Voitures de société : les avantages en nature vont diminuer, voici ce que cela pourrait rapporter à l’Etat
Le gouvernement envisage de réformer la fiscalité des voitures de société essence et diesel.
Ceux-ci bénéficient d’une niche fiscale qui pourrait, selon l’ampleur des modifications envisagées, rapporter jusqu’à 4 milliards d’euros, selon une nouvelle étude publiée par Transport & Environnement.
Par ailleurs, cette réforme devrait permettre de verdir le parc automobile de société et ainsi mettre rapidement des véhicules sur le marché de l’occasion.
Fin 2023, la France comptait 2,1 millions de voitures de société, dont 1,2 million sont des véhicules de société pouvant donc être utilisés dans un cadre personnel. Ces voitures bénéficient toutefois d’un double avantage fiscal. S’il était réformé, l’État pourrait récupérer jusqu’à 4 milliards d’euros, révèle une étude publiée ce lundi par l’organisme Transports & Environnement, dont les experts travaillent sur le verdissement du parc automobile. « Si ces 4 milliards d’euros servaient à financer un leasing social à 100 euros, plus d’un demi-million de Français auraient accès à une voiture électrique abordable pendant trois ans.« , peut-on lire dans l’étude.
Or, une réforme est justement sur la table. « Le gouvernement envisage de réduire l’avantage en nature pour les véhicules thermiques, qui se situe au niveau réglementaire« , explique l’entourage du ministre du Budget, Laurent Saint-Martin. Mais les arbitrages sont en cours, et la réforme devrait être inférieure aux recettes calculées par Transports & Environnement, car le gouvernement ne s’attaquera qu’à une partie de ce budget. niche dite « brune » qui donne un avantage fiscal à un modèle émetteur de CO2.
De quoi parle-t-on ?
Deux avantages pour les voitures de société
Les modèles de service et de fonction présentent un premier avantage : l’amortissement. « Pour toutes les voitures de sa flotte, une entreprise peut déduire de ses dépenses le coût d’achat de ces véhicules.explique Léo Larivière, chez Transport & Environnement. « Elle peut donc réduire son impôt sur les sociétés grâce à la dépréciation de ces voitures. » Selon les calculs de l’organisme, cela représente un manque à gagner de 0,8 milliard d’euros pour l’Etat.
Ensuite, les véhicules de société bénéficient d’un avantage en nature. « Le bénéficiaire d’une voiture de fonction peut l’utiliser dans son cadre privé, pour faire ses courses, emmener ses enfants à l’école ou partir en vacances »poursuit l’expert. « Il est donc considéré comme un substitut de salaire par l’Urssaf et, à ce titre, déclaré sur la fiche de paie et imposé via les cotisations salariales et patronales et l’impôt sur le revenu. »
Mais comme il n’est pas possible de dire précisément la répartition entre usage privé et usage professionnel du véhicule, un décret de 2002 fixe un taux forfaitaire de taxation :
– Pour une voiture achetée par l’entreprise : 9% si l’entreprise ne paie pas le carburant, 12% sinon.
– Pour une voiture louée par l’entreprise (leasing) : 30% sans carburant, 40% avec.
Un manque à gagner pour l’État et la Sécurité sociale
Ce paquet « est censé représenter la réalité des dépenses de l’employeur, mais les dépenses liées à l’utilisation privée de ces voitures par les salariés sont bien supérieures à ces forfaits »observe Léo Larivière. « Souvent, l’usage est 100% privé.«
Ce sont les pourcentages que le gouvernement prévoit d’augmenter d’ici la fin de l’année pour les véhicules thermiques – diesel et essence. Rien ne changera en revanche pour les modèles électriques, afin d’inciter les entreprises à verdir leur flotte. Selon les calculs de Transports & Environnement, les augmenter respectivement à 18% et 24% en cas d’achat et 50% et 60% en cas de location, permettrait de récupérer 3,1 milliards d’euros pour l’Etat (en augmentant l’impôt sur le revenu). des personnes concernées) et 0,9 milliard pour la Sécurité sociale (en augmentant les cotisations salariales et patronales).
20% des voitures de société sont des compléments de salaire
Dans le calcul Transport & Environnement, les pourcentages augmentent pour tous les types de voitures (thermiques, hybrides, électriques), mais les modèles électriques conservent leur réduction de 50 %.
Une réforme de bon sens, estime l’organisation, selon laquelle environ 20 % des véhicules de société sont des voitures dites « statutaires » : elles sont prévues dans le contrat cadre en complément de salaire. « Cette niche fiscale est-elle légitime lorsqu’elle concerne les voitures particulières ? demande Léo Larivière. «Ils constituent un avantage injuste pour les dirigeants, qui préfèrent disposer d’une voiture de société bénéficiant de cet avantage fiscal plutôt que d’un complément de salaire..«
« Au total, le manque à gagner s’élève à 3,96 milliards d’euros en 2023 »peut-on lire dans l’étude. « A titre de comparaison, cela équivaut à près de 40% des économies ciblées par le gouvernement avec la réforme des retraites (10,3 milliards d’euros en 2027). »
D’autant que cet avantage en nature profite souvent aussi aux modèles de voitures assemblées à l’étranger : pour un SUV BMW X3, en version essence, assemblé aux Etats-Unis, le gain fiscal pour son conducteur représente 23 200 euros en 2023. »Cela équivaut à quatre fois le montant de la subvention accordée aux bénéficiaires du bail social sur trois ans (6 000 euros) soit 1,5 fois le Smic annuel net (16 237 euros au 1er janvier 2023). »cite l’étude.
Plus de taxes sur les modèles les plus polluants pour pousser à l’électrification
Pour le Transport & l’Environnement, « Cette fiscalité accommodante proposée aux voitures de société thermiques et hybrides s’apparente à une subvention déguisée aux énergies fossiles ». « Cela brouille le signal fiscal et n’incite pas les entreprises françaises à accélérer la transition électrique de leurs flottes »elle explique encore.
En effet, la fin de cet avantage en nature, ou du moins la hausse de la fiscalité sur cet avantage, incite les entreprises à se tourner vers les modèles qui en bénéficient encore – les voitures électriques – et ainsi verdir leur flotte. Car malgré une loi obligeant 3 500 grandes entreprises à renouveler leur flotte avec des véhicules électriques selon un quota, la France est à la traîne car peu d’entreprises le font.
En France, au premier semestre 2024, seulement 11 % des voitures de société neuves étaient électriques contre 35 % en Belgique et au Danemark, 33 % en Suède et aux Pays-Bas, 29 % en Finlande, 22 % au Royaume-Uni, 20 % au Luxembourg.
Au Royaume-Uni et en Belgique, une réforme des avantages accordés aux véhicules de société a également permis d’accélérer l’achat de modèles électriques par les entreprises. En Belgique, le gouvernement a mis fin à l’amortissement des voitures de société : leur coût n’est plus déductible de l’impôt sur les sociétés. Au Royaume-Uni, le gouvernement s’en est pris au bénéfice en nature : plus la voiture est polluante, plus elle est taxée.
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Pourtant, les véhicules de société constituent un levier de verdissement généralisé du parc automobile d’un pays : ils débarquent rapidement sur le marché de l’occasion, et permettent aux Français des classes moyennes et modestes d’acheter des modèles électriques moins chers (85 % des Français achètent voitures d’occasion plutôt que modèles neufs).
L’année dernière, le député Damien Adam a déposé un projet de loi visant à rendre ces quotas contraignants pour les grandes entreprises.
Une idée qui, selon nos informations, est toujours sur la table, une mission d’information parlementaire sur le sujet devant rendre ses conclusions d’ici la fin de l’année.