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Wissam Ben Yedder, caché derrière sa vitre – France – Justice

Wissam Ben Yedder, caché derrière sa vitre – France – Justice

Un ciel d’un bleu pur illumine les murs jaunes de la très bourgeoise vieille ville de Nice, où touristes et badauds profitent de l’été indien. Vers 16h30, un petit attroupement attire l’attention sur les marches du palais de justice, et se précipite dans la salle d’audience numéro trois, derrière celle des Pas Perdus. Au cœur de l’agitation, un homme vêtu d’un pantalon noir et d’une veste kaki, casquette vissée sur la tête et une main devant le visage, fait mine de se gratter l’oeil, suivi de ses deux avocats. Wissam Ben Yedder, le regard tourné vers le sol, pénètre dans le sas accompagné de son avocat et tourne le dos aux journalistes, retranchés dans un coin de l’agence.

L’ancien international français, 19 sélections, vice-meilleur buteur de l’AS Monaco, comparaît pour agression sexuelle en état d’ébriété, conduite en état d’ébriété et refus d’obtempérer. Un peu moins d’une heure après son entrée, il se tenait au bar, à quelques mètres du plaignant de 23 ans. Ses premiers mots sont inaudibles. Il bavarde, à tel point que le président le reprend et lui demande de décliner son identité. Le magistrat résume les faits qui lui sont reprochés, survenus dans la nuit du 6 au 7 septembre, vers 2h-3h du matin.

Jack Da et Coca

Ce soir-là, Wissam Ben Yedder montait dans une Peugeot 206 bleue appartenant à son frère, et descendait boire une bouteille de Jack Daniel garnie de Coca-Cola sur la plage. Il reste dans son véhicule, « dans sa bulle ». Une bulle où il s’est réfugié ces deux dernières années, une manière selon lui d’oublier tous ses problèmes. Comme le « trahison » de son agent de toujours et l’escroquerie de plusieurs millions d’euros de son gestionnaire de fortune, que ce dernier lui avait présentée, ainsi que son divorce, engagé depuis mai 2023, qui l’a vu perdre la garde de son jeune enfant, ou encore les graves problèmes cardiaques. qui affectent sa mère depuis plusieurs mois. Sans oublier les poursuites judiciaires pour viol dont il fait l’objet en compagnie de son frère Samir, pour des faits présumés survenus en juillet 2023, où ils auraient amené dans leur logement deux femmes avec lesquelles ils ont eu des relations sexuelles décrites par les plaignants comme non consenti.

Il quitte malgré tout cette bulle pour s’adresser à un groupe de jeunes qui passent leur soirée au bord de la mer dans leur ville de Cap d’Ail, près de Monaco. Il appelle un des gars de la bande, M., lui dit qu’il l’aime bien. Il attrape l’autre par le col, faisant croire aux témoins qu’une bagarre se prépare, avant de finalement rire avec lui. D., le plaignant, témoigne du comportement « très bipolaire » de sa part : du coup l’agresseur ex-asémiste rit, du coup il se montre  » agressif « . La jeune femme et un ami présent lors de la soirée témoignent tous deux des regards insistants de ce dernier. « Nous avions tous peur de lui, c’est une personne âgée »déposer en premier. Il obtient des informations auprès de leur ami M.. « La brune était prise, la blonde, elle était bien »il se présente en garde à vue. En d’autres termes, il voit « une opportunité sexuelle facile »décrit le procureur. « Un morceau de viande qu’il pourrait utiliser. »

Ben Yedder reste près de trois heures, assis dans sa voiture, avec le petit groupe, en train de boire sa bouteille de Jack Da. Les jeunes ne reconnaissent pas le joueur et comprennent difficilement ce que ferait à cette heure un entraîneur de football supposément illustre, seul dans une petite Peugeot 206 avec un « énorme bouteille d’alcool ». Ils vérifient les affirmations de l’homme de 34 ans sur Instagram. L’homme se croit filmé et se met une nouvelle fois en colère. Lorsque M. leur demande d’aller chercher des cigarettes à la station-service voisine, Ben Yedder l’invite à monter dans la voiture avec D., la jeune femme blonde, qui répond qu’il s’exécute. « par peur » de ce dernier, rassuré par le « présence sécurisée » de son amie, qui lui fait comprendre qu’elle « n il n’y a aucun risque ». Dans le véhicule, il tente de forcer la jeune femme à boire. Arrivé à destination, M. descend, la porte claque, Wissam active la sécurité enfant et verrouille le véhicule. « Je vois ma copine essayer d’ouvrir la porte »M. s’en souviendra à la police. Trop tard, Wissam Ben Yedder démarre en trombe.

«  je suis fou »

La voiture  » volé «  à chaque dos d’âne, et D. se rend compte qu’elle n’a plus ses affaires, M. étant sorti avec son téléphone et son portefeuille. Elle est anxieuse. « Ne vous inquiétez pas, nous allons dans un endroit plus calme »lui aurait dit le joueur en la conduisant vers le parking fermé proche de son domicile, où il aurait dit à la jeune femme solitaire de s’asseoir sur la banquette arrière. Le siège bébé posé dans le coffre, il s’assoit à côté de lui. Pendant de nombreuses minutes, selon le récit de la plaignante, l’international a tenté de l’embrasser. Elle a dit qu’elle l’avait vivement repoussé. Il aurait ensuite tenté de l’amener à elle en lui attrapant les épaules à de nombreuses reprises, aurait passé sa main à l’intérieur de sa cuisse et se serait masturbé. « sans érection »précise la plaignante à la barre, mais son regard est oblique sur sa poitrine. Paralysée, elle se rend enfin compte que les portes ne sont pas verrouillées et s’enfuit.

Je suis solitaire, j’ai du mal à faire confiance. Je me suis réfugié dans l’alcool et ce fut la pire décision de ma vie.

Wissam Ben Yedder

Une caméra de surveillance la filme quittant le parking pour se cacher derrière une poubelle, le regard tourné vers la rue. Elle entend Wissam crier : « Où es-tu ? Où es-tu ? » Elle finit par rencontrer un passant, qui la ramène chez ses amis. Elle crie : « Il a essayé de me violer ! » »fond en larmes. Là, M. a déjà vu revenir Ben Yedder, très en colère, qui reproche à son ami de lui avoir volé son téléphone. « je suis fou »se répète-t-il. A 2h58, la gendarmerie de Cap d’Ail est informée de la situation et arrive. Les militaires ont rapidement aperçu ladite Peugeot 206 bleue sur le rond-point adjacent, qui s’est arrêtée au vu et au su des forces de l’ordre. Le conducteur remet sa ceinture de sécurité, puis accélère pour s’enfuir. Wissam Ben Yedder a finalement été interpellé devant son domicile, à deux pas de la gendarmerie, avec 0,76 gramme d’alcool par litre d’air expiré. En garde à vue, il explique qu’il venait de sortir boire un verre, avant de croiser un groupe de personnes mal intentionnées, dont une femme qui se serait comportée de manière intéressée, car il est célèbre et gagne beaucoup d’argent. « J’ai dit les choses par émotion »il minaude au bar.

« Je suis portugais, tout ce que je connais du football c’est CR7, donc un gars de Monaco… »nie le plaignant. A la barre, la défense de Ben Yedder a changé. Maintenant, il ne se souvient de rien, il en était à sa deuxième bouteille d’alcool et il buvait depuis trois ou quatre jours. « J’ai tendance à dire, ne te cache pas derrière une bouteille »réprimande le président du tribunal. Derrière ses problèmes d’alcool se cache la seule réponse que Wissam trouve à chaque question qu’on lui pose. Nerveusement, il se balance d’un pied sur l’autre. Le père de famille déclare ne pas se souvenir de sa soirée, et des faits allégués comme « impossible à faire » s’il avait été sobre. Il bavarde, cherche ses mots, parle d’une voix faible et rauque. Demande « sincèrement désolé » à la victime, sans rien reconnaître. Il supplie « l’opportunité de guérir »mais aussi celui de reprendre sa carrière. Monsieur a une préparation physique de six semaines prévue à la fin du mois, et les clubs européens attendent toujours de le recruter, lui qui a gagné récemment « près de 700 000 euros par mois ». « Je suis solitaire, j’ai du mal à faire confiance. Je me suis réfugié dans l’alcool, et ça a été la pire décision de ma vieil essaie. Je ne veux plus boire. »

Sanglots et traumatismes

A écouter Wissam Ben Yedder, il serait presque une victime. Victime de sa consommation d’alcool, de personnes malveillantes qui gravitaient autour de lui. Pour se faire pardonner, son avocat met en avant sa mère malade dont il s’occupait, son suivi psychiatrique interrompu uniquement lors de sa cure de désintoxication au CHU de Nice, qu’il a reprise avec enthousiasme une fois libéré, et sa participation aux réunions des Alcooliques Anonymes. Pourtant, ce n’est pas lui qui n’ose plus sortir seul dans la rue. C’est elle, D., qui n’a pas pu reprendre le travail en raison d’un syndrome post-traumatique et d’un état de détresse psychologique qui ne la quitte pas depuis cette nuit du 6 au 7 septembre 2024. C’est elle qui évoque, avec des tremblements dans le sien voix, au bord des larmes, sa transformation depuis ce soir. « Je ne suis plus le même. Je ne parle plus aux hommes, je ne me laisse plus toucher par mes amis, je ne travaille plus, je fais des cauchemars… »

Je ne suis plus le même. Je ne parle plus aux hommes, je ne laisse plus mes amis me toucher, je ne travaille plus, je fais des cauchemars…

Le plaignant

Poussée par ses proches, elle a rapidement porté plainte, sans grand espoir. L’homme qui l’aurait agressée est riche et célèbre, elle a donc peu d’espoir d’obtenir justice. Selon elle, il s’est même permis de se vanter auprès de ses amis masculins d’avoir déjà été accusé de violences sexuelles par d’autres femmes, sans conséquences. Elle a néanmoins fait sa déclaration dans le même commissariat où elle avait déjà déposé plainte pour viol par le passé, alors qu’elle avait 16 ans, avec pour seule issue une plainte pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de l’homme qu’elle considère comme son agresseur.

« Pourquoi, si nous avons peur, montons-nous dans la voiture ? »s’interroge l’avocat de la défense, qui conteste que l’acte décrit corresponde pénalement à une agression sexuelle et plaide donc pour la relaxe de son client. « Nous ne pouvons pas comprendre le comportement tant que nous n’avons pas vu (une telle scène) » explique la plaignante, arguant qu’elle craignait qu’il en vienne aux mains si elle refusait d’obtempérer. « Chacun a sa propre façon de réagir.» Le procureur soulève une autre question. Que serait-il arrivé si, paralysée, elle n’avait pas osé fuir ? Si Wissam Ben Yedder avait été plus maître de lui-même, de son corps et de ses actes ? Elle demande une peine de deux ans et demi de prison, dont douze mois sans possibilité de libération conditionnelle, donc sans mandat de dépôt et de prison, et dix-huit mois de prison avec sursis avec obligation de soins.

La décision du tribunal a été réservée jusqu’au 12 novembre. Wissam Ben Yedder est toujours présumé innocent. Le 27 décembre, il sera de nouveau jugé pour«  violences psychologiques entraînant une incapacité totale de travail de plus de huit jours »envers sa femme avec laquelle il est en instance de divorce. Il attend également la date du procès pour « viols, tentatives de viol et agressions sexuelles » sur une jeune femme de 19 ans en juillet 2023.« Pour qu’une personne poursuivie dans une affaire de viol se retrouve dans une telle situation, il y a un problème »a conclu l’avocat de la partie civile, M.e Frank Michel, une fois l’audience terminée.

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