Yvelines : le plus grand dinosaure jamais mis aux enchères exposé au château de Dampierre
Vertige du temps. Tout droit sorti du Jurassique, comme sorti de nulle part, il trône sur les pavés du château de Dampierre-en-Yvelines, à 30 km au sud-ouest de Paris, dans la cour d’honneur fraîchement restaurée. Il a été installé avec une infinie précaution, une considération légitime compte tenu de son âge incroyable. Vulcain a 150 millions d’années, « à peu près », bien sûr. Le 16 novembre, ce dinosaure rarissime sera vendu aux enchères. Il est le plus grand jamais passé sous le marteau au monde.
Vulcain l’herbivore est exposé dans l’orangerie de Dampierre jusqu’au 3 novembre, avant la vente qui se tiendra sur place. Il est estimé entre 3 et 5 millions d’euros. Depuis la première vente de fossiles de dinosaures, chez Sotheby’s New York en 1997, le succès de ces témoins de la nuit des temps n’a cessé de croître. En France, la première vente de dinosaures remonte à 2008, chez Christie’s Paris. Et le marché a explosé ces cinq dernières années. En octobre dernier, un squelette a été vendu près d’un million d’euros à l’Hôtel Drouot (IXe arrondissement), pour les 30 ans de « Jurassic Park ».
Au milieu de la semaine dernière, le vieux Vulcain a été installé dans la cour du château pour quelques heures, le temps de se faire tirer le portrait. Il a ensuite été démonté, puis remonté dans la chaleur de l’orangerie. Impossible de le laisser dehors, exposé aux caprices du temps.
150 millions d’années, 21 m de long, 4 m de haut…
Ce spécimen d’apatosaure — autrefois appelé « brontosaure » — mesure 21 m de long, 4 m de haut et possède plus de 80 % de ses os « natifs », dont une partie de son crâne, ce qui est exceptionnel. La circonférence de ses fémurs et de ses humérus permet aux scientifiques d’estimer son poids lorsqu’il était vivant, entre 20 et 25 tonnes. Les spécialistes considèrent également qu’il a probablement soufflé ses 45 bougies, au temps de sa splendeur.
Découverte en 2018 dans le Wyoming, aux Etats-Unis, elle est aujourd’hui la propriété d’un consortium de paléontologues. L’idée de l’exposer à Dampierre, dans le petit Versailles de la vallée de Chevreuse, est venue d’Olivier Collin du Bocage, commissaire-priseur qui coorganise la vente avec Florent Barbarossa, à la tête d’une jeune maison de ventes parisienne.
Olivier Collin du Bocage connaît depuis longtemps le personnage clé qui a rendu possible cette incroyable opération : l’excentrique et richissime entrepreneur Franky Mulliez, propriétaire du Château de Dampierre depuis 2018. Fondateur des magasins Kiloutou, il consacre une grande partie de sa tirelire à la restauration du domaine, un chantier pharaonique démarré en 2020.
Le propriétaire du château est passionné de paléontologie
Franky Mulliez est aussi un collectionneur… de passions. D’œuvres d’art, de carrosses et de voitures anciennes qu’il s’apprête à transformer en musée, d’architecture… Il faut y ajouter la paléontologie, une passion qu’il partage avec Honoré d’Albert de Luynes, duc de Chevreuse et propriétaire du château au XIXe siècle. Comme son lointain prédécesseur, Franky Mulliez possède une collection de fossiles. Le cabinet de curiosités créé au XIXe siècle par le duc de Luynes est riche de plus de 6 000 pièces.
Le dinosaure géant qui vient d’arriver, trésor parmi les trésors, s’inscrit dans cette illustre lignée. « C’est un événement exceptionnel pour nous, se réjouit Pascal Thévard, directeur général du domaine de Dampierre. Il y a une émotion liée à cette passion partagée par les propriétaires des lieux, à près de deux siècles d’intervalle. » « Il nous fallait un espace à la hauteur de ce spécimen rare, justifie Olivier Collin du Bocage. Le Château de Dampierre a du sens. C’est l’histoire d’une rencontre. »
Trois ans de fouilles, deux ans de préparation
Dans son linceul du Wyoming, le fantôme du Jurassique supérieur a été ramené à la lumière après trois ans de fouilles. Puis minutieusement ressuscité grâce à deux ans de travail d’orfèvre, dans un atelier de préparation du Luberon, dans le sud de la France.
C’est là qu’elle a été libérée de ses blocs de pierre, restaurée et remontée. Aux commandes, Nicolas Tourment, à la tête du seul laboratoire en France capable de gérer cette étape cruciale, juste après la phase d’extraction.
Ebéniste-sculpteur de formation et collectionneur de fossiles, le spécialiste a passé sa vie à étudier l’anatomie des mammifères et des dinosaures. « Nous avons essayé de monter ce spécimen comme s’il s’agissait de pierres précieuses, insiste-t-il. Il bénéficie d’un écrin idéal à Dampierre. »