Y a-t-il 100 000 armes qui circulent dans l’archipel, comme le prétend Bruno Retailleau ?

En pleine vague de violences en Nouvelle-Calédonie, le chef de file des sénateurs Les Républicains affirme que 100 000 armes circulent dans l’archipel. C’est vrai. Selon les autorités, 64 000 armes sont déclarées et autant circulent illégalement.

L’état d’urgence est déclaré en Nouvelle-Calédonie, tandis que les pillages et les violences se multiplient. Quatre personnes sont mortes, dont un policier. Invité de franceinfo, le chef des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau, a dénoncé la situation mercredi 15 mai : « Nous avons désormais des milices, l’État est débordé, les gens sont tentés de se défendre ». « Il faut savoir que la Nouvelle-Calédonie est un peuple de chasseurs, il y a 100 000 armes qui circulent, vous vous rendez compte ?, proteste-t-il. Vrai ou faux ?

C’est vrai. Les autorités recensent 64 000 armes de catégorie B et C, c’est-à-dire des armes de chasse et de tir sportif, détenues légalement. À cela s’ajoutent les armes détenues illégalement. Les autorités estiment qu’il y en a presque autant. « Les services de l’Etat évoquent donc au total 100 000 armes en circulation »peut-on lire dans un rapport parlementaire publié le 29 avril 2024. « Parfois, des gens détiennent des armes illégalement mais sans forcément le savoir. Sur 64 000 armes, on peut considérer qu’il y en a autant, voire un peu plus, qui sont détenues illégalement. »Julien Pailhere, directeur de cabinet du Haut-commissariat de Nouvelle-Calédonie, l’expliquait déjà à La Première, en novembre 2022.

100 000 armes pour une population de près de 270 000 habitants, cela correspond à plus d’un habitant de Nouvelle-Calédonie sur trois possédant une arme. Sur l’ensemble du territoire français, on estime à 5,4 millions le nombre d’armes en possession légale et jusqu’à 12 millions d’armes en circulation, selon une enquête de l’Institut de hautes études internationales et du développement. , à Genève (Suisse). Environ 17 % de la population française possède une arme. Il y a donc, proportionnellement, deux fois plus d’habitants possédant une arme en Nouvelle-Calédonie que sur l’ensemble du territoire français.

Pourquoi y a-t-il autant d’armes en circulation dans l’archipel ? D’abord parce que de nombreux habitants de Nouvelle-Calédonie pratiquent le tir sportif et la chasse. C’est une tradition, ils chassent le cerf rusa, le cochon sauvage, le notou ou encore la roussette. La fédération locale de chasse compte 4 500 membres.

Un habitant, contacté par franceinfo, nous a également expliqué que l’arme avait un aspect culturel et symbolique, notamment en campagne, pour « imposer ». Certains habitants sont encore traumatisés par les violences des années 1980 dans l’archipel, entre partisans et opposants à l’indépendance. Ils veulent se protéger. L’épisode actuel ravive également ce souvenir.

Il y a aussi un sentiment d’insécurité par endroits. Selon l’enquête « cadre de vie et sécurité », réalisée par l’Institut de statistique et d’études économiques de Nouvelle-Calédonie (Isee) en 2021 auprès de 6 000 habitants, 21 % des personnes âgées de 14 ans ou plus se déclarent « souvent » ou « de temps en temps ». temps » ne se sentent pas en sécurité dans leur quartier, leur village ou leur tribu.

En France métropolitaine, selon la même enquête réalisée la même année, ils étaient de l’ordre de 10 %. Mais ce sentiment d’insécurité en Nouvelle-Calédonie concerne principalement les non-Kanaks (24% contre 16%) et les habitants des zones urbaines, dans l’agglomération de Nouméa (26% contre 11% en milieu rural). Les faits de délinquance sont également concentrés dans l’agglomération de Nouméa, où se déroulent les trois quarts des infractions, selon le dernier bilan de la délinquance en Nouvelle-Calédonie.