VRAI OU FAUX. Cancer : pamplemousse, thé, curcuma… ces aliments aident-ils vraiment à lutter contre la maladie ou sont-ils nocifs ?
Pamplemousse, thé, millepertuis, curcuma, soja : attention ! Ces aliments ne font pas de miracles et peuvent même être nocifs s’ils sont associés à des traitements contre le cancer. A l’occasion du mois de sensibilisation aux cancers gynécologiques, l’IUCT-Oncopole organise une journée « turquoise » pour soutenir les patientes et les soignants et casser les idées reçues.
Le Dr Nafissa Saadoune et le Dr Véronique Pelagatti sont respectivement nutritionniste et pharmacienne à l’IUCT-Oncopole. Au travers d’ateliers, elles luttent régulièrement contre les idées reçues sur l’alimentation et informent sur les dangers que représentent certains ingrédients pour les personnes suivant un traitement contre le cancer. Elles apporteront des informations lors de la Journée Turquoise (1).
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Y a-t-il beaucoup d’idées reçues chez vos patients ?
Docteur Saadoune : Oui, et elles sont de plus en plus relayées par les magazines grand public et les réseaux sociaux qui abordent des sujets non scientifiques. Des aliments qui ont certaines vertus deviennent immédiatement des aliments miracles et certaines pratiques à la mode peuvent être néfastes en termes de nutrition et d’efficacité des traitements. Il faut repenser tout cela.
Docteur Pelagatti : Nous avons un rôle d’alerte, notamment sur les compléments alimentaires qui ont l’image de produits naturels. Naturel ne veut pas dire sans risque.
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Quelles sont vos principales mises en garde nutritionnelles ?
Docteur Saadoune : Au niveau nutritionnel, on alerte surtout sur des pratiques comme le jeûne thérapeutique et les régimes cétogènes vers lesquels les patients se tournent en pensant qu’il faut arrêter de nourrir la tumeur. Il n’existe pas de données scientifiques prouvant ces effets mais surtout ces régimes entraînent des risques de perte de poids et de masse musculaire qui sont des facteurs de mauvais pronostic. Souvent les patients sont conseillés par leur entourage qui pense faire le bon choix, on leur explique et on les oriente vers des sites (comme celui du réseau NACRe) où les messages sont très simples.
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À quels aliments faut-il faire attention lorsque l’on suit un traitement contre le cancer ?
Docteur Pelagatti : Tous les aliments sont autorisés dans le cadre d’une alimentation équilibrée et variée, sauf le pamplemousse ! Le pamplemousse peut augmenter jusqu’à 10 fois les concentrations de certains médicaments dans le sang, même à dose unique, ce qui peut donc entraîner des effets secondaires.
Le millepertuis, souvent pris pour combattre l’anxiété, peut réduire les concentrations par deux ou trois, même dans une simple tisane.
Nous recommandons également d’attendre deux heures entre la prise d’un médicament par voie orale et la consommation de thé, dont les tanins peuvent réduire son efficacité, ce qui n’est pas le cas du café.
Quant au soja, les doses limites de consommation sont les mêmes que pour la population générale, avec une vigilance chez les patientes atteintes d’un cancer du sein hormonodépendant car les isoflavones minimisent l’action des œstrogènes.
Docteur Saadoune : Lutter contre le cancer est un moment compliqué. Nous rappelons également aux patients qu’il est important de se faire plaisir, le repas doit rester un moment convivial et non un moment d’angoisse. N’hésitez pas à poser des questions aux médecins et aux pharmaciens.
Vous évoquez principalement les dangers des compléments alimentaires, pourquoi ?
Docteur Saadoune : Car les concentrations sont très élevées et peuvent être excessives. Par exemple, il n’y a aucun problème à saupoudrer du curcuma dans vos plats, mais la curcumine concentrée dans les compléments peut augmenter les effets secondaires (des cas de lésions hépatiques ont été enregistrés en 2022) ainsi que réduire l’efficacité des traitements.
« Il n’existe aucun contrôle de qualité sur les compléments alimentaires, ni d’essais cliniques qui mesurent leur efficacité »
Docteur Pelagatti : Nous invitons les patients à nous parler de leurs habitudes alimentaires et nous regardons avec eux la composition des produits pour les informer sur les risques de perte d’efficacité des traitements ou d’augmentation des effets secondaires. Contrairement aux médicaments, il n’y a pas de contrôle qualité sur les compléments alimentaires et aucune étude clinique qui mesure leur efficacité, tout ce qui est sur l’étiquette est un argumentaire commercial. Dans certains cas, nous pouvons orienter les patients vers l’homéopathie car nous savons que certaines dilutions (en CH) ne contiennent pas de principe actif, ce qui évite le risque d’interaction et l’effet placebo peut aider.
Les aliments miracles n’existent donc pas, y compris pour la prévention du cancer ?
Docteur Saadoune : Absolument, il n’existe pas de super-aliments mais on peut prévenir certains cancers et retarder les récidives en appliquant les recommandations classiques d’hygiène de vie : avoir une alimentation équilibrée et riche en fibres, pratiquer une activité physique régulière. On connaît aussi les facteurs aggravants : tabac, alcool, sédentarité, aliments ultra-transformés avec additifs et édulcorants, charcuterie et viande rouge dans les cancers du côlon.
