Vous méritez mieux – L’Humanité
J’ai découvert récemment la chanson « Les Dormantes » de Zaho de Sagazan : « L’amour qui nous fait croire que c’est eux/Que ça ne sera jamais mieux/L’amour qui nous fera peur/Même les plus belles histoires à deux (…) /Ah, ces gens ont beaucoup de savoir-faire/Si tu ne veux pas rester coincé dans leurs filets/Il vaut mieux s’enfuir dès qu’on y arrive.» Parfois dans la vie, on rencontre de mauvaises personnes. Peu importe le contexte, le type de relation, qu’elle soit professionnelle, sentimentale, amicale, on peut croiser de mauvaises personnes. Pensez simplement à vos expériences personnelles ou regardez autour de vous le nombre de connaissances prises dans des relations toxiques. Qu’il s’agisse de l’influence du petit leader qui fait régner la terreur dans sa société, qui ne contrôle les autres que par la peur et qui en jouit – c’est sa seule façon d’exister – ou des relations amicales unilatérales, ou encore du fait que personne n’écoute les monologues des les autres, voire les relations amoureuses, où au nom de l’amour on accepte l’égoïsme de l’autre en trouvant mille excuses.
Pire, on peut, comme dans le roman Confiance de Domenico Starnone récemment adapté au cinéma par Daniele Lucchetti, perçoivent la personne avec qui nous partageons notre vie comme un ennemi que nous tenons en secret, et dont l’amour peut se transformer en haine ou en danger en quelques secondes. De tout cela, l’erreur est de croire que nous ne méritons pas mieux, et c’est là la grande difficulté que posent les mécanismes de contrôle, de violence ou de domination économique : se sentir complètement dévalorisés et prisonniers. Pourtant, il est possible de sortir de relations toxiques, et l’amour ne peut pas tout justifier. Je l’ai vécu, il est possible de se quitter en s’aimant, mais on sait que ce que produit la relation n’est pas émancipateur et nous rend captifs, nous diminue, diminue l’autre, au lieu de se laisser déployer, l’autre et nous-mêmes, ensemble et individuellement. Et en souffrant, nous risquons nous aussi de reproduire des comportements toxiques. Suite à une agression, par exemple, je me suis rendu compte que mon empathie avait disparu, et que le mécanisme de l’étonnement au travail avait bloqué toute émotion et toute réaction « logique ». Cette expérience m’a paradoxalement permis d’accéder à une autre partie de moi : ma propre vulnérabilité. On peut donc être assez fort dans la vie et, parfois, aussi être une « victime ». Cela vaut également pour un environnement professionnel toxique où personne n’est dupe, mais où admettre la toxicité ambiante rendrait insupportable le quotidien et le rapport au travail dont nous avons besoin pour survivre.
Le nouveau roman d’Édouard Louis, Monique s’échappe, est en ce sens très intéressant, car il pose la question de savoir comment se libérer d’un rapport d’influence, d’abord psychologique puis matérielle, lorsque des questions économiques sont en jeu. Il m’a fallu trente-sept ans pour comprendre qu’on peut aimer pleinement une personne et ne pas se sentir coincé dans une relation, qu’on peut se déployer et voir l’autre se déployer pleinement. Ces questions doivent également être posées dans nos communautés, et le Mois de la fierté LGBTQI doit en être l’occasion. Prenons soin de notre entourage et si nos relations créent de la toxicité et de la violence, posons-nous les questions essentielles : faut-il persister et surtout, comme le personnage principal d’Édouard Louis, comment trouver la solution au plus vite ? ‘ISSUE DE SECOURS ?