Votre café va devenir plus cher (et c’est à cause du réchauffement climatique)
Les prix du robusta ont grimpé en flèche ces dernières semaines, en raison des perturbations climatiques au Vietnam. À plus long terme, l’ensemble du secteur peine à répondre à la demande.
La tasse n’a jamais été aussi chère. Les prix du café battent des records depuis plusieurs mois, et ce n’est pas un phénomène nouveau : en 2022, les prix s’étaient déjà envolés. L’arabica, la plus prestigieuse des variétés, qui représente 70 % de la production mondiale, a vu son prix atteindre 5 800 dollars la tonne. Le robusta, son petit frère moins populaire, qui complète la production avec 30 % du café consommé dans le monde, casse ses limites à près de 5 000 dollars la tonne. Il n’avait pas dépassé les 2 500 dollars depuis plus de 13 ans.
La raison, en arrière-plan, est la demande soutenue à travers le monde : le café est un produit qui représente l’accès à la classe moyenne et donc le développement pour les pays émergents. Alors que la demande est en hausse, mais relativement stable en Europe et aux Etats-Unis depuis 30 ans, l’Asie-Pacifique – Chine comprise – et l’Amérique latine commencent à consommer l’autre « or noir » de manière très significative. Starbucks prévoit d’y ouvrir 9 000 magasins d’ici l’an prochain.
En même temps, le café est très sensible au réchauffement.
« Le changement climatique a un effet de plus en plus net sur la quantité de terres arables », explique Guillaume David, chercheur au Cirad, Centre international de recherche agronomique pour le développement.
« L’arabica est sensible à la température et ne peut pas pousser en haute altitude, il manque donc des terres. Jusqu’à présent, les surfaces augmentaient grâce au robusta et notamment grâce au Vietnam », explique-t-il. Un pays qui représente près d’un tiers de la production mondiale grâce à une ascension fulgurante, et qui s’est spécialisé dans la production de café de moindre qualité, notamment pour le café instantané chinois.
Mais le Vietnam est confronté au typhon Yogi ; dans le même temps, la demande de café biologique et certifié augmente, ce qui signifie que les maladies et les parasites peuvent plus facilement se développer dans une partie croissante de la production.
« Ce sont des contraintes imposées par les pays consommateurs, qui nous obligent à nous passer de produits phytosanitaires », souligne Guillaume David.
Les prix du café résultent donc à la fois de contraintes climatiques – le phénomène El Niño a d’ailleurs historiquement fait varier la production à la baisse, et nous en sortons actuellement – et d’une demande maintenue. Ainsi que de phénomènes de spéculation importants. « La demande est telle que les traders savaient que si le Vietnam rencontrait un problème, cela poserait un problème », rappelle le chercheur.
Tous les cafés ne sont cependant pas logés à la même enseigne. C’est le marché de gros, majoritaire, qui est le plus touché par les troubles de Hanoi. Il repose presque exclusivement sur la production très intensive de robusta du pays ou du Brésil, premier producteur mondial. Le café dit « de spécialité », plus cher, repose sur d’autres producteurs plus diversifiés, de la Colombie à l’Ethiopie, en passant par certains pays d’Afrique de l’Ouest et centrale.
Loi anti-déforestation
Des solutions existent pour lutter contre les effets du réchauffement climatique, rappelle Guillaume David : « Au Vietnam, les planteurs cultivent du poivre ou du durian dans des fermes pour diversifier leurs revenus, mais aussi pour protéger les caféiers. »
Les cultures alternatives permettent également de repousser ou de détourner les rongeurs ou les maladies sans injection de produits chimiques. L’entrée de nouveaux producteurs sur le marché – par exemple la Côte d’Ivoire ou la République démocratique du Congo – permettrait également de réguler la production mondiale et donc les prix.
Il faudra dans tous les cas stabiliser la production à la hausse pour répondre à la demande, tout en améliorant les conditions de production. L’Union européenne a adopté en décembre 2022 une loi contre la déforestation, exigeant que les importations sur le marché européen n’aient pas contribué à l’abattage de forêts.
Le patron d’Illy, l’un des leaders mondiaux du secteur, s’est inquiété d’éventuelles pénuries à venir. « L’intention de cette réglementation est très noble, mais elle pourrait s’avérer trop difficile à respecter pour les pays exportateurs. On ne connaît pas encore les procédures, les indicateurs clés de performance, les certifications, alors que la réglementation doit entrer en vigueur à la fin de l’année », a déclaré mercredi Andrea Illy sur Bloomberg. « Tous les fabricants devront embarquer, cela conditionne l’accès au marché », a souligné Guillaume David.