Plus de 380 millions de chrétiens ont été « lourdement persécutés et discriminés » en raison de leur foi dans le monde en 2024, et la Corée du Nord reste le pire pays pour les chrétiens, selon un rapport de l’ONG Open Doors publié ce mercredi.
Un nouveau record. En 2024, plus de 380 millions de chrétiens, soit un sur sept dans le monde, ont été exposés à de graves persécutions et discriminations, contre 215 millions dix ans plus tôt, rapporte ce mercredi l’ONG Portes Ouvertes dans son index 2025.
Dans le détail, au total, 7 679 églises, écoles, hôpitaux et cimetières ont été bombardés, rasés au bulldozer, pillés, endommagés, fermés de force ou confisqués. Plus de 26 000 chrétiens ont été contraints de fuir leur pays pour échapper aux persécutions. Quant au nombre de violences sexuelles, ils ont également augmenté de manière significative : 3.123 cas enregistrés contre 2.622 l’année précédente.
Portes Ouvertes établit ainsi un classement des pays où les chrétiens subissent le plus de persécutions sur une échelle de 100, à partir d’informations recueillies sur le terrain par quelque 4 000 collaborateurs, identifiés par plusieurs dizaines d’experts indépendants.
Ainsi, les dix principaux pays se situent entre 85 et 98 points, c’est-à-dire que le libre exercice de la foi chrétienne est rendu impossible. La plupart des églises sont interdites ou sévèrement contrôlées. Le simple fait d’être chrétien signifie être persécuté, voire exécuté. Dans certains cas, même si la foi chrétienne peut se manifester dans certaines parties de la société, le niveau de violence est tel que le pays sera confronté à une persécution extrême.
Afghanistan (85 points)
L’Afghanistan avec 85 points arrive à la 10ème place. Depuis la prise du pouvoir par les talibans en 2021, le pays tente de sortir de son isolement international, tout en imposant à la société une interprétation intransigeante de l’islam : enseignement secondaire interdit aux filles, lapidation des femmes en guise de punition… Dans ce contexte, les chrétiens n’ont pas leur place dans la société : ils ont fui le pays ou cachent leur foi pour préserver leur vie.
Presque tous les chrétiens d’Afghanistan sont des convertis issus de milieux musulmans qui ne peuvent ni pratiquer ni révéler leur foi. Quitter l’Islam est considéré comme une honte et une trahison, passible de la peine de mort. Si leur nouvelle foi est découverte, un converti au christianisme risque d’être tué par les talibans ou par sa propre famille.
Quant aux femmes converties, elles doivent aussi cacher leur nouvelle foi à leurs familles particulièrement sous pression, confinées chez elles. Ils risquent de subir toutes sortes d’abus.
Iran (86 points)
En Iran, république islamiste contrôlée par l’ayatollah Ali Khamenei, chef suprême du pays, les communautés historiques de chrétiens arméniens et assyriens sont reconnues et jouissent d’une liberté limitée. Traités comme des citoyens de seconde zone, ils n’ont pas le droit d’accueillir dans leurs églises des convertis d’origine musulmane (parlant le persan).
Ces derniers sont les plus persécutés. Les églises officielles leur étant interdites, ils se réunissent en privé dans des « églises de maison ». Ils risquent des descentes de police, des arrestations et de lourdes peines de prison.
Pakistan (87 points)
Avec une population chrétienne de 2%, le Pakistan se classe au 8ème rang dans l’indice Portes Ouvertes. Depuis la reconduction de Shehbaz Sharif au poste de Premier ministre à l’issue des élections législatives de février 2024, les chrétiens sont mal représentés. La Constitution limite la liberté d’expression pour garantir « la gloire de l’Islam » et 25 % des accusations de blasphème, parfois suivies d’émeutes, visent les chrétiens, qui représentent 2 % de la population.
Les chrétiens sont considérés comme « sales » (« Chura »). Ils souffrent d’une discrimination institutionnalisée qui les cantonne aux emplois les plus dégradants. Chaque année, près d’un millier de jeunes filles chrétiennes et hindoues sont kidnappées, puis converties de force à l’islam et mariées.
Nigéria (88 points)
Le Nigeria, constitutionnellement laïc et dont le Sud est majoritairement chrétien, se retrouve néanmoins 7ème. En effet, dans le nord du pays à majorité musulmane, Boko Haram, Daesh (ISWAP), des militants peuls et des groupes armés ciblent régulièrement des villages chrétiens, restant souvent impunis.
Et pour cause, les chrétiens vivent sous la charia dans 12 États. Ils sont traités comme des citoyens de seconde zone. Les chrétiens sont tués, mutilés, kidnappés, violés. Les survivants perdent leurs terres et fuient vers les camps de personnes déplacées, où ils sont ensuite victimes de discrimination.
Érythrée (89 points)
Comme la Corée du Nord, l’Érythrée, réputée pour sa répression, pratique également un culte de la personnalité envers le président Isaias Afwerki, au pouvoir depuis 1991. Le gouvernement ne reconnaît ainsi que l’islam sunnite et les Églises. Orthodoxe, catholique et luthérien.
Les chrétiens de confessions non reconnues sont discriminés dans l’accès aux ressources communautaires, persécutés par l’État et soumis à une surveillance quotidienne. Certains sont condamnés à de longues peines de détention dans des conditions inhumaines, parfois dans des containers. Entre janvier et mai, près de 120 chrétiens ont été emprisonnés sans procès.
Soudan (90 points)
Le Soudan se retrouve cette année à la 5ème place, avec une augmentation constante des persécutions. La chute du régime du maréchal Omar el-Béchir en 2019, après avoir maltraité les chrétiens pendant plusieurs décennies, a été suivie d’un rétablissement de la police des mœurs en 2022.
A cela s’ajoute un contexte de chaos, avec une guerre au sein de l’armée (les SAF), menée par le général Abdel Fattah al-Burhane contre les Forces de soutien rapide (FSR) de son ancien adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo. Une guerre dévastatrice qui a fait des dizaines de milliers de morts et déplacé plus de dix millions de personnes, selon l’ONU.
Menacés par des groupes extrémistes, ignorés par la communauté internationale, les chrétiens vivent dans la peur et dans de graves persécutions. Des églises sont occupées et attaquées par des parties au conflit ou des extrémistes : près de 150 églises ont été endommagées depuis avril 2023. Les convertis issus de milieux musulmans sont tellement persécutés qu’ils n’osent pas élever leurs enfants dans la foi chrétienne. Les chrétiens sont également discriminés dans l’accès aux ressources, notamment à l’eau potable.
Libye (91 points)
Arrivée 4e avec 91 points, la Libye, depuis la guerre civile de 2011, n’a pas eu de gouvernement central, renforçant la précarité des chrétiens dans un pays confronté à une violence extrême.
La déclaration constitutionnelle transitoire de 2011 et le projet de constitution de 2017 font de l’islam la religion du pays et de la charia la principale source de législation. Les chrétiens libyens d’origine musulmane cachent ainsi leur foi, s’exposant à d’intenses pressions familiales ou communautaires.
Les travailleurs immigrés chrétiens sont la cible de groupes islamistes radicaux et d’organisations criminelles. Ils peuvent être kidnappés, voire brutalement exécutés. Ils sont également victimes de discrimination de la part de leurs employeurs ou dans les centres de détention.
Yémen (94 POINTS)
Comme la Somalie, le Yémen, en 3ème position, rejoint les pays en guerre civile dont la situation des chrétiens s’est considérablement dégradée. « La consolidation du pouvoir des Houthis et la radicalisation de la société – alignée derrière le Hamas, depuis les attentats terroristes du 7 octobre – conduisent à la traque des chrétiens qui n’osent plus se rassembler dans des églises secrètes », a déclaré Guillaume Guennec, directeur de plaidoyer, pointant également du doigt la discrimination dans la distribution de l’aide humanitaire.
Le pays a sombré dans la guerre civile en 2014, faisant 377 000 morts. La plupart des chrétiens expatriés ont été contraints de fuir le pays, une république islamique fondée sur la charia. Le blasphème et le partage d’une foi autre que l’Islam constituent des crimes. L’apostasie est notamment punie de mort.
Les chrétiens du Yémen sont exclusivement d’origine musulmane. Vivant leur foi en secret, ils sont persécutés par les autorités qui les emprisonnent arbitrairement et les soumettent à des interrogatoires. Ils sont également opprimés par leur tribu musulmane et par des groupes islamiques radicaux qui punissent les apostats de mort. Un conjoint qui se convertit au christianisme s’expose au divorce et à la perte de la garde de ses enfants.
Somalie (94 points)
Avec 94 points, la Somalie arrive en deuxième position du classement, où les persécutions sévissent depuis les années 1960. En devenant un État en faillite dans les années 1990, plusieurs groupes terroristes, notamment Al-Shabaab affiliés à Al-Qaïda, ont voulu « éradiquer le christianisme du territoire », ont émergé dans le pays, cherchant à anéantir toute présence chrétienne.
La Constitution de 2012 déclare l’Islam comme religion d’État et la suprématie de la charia, interdisant le développement de toute autre religion. À 99 % musulmane sunnite, la population somalienne compte peu de chrétiens, convertis issus de milieux musulmans. A cause de leur foi, ils sont la plupart du temps tués sur le coup.
D’une manière générale, la société somalienne considère la conversion de l’islam au christianisme comme une trahison ultime, toujours selon l’ONG, impliquant des représailles de la part de la famille ou du clan. Le simple soupçon de conversion peut mettre la vie en danger.
Corée du Nord (98 points)
A l’exception de 2022, la Corée du Nord est, comme chaque année depuis 2002, en tête de l’indice avec 98 points sur 100. Cela s’explique par le fait qu’aucune liberté de religion n’existe dans le pays. . Tous les citoyens ont la plus stricte obligation de vénérer Kim Jong-un, d’assister à des séances hebdomadaires d’autocritique et de mémoriser plus d’une centaine de pages d’idéologie.
Les 400 000 chrétiens du pays sont ainsi empêchés d’exercer leur foi, sous peine d’être exécutés sur place ou envoyés dans des camps de prisonniers politiques avec leurs familles où ils sont soumis aux travaux forcés et à la torture.
« Quiconque croit en Dieu est considéré comme un traître, déloyal envers le régime. Le christianisme est considéré comme une religion étrangère et subversive, liée à l’ennemi américain. Des églises sont néanmoins montrées aux visiteurs à Pyongyang à des fins de propagande», rappelle l’ONG dans son index.