas répondu.
Les nanoparticules pourraient atteindre les organes
La découverte du PVC n’est évidemment pas la seule mauvaise surprise. Pour réaliser des analyses « aussi proche que possible des conditions d’utilisation réelles » Pour évaluer la consommation de la boisson, Agir pour l’Environnement a réalisé trois scénarios d’ouverture de la bouteille, c’est-à-dire ouvrir le bouchon en plastique une fois, dix fois et vingt fois. Et les résultats sont éloquents. « L’ouverture répétée, comme lors d’une utilisation normale (…) génère non seulement une quantité croissante de microparticules de plastique, mais multiplie également le nombre de polymères différents présents et donc leurs effets nocifs potentiels sur la santé », Selon l’étude, à la première ouverture de la bouteille, les laboratoires ont compté 4 microparticules de plastique dans une bouteille d’un litre de Coca-Cola Original. Après dix ouvertures, la moyenne est passée à 28 microparticules par litre, et après vingt ouvertures consécutives, à 44 par litre. « Le liège est endommagé par l’abrasion et laisse échapper encore plus de plastique, explique Jean-François Ghiglione. La seule autre situation qui crée ce phénomène est lorsqu’une bouteille en plastique est exposée au soleil, car Les rayons ultraviolets sont également capables de déclencher la libération de particules de plastique supplémentaires.
Lors de ses analyses, l’association a également trouvé des nanoparticules (de taille inférieure à un micromètre). « pas les moyens scientifiques » de les quantifier précisément et d’identifier la nature du plastique, explique Stephen Kerckhove. Mais elle a identifié « nanoparticules dès la première ouverture du bouchon », avec un diamètre moyen d’environ 208 nm (diamètre qui augmente au fur et à mesure que la bouteille est fermée puis réouverte). « Plus ces corps étrangers sont petits, plus ils sont susceptibles de franchir nos barrières biologiques pour pénétrer dans nos organes, notre foie, nos poumons, notre cerveau, explique Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et spécialiste des emballages (qui n’a pas contribué à l’étude). Et aucun être vivant ne dispose des outils biologiques pour se débarrasser de ces polluants qui perturbent inexorablement le bon fonctionnement des organes où ils s’accumulent. Comme l’attestent de nombreuses études scientifiques indépendantes à travers le monde. » Agir pour l’Environnement a également transmis ses travaux à la Direction générale de la santé et à l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire.
Promesses non tenues
En 2022, l’ONG a publié une première étude démontrant la présence de plastiques dans 78 % des bouteilles d’eau qu’elle avait analysées. Dans ce nouveau volet « soda », l’association a également décortiqué le Schweppes Indian Tonic, avec les mêmes résultats que pour le Coca-Cola Original (présence de nanoparticules et identification de quatre à cinq polymères parmi les microparticules), mais sans le problème du PVC. La marque Schweppes est exploitée dans plus de 150 pays par The Coca-Cola Company. « Cette entreprise tente de se construire une image plus responsable en faisant des promesses de déplastification qu’elle ne tient pas, en ne respectant pas le devoir de vigilance qu’elle est tenue d’avoir, déplore Nathalie Gontard. Pourtant, ces bouteilles constituent une utilisation totalement non essentielle du plastique. Le jeu en vaut-il la chandelle, alors que l’innocuité des micro et nanoparticules libérées lors de la production de ces bouteilles n’a jamais été démontrée et qu’elles compromettent les conditions de vie des générations futures en continuant à se fragmenter pendant des centaines d’années ?
Dans un article publié en avril dans la revue Progrès scientifiquesUne équipe internationale de chercheurs a confirmé que la firme était la marque qui générait le plus de déchets plastiques dans l’environnement mondial. Sur les près de 2 millions de déchets collectés pour leur documentation entre 2018 et 2022, 11 % étaient étiquetés Coca-Cola. Loin devant le reste du top 5 composé de PepsiCo (5 %), Nestlé (3 %), Danone (3 %) et Altria (2 %). « Nous touchons ici à la responsabilité élargie des producteurs, souligne Jean-François Ghiglione. Les bouteilles en plastique sont à la fois un risque pour la santé humaine, mais aussi une menace pour la biodiversité et un véritable ennemi dans la lutte contre le réchauffement climatique.