VOD de la semaine – « Le Châtiment ou les mauvaises rencontres » de Jean Rouch

Surtout connu pour ses films liés à son travail ethnographique en Afrique, Jean Rouch a fait quelques rares incursions en France, où il s’est montré à l’égal des « jeunes Turcs » de la Nouvelle Vague, dont il avait été l’une des inspiratrices. Avec sa liberté technique et son style fougueux, Punition ou mauvaises rencontres (1962), un court métrage (un peu plus d’une heure) est un peu la suite de La pyramide humaine (1959) tourné en Côte d’Ivoire, où Rouch aborde la question du racisme dans un lycée d’Abidjan. Dans La punition, il part d’une situation similaire, avec la même actrice principale, Nadine Ballot. Elle est également lycéenne, mais à Paris cette fois. L’essence du film se résume à sa déambulation dans les rues et surtout les parcs de la capitale, adoptant un style autrefois appelé « cinéma-vérité », ancêtre de la télé-réalité. À l’aide d’une caméra au poing, Rouch demande aux comédiens (souvent non professionnels) d’improviser leurs dialogues. Contre toute attente, le résultat est bluffant. Sans doute en partie grâce au talent naturel de Nadine Ballot, qui n’a tourné qu’avec Jean Rouch, rencontré en Afrique où elle avait passé son enfance. Ici, elle rencontre et échange avec quelques hommes plus âgés qu’elle – reflétant sa relation personnelle avec Rouch, qui était son partenaire à l’époque. Ils se livrent à des jeux de séduction assez amusants, mais qui n’aboutissent pas. Au jardin du Luxembourg, Nadine, qui utilise son vrai prénom, rencontre un certain Jean-Claude, joué par un chanteur populaire (Jean-Claude Darnal). Au Jardin des Plantes, elle rencontre par hasard un certain Landry, un jeune Ivoirien qui avait été son compagnon dans La pyramide humaine. Puis elle entame un marivaudage sur les quais avec un physicien d’une quarantaine d’années qui ne la prend pas très au sérieux. Bref, une charmante balade métropolitaine, filmée in situ, où Rouch joue avec les faux-semblants masculins en prenant une certaine distance, et privilégiant le regard documentaire sur les flux de la vie parisienne, captés en noir et blanc avec des moyens rudimentaires. Les débuts du cinéma d’Éric Rohmer, qui s’est peut-être inspiré du principe de Rouch en l’affinant.

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