« Zaclay », première victime du plan anti-ZAD de Darmanin

Gérald Darmanin avait annoncé la couleur. Dès avril, le ministre de l’Intérieur déclarait : « Plus aucune ZAD ne s’installera dans notre pays. Ni à Sainte-Soline ni ailleurs. »
Il prévoyait même la création d’un « cellule anti-ZAD ». Parmi les premiers touchés, « Zaclay », un espace autogéré installé il y a deux ans au milieu d’un champ à Villiers-le-Bâcle (Essonne), face au chantier de la ligne 18 qui traversera bientôt des champs sur le plateau de Saclay .
« Il faut croire que Sainte-Soline les a énervés. »
Convoqués par la gendarmerie, les propriétaires des terrains qui accueillaient les occupants auraient été menacés « d’énormes amendes rétroactives »craignant aussi possible « représailles »précise Sabrina, occupante à temps partiel des lieux et membre du Collectif contre ligne 18.
« Il faut croire que Sainte-Soline les a énervés. » Ce lundi 5 juin, au lendemain d’un « dépendance en rack » rythmée par un feu de joie et un pique-nique participatif, les occupants ont décidé de lever le camp le jour de l’ultimatum fixé par les autorités.
Constituée d’étudiants, de chercheurs, de simples citoyens et de militants écologistes, la ZAD a fêté ses deux ans d’existence les 13 et 14 mai. Une grange paysanne avait été montée sur le tracé de la future ligne 18, dont le terrain appartient au département, avant détruit par des engins de chantier quelques jours plus tard. Ces derniers jours, des « granges » avaient également été construites, non loin d’une petite exposition où les messages se mêlaient aux peintures et graffitis réalisés par les occupants.
Après s’être résolus à partir, les militants avaient organisé une grande braderie pour se débarrasser des matelas, des outils et des palettes. En chargeant le dernier camion à destination d’Emmaüs, Sabrina confie que le « la pression était trop forte » sur la famille Vandamme, propriétaire des 200 hectares où « Zaclay » était installé.
L’occupation aurait pu être légale du fait de l’entente avec les propriétaires, mais « la préfecture a considéré qu’il y avait des infractions au code de l’urbanisme. Il y a aussi la proximité du Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives qui pose problème »développe Marie, occupante des lieux et responsable du potager et des framboisiers qui bordaient les tentes et cabanes.
Un nouveau pas vers l’artificialisation de ces terres, « parmi les plus fertiles d’Europe »
Alors que les bras articulés du prestataire privé Terideal, engagé par le département, débarquaient sur les lieux accompagnés des gendarmes, les dernières constructions bloquant le passage de la ligne de métro disparaissaient une à une. Un nouveau pas vers l’artificialisation de ces terres, « parmi les plus fertile d’Europe «. Mais entre agriculture et « modernité », les élus ont fait leur choix.
Les lieux s’urbanisent progressivement à partir des années 1950, accueillant les laboratoires du CNRS, puis la prestigieuse école de commerce HEC et la grande école d’ingénieurs Supélec. 1 400 hectares ont été bétonnés depuis sur le plateau de Saclay, et des milliers d’autres pourraient suivre.
Leur idée est d’avoir un métro prestigieux, qui permettra aux chercheurs du monde entier de venir directement d’Orly. Le souci, c’est qu’ils détruisent tout un écosystème dans le processus » Marie, occupante des lieux et responsable du potager et des framboises
La ligne 18, qui fait partie du réseau de transports en commun du Grand Paris Express, doit permettre de relier Orly, Versailles et le pôle universitaire. « Leur idée est d’avoir un métro prestigieux, qui permettra aux chercheurs du monde entier de venir directement d’Orly. Le souci est qu’ils détruisent tout un écosystème dans le processus », dénonce Marie.
Un choix fait au détriment des sols de Saclay, argilo-limoneux et à haut rendement agricole, fruit de dizaines de milliers d’années de conditions favorables et de l’assèchement du marais qui s’y trouvait autrefois. « Une fois l’écosystème détruit, il ne peut plus être remis en place aussi facilement »se lamente la jeune femme.
Reprendre l’initiative
Une raison de continuer à se battre, pour le collectif, qui a publié un communiqué la semaine dernière : « Que les autorités se rassurent : l’énergie que nous ne mettrons plus à lutter au milieu des champs contre le vent, la boue et le froid, nous la consacrerons à mettre des bâtons dans les roues de la Société du Grand Paris, la les ouvriers du béton de tout poil et leurs projets meurtriers. »
Malgré la douleur ressentie par Sabrina en quittant les lieux, elle s’estime « Heureux de partir comme ça, même si certains d’entre nous doutaient de cette stratégie. En partant de nous, on s’est dit qu’on rendait service à Darmanin qui voulait éviter les images de violence. Cependant, nous avons le sentiment d’avoir repris l’initiative. Ils ne peuvent pas nous criminaliser. »
Les militants planifient déjà de nouvelles actions contre l’étalement urbain et la destruction des terres, évoquant la possibilité d’un retour prochain sur les lieux, pour« s’occuper du potager, voire planter quelques tentes dans des occupations temporaires ».
Grb2