En tant qu’ophtalmologues ayant effectué des milliers de ces interventions, nous savons que de nombreux patients ont des idées fausses sur cette procédure, ainsi que sur les causes de la cataracte (par exemple, certains patients imaginent qu’il s’agit d’une excroissance à la surface de l’œil). Examinons de plus près cette pathologie très courante, mais dont le traitement, dans la majorité des cas, ne présente pas de difficulté particulière.
Qu’est-ce que la cataracte ?
Pour comprendre ce phénomène, imaginons une fenêtre dont la surface est recouverte de givre : la lumière peut encore être transmise, mais les détails sont perdus. On peut aussi utiliser une autre image : la surface transparente d’une mer tropicale perturbée par les turbulences d’une tempête. De même, la cataracte se produit lorsque le cristallin (la lentille convergente « naturelle » de l’œil), autrefois transparent, devient opaque.
Cette affection n’est pas rare, puisqu’on estime qu’au-delà de 80 ans, la cataracte touche plus de 20 % des personnes de plus de 65 ans et plus de 60 % des plus de 85 ans. En 2017, 830 000 opérations ont eu lieu en France.
Après l’opération, plus de 90 % des patients retrouvent une vision de 10/10 avec des lunettes. Ce n’est toutefois pas le cas des personnes atteintes d’autres pathologies oculaires, notamment le glaucome (maladie évolutive caractérisée par une pression intraoculaire élevée), la rétinopathie diabétique (qui peut entraîner des lésions du tissu rétinien) ou la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Enfin, le taux d’infection après une chirurgie de l’endophtalmie est inférieur à 0,1 %.
Qu’est-ce que la chirurgie de la cataracte ?
Lors d’une opération de la cataracte, le cristallin défectueux est retiré et remplacé par un cristallin synthétique, ce qui rétablit la vision. La plupart des patients déclarent que l’intervention est indolore.
Cette intervention est généralement réalisée en ambulatoire. Elle se fait généralement sous anesthésie locale, avec sédation similaire à celle utilisée pour les interventions dentaires (nous aimons dire à nos patients qu’ils vont recevoir l’équivalent de trois margaritas dans leur perfusion…). Cependant, certains candidats à la chirurgie doivent subir l’intervention sous anesthésie générale. C’est le cas par exemple des patients souffrant de claustrophobie ou de troubles du mouvement, comme ceux causés par la maladie de Parkinson.
Avant l’opération, le patient reçoit des gouttes qui vont dilater la pupille, la rendant aussi grande que possible. Un anesthésiant est appliqué à la surface de l’œil, ainsi qu’à l’intérieur de celui-ci. Le chirurgien pratique ensuite une incision entre la partie transparente et la partie blanche de l’œil, généralement avec la pointe d’un petit scalpel pointu. Cela lui permet d’accéder à la capsule du cristallin, une fine membrane dont l’épaisseur est à peu près égale à celle de la paroi d’un sac en plastique.
La capsule du cristallin est suspendue par de petites fibres appelées zonules, disposées comme les ressorts qui suspendent un trampoline à son cadre. Pour accéder au cristallin, le chirurgien pratique une capsulotomie : il coupe la capsule. Pour pouvoir la retirer par le petit trou ainsi réalisé, le cristallin est ensuite fracturé par ultrasons. Ces derniers émulsionnent le cristallin, et les morceaux obtenus sont retirés par aspiration. Décrit de cette façon, cela peut paraître effrayant, mais la procédure est indolore.
Il convient de noter que la chirurgie de la cataracte assistée par laser permet d’obtenir des résultats similaires à ceux de la chirurgie traditionnelle.
Complications rares
Les complications postopératoires graves, telles qu’une infection, un saignement dans l’œil ou un décollement de la rétine, sont rares. Elles surviennent dans environ 1 cas sur 1 000 et, même lorsqu’elles surviennent, une prise en charge appropriée peut préserver la vision dans de nombreux cas.
Il existe cependant un type de complications qui mérite une attention particulière. Il s’agit des complications capsulaires. Elles surviennent lorsque, au cours de l’opération, une déchirure se produit sur la surface postérieure de la capsule. Dans ce cas, la substance gélatineuse transparente qui remplit la cavité oculaire derrière le cristallin (le corps vitré) peut se retrouver dans la partie antérieure de l’œil. Selon certaines études, de telles complications peuvent survenir dans un maximum de 2 % des cas.
Si cela se produit, le gel en question doit être retiré au moment de l’intervention (on parle alors de vitrectomie). Ce faisant, le risque de complications postopératoires est réduit. Cependant, les patients qui subissent une vitrectomie présentent un risque accru de certaines complications spécifiques, notamment un gonflement postopératoire (œdème).
Après la chirurgie
Les patients rentrent généralement chez eux immédiatement après l’opération. La plupart des hôpitaux et cliniques demandent à quelqu’un de les raccompagner chez eux, mais cela est davantage dû aux conséquences potentielles de l’anesthésie qu’à l’opération elle-même.
Le traitement postopératoire débute le jour même. Il consiste à appliquer des gouttes, sans toucher l’œil, et à porter une coque de protection oculaire. Cette coque de protection n’est pas nécessaire pendant la journée, mais doit être mise au coucher.
Les patients doivent garder leurs yeux propres et éviter toute exposition à la poussière, aux débris et à l’eau. Ils doivent éviter de se pencher et de soulever des objets lourds, au moins pendant la première semaine après l’opération. Si cela n’est pas fait, il existe un risque d’hémorragie choroïdienne, qui saigne dans la paroi de l’œil, ce qui peut être dévastateur pour la vision. En effet, les efforts et le soulèvement de charges lourdes peuvent s’accompagner d’une augmentation soudaine de la pression artérielle au niveau du visage et de l’œil.
Les activités qui n’augmentent que modérément le rythme cardiaque, comme la marche, sont autorisées. Les examens postopératoires de routine sont généralement effectués le lendemain de l’intervention, puis environ une semaine après, et enfin un mois après l’intervention.
Quel nouvel objectif dois-je choisir ?
Pour un résultat optimal, la lentille en plastique utilisée pour remplacer la cataracte, aussi appelée lentille intraoculaire, doit être dimensionnée avec précision. Les premières lentilles intraoculaires développées étaient monofocales : elles offraient une seule distance de mise au point, et la personne opérée devait choisir si elle préférait bien voir de loin ou de près. La plupart du temps, la vision de loin était privilégiée, les personnes opérées utilisant des lunettes pour les tâches de près, comme la lecture. Cette approche est toujours d’actualité, puisqu’elle concerne encore aujourd’hui environ 90 % des patients.
Les progrès récents ont cependant permis le développement de lentilles intraoculaires multifocales, qui offrent la possibilité de voir de près et de loin, et donc de se passer de lunettes. Certaines de ces lentilles sont même trifocales : elles permettent de voir de près, de loin, ainsi que des distances intermédiaires, ce qui est devenu très important en raison de la démocratisation de l’utilisation des écrans.
La plupart des patients qui ont reçu ces lentilles multifocales en sont satisfaits. Cependant, un petit pourcentage d’entre eux déclare être gêné par divers troubles visuels, notamment des éblouissements la nuit et des halos qui se forment autour des sources lumineuses dans la pénombre. Certains patients gênés par ces troubles demandent parfois que leur lentille multifocale soit retirée et remplacée par une lentille intraoculaire standard. Lorsque l’inconfort est trop important, cette approche soulage la plupart des gens.
Des recherches sont en cours pour déterminer quels patients sont les mieux adaptés aux lentilles multifocales et lesquels ne le sont pas. La plupart des cliniciens déconseillent ces lentilles aux personnes qui ont tendance à être minutieuses, car ces personnes sont susceptibles de se concentrer sur les défauts de ces lentilles plutôt que sur les avantages qu’elles offrent.
Comme la plupart des technologies, les lentilles intraoculaires s’améliorent au fil des ans. Celles actuellement disponibles sont bien meilleures que les précédentes, et celles qui suivront amélioreront probablement encore davantage la vision des patients qui les recevront, tout en limitant les effets secondaires tels que les halos mentionnés ci-dessus.
Il convient toutefois de noter que les nouvelles lentilles ne sont souvent pas entièrement remboursées, ce qui entraîne souvent des coûts substantiels pour les patients.
Déterminer le type de lentille le plus approprié peut s’avérer délicat. Heureusement, sauf dans certaines circonstances (comme lorsqu’une cataracte se développe après une blessure à l’œil), au moment du diagnostic, il n’y a généralement pas d’urgence à recourir à la chirurgie. Le choix peut donc être fait en toute tranquillité d’esprit.