Perrier a-t-il sciemment mis en vente de l’eau contaminée par des crottes ? ? Mercredi 24 avril, la société Nestlé Waters, propriétaire de la marque Perrier, a en tout cas annoncéAFP avoir, « comme précaution », détruit une partie de sa production. La cause : une contamination par des bactéries fécales. Au moins deux millions de bouteilles ont été détruites, a également indiqué l’entreprise. Monde et Franceinfo, qui enquêtent conjointement depuis plusieurs mois sur la contamination des eaux minérales.
« Toutes les bouteilles mises à disposition de nos clients et consommateurs peuvent être consommées en toute sécurité »veut rassurer Nestlé, contacté par Reporterre. « Nestlé minimise », s’insurge Ingrid Kragl, directrice de l’information de Foodwatch. L’association de consommateurs réclame un rappel massif des bouteilles d’eau déjà présentes sur le marché. Car pour elle, rien ne garantit qu’eux aussi ne présentent pas de danger.
« Un risque pour la santé des consommateurs »
En effet, l’eau de Perrier est pompée à sa source historique, à Vergèze, dans le Gard. Cependant, après les fortes pluies de la tempête Monica le 10 mars, l’un des puits qui alimente la production s’est retrouvé contaminé par des bactéries fécales. Nestlé euphémise en évoquant un « écart ponctuel ». « Des analyses complémentaires ont été initiées, sous le contrôle des autorités, qui ont conduit à la suspension immédiate de l’exploitation de ce puits et à la destruction préventive de plusieurs lots de bouteilles. »détaille le service communication du groupe.
L’arrêté du préfet du Gard du 19 avril, qui nous a été transmis par la préfecture, est plus éloquent. Il trouve « à partir du 10 mars et sur plusieurs jours (…) contamination d’origine fécale (coliformes, Escherichia coli), mais aussi par les germes de l’espèce Pseudomonas aeruginosa « . Il estime que la contamination de l’eau en bouteille ne peut être exclue et qu’il existe un « risque pour la santé des consommateurs ». Il demande « suspendre immédiatement l’opération » du forage incriminé. Nestlé Waters ne pourra pomper à nouveau que si elle a identifié et éliminé les sources de pollution et fourni jusqu’à douze mois d’analyses conformes.
Le constructeur veut-il vraiment protéger les consommateurs ? ?
« Ce qui est alarmant, c’est que sans cette décision du préfet du Gard, les bouteilles auraient peut-être été mises sur le marché. »s’inquiète Ingrid Kragl. « Or, la loi prévoit que dès qu’un industriel identifie un risque sur sa chaîne de production, il doit alerter les autorités. » Nestlé nous assure que c’est ce qu’elle a fait : « Nous avons immédiatement mis en œuvre le protocole prévu »on nous dit.
Pas de quoi convaincre l’association de la réelle volonté du constructeur de protéger les consommateurs. « Ce n’est pas la première fois qu’il pleut ainsi. N’y a-t-il pas déjà eu des contaminations auparavant ? ? Avons-nous quand même mis les produits sur le marché ? ? » demande le directeur.
Pour elle, la confiance est brisée. Car depuis fin janvier, des révélations inquiétantes pleuvent sur les pratiques de Nestlé. Le 30 janvier, Le monde et franceinfo avait révélé que Nestlé et d’autres fabricants avaient filtré illégalement de l’eau vendue en bouteille, afin de masquer leur contamination. Début avril, ils ont poursuivi l’enquête en révélant une expertise de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) datée d’octobre 2023. Celle-ci a constaté une contamination microbiologique (bactéries coliformes, Escherichia colientérocoques) réguliers qui peuvent pour certains puits « atteindre à plusieurs reprises une concentration élevée ».
Tant les sources de la région Grand Est (Hépar, Vittel et Contrex) que celles de Perrier en Occitanie ont été touchées. De la SPFA – de la « polluants éternels » — et des pesticides dans des proportions dépassant parfois la limite réglementaire pour les eaux minérales naturelles de 0,1 microgramme par litre ont également été retrouvés par l’Anses. Qui a conclu que ces non-conformités « ne devrait pas conduire à la production d’eau en bouteille ».
« Nous effectuons donc quotidiennement des tests approfondis avec plus de 700 analyses sur ce site. », Nestlé se défend encore concernant Perrier. Le groupe assure avoir « renforcé ses procédures de contrôle et de gestion intégrée de la qualité de ses produits » à Vergèze, mais seulement depuis… 2023.
La Commission européenne au courant
Déjà, début avril, Foodwatch se demandait : « Lorsque l’eau minérale est polluée, il ne fait aucun doute qu’il faut suspendre sa mise en bouteille et sa commercialisation. Cependant, ce n’est pas ce qui s’est produit. Nestlé Waters continue-t-elle aujourd’hui à commercialiser ses produits non conformes ? ? A-t-elle renoncé aux filtrations illégales ? La pollution a-t-elle disparu soudainement et si oui, comment ? ? » Trois semaines plus tard, force est de constater que certaines bouteilles étaient bel et bien polluées.
L’association est toujours en première ligne et a écrit à la Commission européenne, car les eaux Nestlé ne sont pas consommées qu’en France. « Or, la France n’a jamais informé de quoi que ce soit la Commission européenne, ni les autorités des autres pays européens. »déplore Mmoi Kragl. « Je partage entièrement votre point de vue sur le droit à la transparence. Il est de la plus haute importance de garantir que les consommateurs reçoivent des informations claires et fiables »La commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, a répondu à l’association.
La France devra s’expliquer devant ses partenaires européens mardi 30 avril. Nous verrons si, à cette occasion, les autorités françaises apporteront des réponses aux nombreuses questions en suspens.