Critique du film Mad Fate (2024)
CRITIQUE / AVIS FILM – Nouveau film de Soi Cheang après l’excellent « Limbo », « Mad Fate » voit une médium et un livreur mentalement instable tenter de déjouer le destin tandis qu’un tueur rôde en ville.
Soi Cheang confirme après Limbo
Avec Soi Cheang, les cinéphiles hongkongais (et les autres) ont de quoi se réjouir. Alors qu’une bonne partie de sa filmographie reste inédite en France (ou seulement en DVD), et malgré de gros succès en Chine (la trilogie Le Roi Singe), ce n’est que récemment que nous avons commencé à nous enthousiasmer pour le réalisateur. Plus précisément avec Limbo (2021)un gros thriller en noir et blanc, étouffant et collant. Ensuite, c’est son film d’action moderne et nostalgique La Cité des Ténèbres qui nous a giflé au 77e Festival de Cannes (Hors Compétition). Et alors qu’il sortira dans les salles françaises le 14 août prochain, il y a déjà de quoi se régaler avec sa précédente production, Le destin fou (tourné 2 ans plus tard Limbo), en salles depuis le 17 juillet.
Le destin fou :un thriller de Hong Kong qui devient fou
Soi Cheang est un auteur prolifique. Et le voir enchaîner les films avec une telle facilité sans se répéter ni décevoir est remarquable. Le cinéaste poursuit son exploration de Hong Kong, mais déjoue cette fois nos attentes en transformant son film de tueur en série en une sorte de film de copains mené par deux fous. Dans Le destin fouC’est le destin qui réunit deux personnalités atypiques. Alors qu’un homme est en train d’assassiner une prostituée, un livreur mentalement instable (Lokman Yeung) sonne à la porte de la victime, laissant le tueur dans l’embarras.
Puis il sort un maître du feng shui (Lam Ka-tung)convaincu que la prostituée est en danger et qu’il doit la sauver. Tous deux arrivent trop tard et ne peuvent empêcher le tueur de s’échapper. Sauf que leur rencontre va être décisive. Le maître voulant changer le destin du jeune livreur, dont pulsions violentes le conduira inévitablement en prison.
Un savant mélange de genres
Peut-on vraiment aller à l’encontre de son destin ? Soi Cheang s’interroge un moment sur la question.une chevauchée sombre et désespéréeet en suivant ces deux fous dont on ne sait pas lequel des deux est le plus perturbé. Si le maître est extrêmement empathique et est lui-même victime d’un traumatisme passé, le livreur est en dualité constante avec ses pulsions. En réunissant ces deux types de personnages très différents, le réalisateur provoque parfois une forme d’amusement (un burlesque assumé), et se montre très habile à créer de la tension face à l’horreur. On retrouve en effet dans Le destin fou codes du genre horrifique, avec des séquences sanglantes effrayantes, et un aspect plus social obtenu par ces deux marginaux perdus dans ce monde.
Une façon pour Soi Cheang de s’établir encore et encore un portrait plutôt tragique de Hong Kong. Sans insister autant sur la ville que ce fut le cas avec Limbole réalisateur privilégie ici une représentation hallucinatoire des lieux. Le cinéaste assume également l’aspect surnaturel sans tomber dans le grotesque. Au contraire, il l’utilise intelligemment, en tirant un outil puissant pour rendre ce monde toujours plus dérangé, qui fera même perdre pied au détective rationnel qui mène l’enquête. Ainsi, loin de ressembler aux thrillers habituels du genre (en rendant par exemple le tueur très secondaire), Soi Cheang surprend par son audace et continue de revitaliser le cinéma de Hong Kong.
Le destin fou de Soi Cheang, en salles le 17 juillet 2024Ci-dessus se trouve la bande-annonce.