Zabih Yaqubee : « La mer, pour moi, était un endroit où l’on pouvait mourir »

Escorter la flamme olympique sur le Belem d’Athènes à Marseille

Son premier contact avec l’océan a été une vision d’angoisse : celle du canot non motorisé, surchargé d’une trentaine d’autres migrants, à bord duquel il a embarqué en 2015 sur une plage de Turquie, direction la Grèce. « La mer, pour moi, c’était un endroit où l’on peut mourir… avant de découvrir ce bateau », raconte Zabih Yaqubee, un réfugié afghan de 25 ans. Le bateau en question est le Belem. Du 24 avril au 8 mai, la barque à trois mâts du XIXe siècle a accueilli 16 « scouts » pour escorter la flamme olympique d’Athènes à Marseille. Zabih a été sélectionné pour faire partie de ce groupe de jeunes, et pour se lancer dans un voyage à l’opposé de son périple dur et désespéré vers la France.

Il raconte son père tué par les talibans alors qu’il n’avait que 5 ans, sa mère qui s’est remariée et a soudainement disparu du paysage, ses premières tentatives de quitter l’Afghanistan à 12 ans, après une succession de petits boulots, vendeur de bonbons, travaillant dans un restaurant en dormant sur la table… Avant de parvenir à rejoindre l’Iran, son billet pour l’Europe, il a fait plusieurs allers-retours dans ce pays, d’où il a été régulièrement chassé. « Je devais marcher pendant des jours dans les montagnes, puis ils me faisaient rentrer dans le coffre d’une voiture ou me pendre sous son châssis sans bouger pendant des heures. Être ici aujourd’hui, c’est comme passer de l’enfer au paradis ! »

Réconcilié avec la mer

Sur le Belem, le jeune homme a vu les premiers dauphins de sa vie, a passé l’étroit canal de Corinthe et ses eaux turquoise enchâssées entre de hautes falaises blanches, a admiré la beauté d’un lever de soleil au large de Capri, la lave jaillissant du Stromboli… A la barre, que l’équipage lui laissait souvent, il se sentait libre, fier, confiant. Ses horizons s’élargissaient, son ciel s’éclaircissait. Réconcilié avec la mer, Zabih y verrait même, pourquoi pas, un peu de son avenir : début juillet, l’apprenti marin entamait une formation de charpentier de marine à La Rochelle.

➤ Article publié dans le mRevue GEO HS n°122Départ, août-septembre 2024.

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