Ce voyage apparaît comme un acte de défiance envers la Cour pénale internationale, l’Ukraine, ainsi que de nombreux pays occidentaux et ONG qui ont appelé à l’arrestation du président russe.
Vladimir Poutine a rencontré mardi 3 septembre à Oulan-Bator son homologue mongol, première visite officielle du président russe dans un pays membre de la Cour pénale internationale (CPI) depuis qu’un mandat d’arrêt a été émis contre lui le 17 mars 2023. Arrivé lundi soir dans la capitale mongole, le dirigeant russe a été accueilli par la garde d’honneur, sans être interpellé à sa descente d’avion. Il s’agit de son premier déplacement en Mongolie depuis cinq ans.
Son voyage apparaît comme un acte de défiance envers la CPI, l’Ukraine déchirée par la guerre et de nombreux pays occidentaux et organisations de défense des droits de l’homme qui ont demandé son arrestation.
La Mongolie a théoriquement « l’obligation » d’interroger Poutine
Vladimir Poutine a été accueilli mardi après-midi par son homologue mongol Ukhnaa Khurelsukh sur l’imposante place Gengis Khan d’Oulan-Bator, lors d’une cérémonie somptueuse à laquelle ont assisté des délégations des deux pays. Une fanfare a interprété des airs militaires et les hymnes nationaux russe et mongol devant les deux dirigeants, qui se tenaient aux côtés de soldats mongols en tenue traditionnelle.
Vladimir Poutine fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour avoir déporté illégalement des enfants ukrainiens vers la Russie. La Mongolie, membre de la CPI, était donc obligée de l’arrêter, selon le Statut de Rome qui a fondé la Cour. Kiev a réagi avec colère : le porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères, Georgiy Tykhiy, a accusé la Mongolie d’avoir « a permis au criminel accusé d’échapper à la justice, partageant ainsi la responsabilité de ses crimes de guerre ».
La Cour basée à La Haye aux Pays-Bas a rappelé la semaine dernière que ses pays membres ont le droit« obligation » Elle peut arrêter les individus visés par un mandat d’arrêt. Mais en pratique, elle ne peut pas les contraindre : lorsqu’un pays membre ne remplit pas ses obligations envers la CPI, celle-ci peut saisir l’Assemblée des États parties, qui se réunit une fois par an mais dont les sanctions possibles se limitent essentiellement à un blâme verbal.
Par le passé, d’autres personnes recherchées par la Cour, comme l’ancien président soudanais Omar el-Béchir, se sont rendues dans des pays signataires du Statut de Rome sans avoir été interrogées. La Mongolie a signé le Statut de Rome en 2000 et l’a ratifié en 2002.
Le gouvernement mongol n’a pas fait de commentaires sur l’éventuelle arrestation du dirigeant russe. Mais un porte-parole du président a démenti sur les réseaux sociaux les informations selon lesquelles la CPI aurait envoyé une lettre demandant aux autorités locales d’exécuter le mandat d’arrêt lors de la visite. Moscou ne reconnaît pas la CPI et a toujours fermement rejeté les accusations de la Cour contre le président russe. « doit arrêter» Vladimir Poutine, qui « fuit la justice »« , a insisté lundi le directeur exécutif d’Amnesty International en Mongolie, Altantuya Batdorj.
« Faites sortir le criminel de guerre »
Démocratie enclavée entre deux pays autoritaires, la Russie et la Chine, la Mongolie entretient des liens culturels étroits avec Moscou et des relations commerciales importantes avec Pékin. Les deux puissances convoitent ses riches ressources naturelles et souhaitent y accroître leur influence, tout comme les États-Unis.
La Mongolie, qui faisait autrefois partie de l’Union soviétique, n’a pas condamné l’invasion russe de l’Ukraine et s’est abstenue de voter sur le conflit aux Nations unies. Le Kremlin avait assuré la semaine dernière qu’il n’avait pas « pas de soucis » concernant une éventuelle arrestation du président russe.
Les forces de l’ordre mongoles ont empêché mardi une poignée de manifestants opposés à la présence de Vladimir Poutine de s’approcher trop près du dirigeant russe. Lundi après-midi, certains manifestants avaient déjà exprimé leur mécontentement, certains brandissant une banderole sur laquelle on pouvait lire « Faites sortir le criminel de guerre Poutine ».
« Des projets prometteurs »
La visite du maître du Kremlin coïncide avec le 85e anniversaire de la victoire des forces mongoles et soviétiques sur le Japon. Avant le voyage, le dirigeant russe a souligné « des projets économiques et industriels prometteurs » entre les deux pays, dans une interview avec le journal mongol Unuudur partagé par le Kremlin.
Parmi ces projets, il a cité la construction d’un gazoduc transmongol reliant la Chine et la Russie. Il a également déclaré « intéressé à poursuivre un travail substantiel » en vue d’un sommet trilatéral entre la Chine, la Russie et la Mongolie.