Il faut d’abord se poser la question de l’objectif de la conversion aux voitures électriques ; il semble avoir été perdu de vue.
Pourquoi dépenser des milliards pour subventionner son achat ? Rien qu’en 2023, la facture a atteint 1,5 milliard pour l’État.
Au nom de quoi mettre en péril notre industrie automobile et ses centaines de milliers d’emplois ?
Le VE est-il une composante du système de redistribution sociale consistant à réduire les coûts de carburant pour les ménages à faibles revenus et/ou ceux qui n’ont pas accès aux transports en commun et travaillent loin de chez eux ? S’il en était ainsi, leur rembourser la TICPE sur la base de leur avis d’imposition et de leurs factures de carburant serait infiniment plus simple et efficace.
Non, l’électrification du parc automobile n’a qu’un seul objectif, réduire ses émissions de CO2, car elle représente, en comptant les VUL, les deux tiers du gros tiers que représente le transport dans les émissions totales de la France, soit environ 20 %.
20 %, ce n’est pas colossal, juste énorme : c’est autant que le CO2 émis par l’agriculture ou l’habitat résidentiel et tertiaire, autant que l’industrie et la construction réunies.
Et surtout, le trafic automobile est à la fois la seule activité à ne pas avoir réduit ses émissions (jusqu’en 2021) et la plus facile à décarboner. Tout d’abord, une voiture dure moins qu’un immeuble, une usine ou une centrale thermique, puis l’électrifier remet moins en question nos petites habitudes et notre confort que se passer de viande ou chauffer nos maisons et bureaux à 14°C. . Et pour en revenir à nos voitures et camionnettes, il est bien plus facile de les transformer que les poids lourds (qui émettent trois fois moins de CO2), sans parler des avions – qui en émettent 25 fois moins.
Subventionner l’utilisation
Bref, si l’objectif est de réduire au maximum ces émissions en dépensant le moins d’argent possible, ce n’est plus l’achat qu’il faut subventionner, mais l’usage.
En clair, ce n’est plus l’automobiliste moyen et ses 10 000 à 12 000 km/an qui aide mais le « forçat » : le forçat de la route, le gros conducteur qui parcourt ses 50 000 ou 80 000 kilomètres entre le Nouvel An et Noël avec une voiture de société et qui est de loin le plus gros « pollueur ».
Convertir ce conducteur serait mathématiquement bien plus bénéfique que l’automobiliste moyen et ses 10 000 ou 12 000 km par an. Bien sûr, il y a l’obstacle de la fréquence et de la durée des recharges mais celui de la disponibilité des bornes a été levé : sur les autoroutes, 100 % des stations-service sont désormais équipées et on les retrouve aussi de plus en plus souvent sur les aires de repos.
De la confiture aux cochons
La politique de l’État français consistait jusqu’à présent à pratiquer exactement le contraire en « bonusant » aveuglément les achats. De ce fait, les parcs d’entreprises sont bien moins électrifiés que les garages privés. En 2023, le gouvernement a même supprimé la petite prime (3 000 €) accordée aux entreprises pour l’achat d’un VE.
Si je regarde les convertis à Watture – tous individus – un seul dépasse les 20 000 km par an. Parmi les autres, je compte un couple de citadins utilisant plus souvent le TGV que l’autoroute, des retraités aisés soucieux d’être « à jour » et quittant rarement leur Dordogne, un écologiste convaincu qui utilise plus volontiers son VAE que son VE. . Aucun n’amortira rapidement les tonnes supplémentaires de CO2 émises lors de la fabrication de leur voiture, de purs déchets.
En effet, depuis dix ans, nous donnons de la confiture aux cochons – désolé pour eux – ce que confirment les récits des vendeurs comme la lecture des petites annonces montrant de nombreux VE d’occasion ayant à peine dépassé le kilométrage annuel du Français moyen. .
Watture est comme une baguette
Transférer la prime des particuliers aux entreprises pour électrifier massivement les gros conducteurs aurait un autre avantage – en plus de convaincre le technico-commercial stressé que « toutes les deux heures, une pause est nécessaire ». Celui de faire fonctionner le parc.
Car la voiture électrique, comme la baguette, doit être consommée rapidement. Ce n’est pas qu’il vieillisse mal – les 1 500 à 2 000 cycles que supporte une batterie représentent peut-être 300 000 à 700 000 km, un kilométrage que les moteurs supportent facilement – mais il devient rapidement obsolète en raison des progrès de la charge rapide des batteries et des chargeurs.
Les concessionnaires Kia et Hyundai ne me contrediront pas : leurs parcs regorgent de VE d’occasion, de retours LOA qu’ils peinent à écouler. Ces voitures de 3 à 5 ans ont des autonomies respectables à bon prix, mais leurs chargeurs DC sont déjà vétustes, dépassant rarement les 75 kW – moins qu’une 208 ou une C3 – ce qui nécessite environ trois quarts d’heure de pause pour un 10 à 80 % de recharge sur une borne rapide.
Justice sociale ou progrès écologique ?
Ce qui m’amène à une autre suggestion qui enlèverait une grosse épine du pneu du watture : réserver le bonus aux particuliers uniquement aux VE d’occasion, qui, à de rares exceptions près, sont mal revendus avec des délais doubles ou triples de ceux des thermiques.
Cette mauvaise vente des véhicules électriques d’occasion, et les rabais qui vont avec, constituent un autre obstacle au développement des véhicules électriques, car ils poussent leurs prix à la hausse. En effet, la valeur résiduelle n’est pas du tout celle espérée, les constructeurs augmentent les mensualités de leurs LOA, canal par lequel transitent plus de 80 % des VE.
Bonus aux voitures neuves pour les entreprises et aux voitures d’occasion pour Pékin ne serait pas très facile à présenter à l’Assemblée, d’autant que pour inciter les gestionnaires de flotte à se tourner vers les véhicules électriques, réintroduire l’ancien bonus de 3 000 € ne suffirait probablement pas. Mais le gain en termes d’émissions de CO2 serait incomparablement plus convaincant.
Quant à atteindre l’objectif de plus en plus illusoire de vendre 100 % de VE d’ici 2035, il gagnerait à être remplacé par un objectif plus réaliste, sachant qu’une voiture neuve roule deux à trois fois plus qu’une ancienne. dix ans : 50, 60 ou 70 % des kilomètres parcourus en électrique à la même date.