visualiser les chiffres alarmants de l’emploi depuis le début de la crise
S’il est actuellement impossible de connaître le taux de chômage en Nouvelle-Calédonie, les chiffres de l’emploi démontrent déjà la crise que traverse le pays. L’Isee vient de diffuser une série d’indicateurs à travers un tableau de bord spécifique à la période post-mai. Décryptage.
L’économie était déjà affaiblie avant le 13 mai et depuis lors, la situation s’est clairement détériorée. « dégradé ». Un constat aujourd’hui soutenu par l’Institut de statistique et d’études économiques (Isee). A ce stade, les chiffres de l’emploi viennent d’être publiés dans un tableau de bord spécifique à la crise en Nouvelle-Calédonie.
Cet outil, qui sera mis à jour et enrichi chaque mois, a pour objectif de rassembler «en un seul endroit, différents indicateurs qui permettront de visualiser les conséquences de la crise notamment en termes d’emploi, d’activité et de financement »indique Elise Desmazures, directrice de l’Isee.
Le nombre d’emplois salariés dans le secteur privé avait diminué avant même les événements de mai. L’Isee a constaté, en début d’année, une anomalie dans la « saisonnalité de l’emploi ».
« Un certain nombre de contrats se terminent en décembre puis les gens sont réembauchés en début d’année. C’est un cycle classique qu’on observe depuis des années. Et là, en mars, l’emploi n’a pas encore augmenté. C’était déjà un premier signal. » « explique Véronique Ujicas, responsable du service économique et diffusion à l’Isee.
D’ailleurs, le Caillou s’est enfoncé un peu plus dans la crise. Environ 6 000 emplois ont été détruits entre avril et juin. Une chute vertigineuse, d’autant qu’elle ramène le nombre d’employés du privé à son plus bas niveau depuis 2010. Au premier trimestre de l’année, 66 604 personnes étaient rémunérées par un employeur privé, contre 60 000 aujourd’hui.
Et ce chiffre va continuer à baisser. Les quelque 1.200 salariés de l’usine Koniambo nickel SAS (KNS) licenciés le 31 août n’ont pas encore été dénombrés. Ils apparaîtront dans les déclarations futures.
Face à ces milliers d’emplois détruits, 4 930 personnes se sont retrouvées, en août, inscrites au chômage total auprès de la Cafat. Plus d’un millier d’autres se retrouvent hors des radars, incapables de bénéficier des mesures de chômage de droit commun ou spécifiques aux dérives.
« Il peut y avoir des gens qui ont perdu leur emploi et qui n’ont pas travaillé dans une entreprise qui a été détruite. Ils n’ont donc pas droit au chômage spécial et n’ont pas non plus droit au chômage ordinaire parce qu’ils n’ont pas travaillé assez dur.« , développe Véronique Ujicas.
Cela peut être le cas d’un « personne qui nettoyait la maison de quelqu’un ou gardait des enfants et qui a perdu son emploi ». Ceci explique l’écart entre le nombre d’emplois salariés détruits dans le secteur privé et le nombre de chômeurs.
Si le nombre de chômeurs dans le secteur privé est connu, l’Isee insiste sur un point. Le taux de chômage est, à ce jour, incalculable. Pour ce faire, une enquête approfondie auprès des effectifs doit être réalisée et seule l’Isee a les compétences pour le faire. Pour 2024, la collecte est en cours.
« Le taux de chômage actuel ne sera connu qu’au milieu de l’année prochaine, lorsque l’enquête sera terminée et les résultats traités et analysés »précise le gérant.
On ne peut pas dire aujourd’hui : 30 000 personnes ont perdu leur emploi. Nous ne pouvons pas additionner tous ces chiffres.
Véronique Ujicas, responsable du service situation économique et diffusion à l’Isee
Annoncer, en cette période de crise, un taux de chômage à 30, 40 voire 50% « est abusif »acquiesce la directrice de l’Isee, Elise Desmazures. « La population active occupés, ce ne sont pas que des employés. Ce sont des entrepreneurs privés, publics et individuels.
D’autant que les pourcentages qui circulent semblent inclure le nombre de personnes inscrites au chômage partiel. Or, le taux de chômage ne prend en compte que les chômeurs totalement privés de travail.
« On ne peut pas additionner les chômeurs qui bénéficient du chômage et ceux qui bénéficient du chômage partiel puisque certains sont privés d’emploi, d’autres non.formule Véronique Ujicas. Ceux qui bénéficient du chômage partiel ne sont pas au chômage, ils restent salariés. »
Alors qu’en janvier, le chômage partiel n’était demandé que pour une vingtaine de salariés sur tout le territoire, cette mesure représente 29% des effectifs salariés en mars. Avec près de 20 000 salariés inscrits au chômage partiel, dont la majorité au nom de dérives, l’enjeu pour les mois à venir est de taille.
Pour les pouvoirs publics, la question est de savoir si « Ces personnes placées au chômage partiel pourront retrouver assez rapidement la pleine activité ou cela entraînera-t-il un basculement vers le chômage total »explique Élise Desmazures.
En raison des mesures mises en œuvre (dispositifs spécifiques de chômage partiel et abus) « Nous ne vivons pas un effondrement de l’économie »poursuit le réalisateur. Mais si l’activité économique ne reprend pas et si les mesures de soutien prennent fin, la crise économique aurait des conséquences désastreuses. Notamment sur le financement des comptes sociaux.
« L’économie saura-t-elle se relever de cette éventuelle forte réduction de l’emploi et donc de la consommation. Sachant que nous avons d’autres indicateurs, sur l’investissement par exemple, qui montrent que nous avons une perte de confiance importante. Or, la confiance est essentielle dans le l’économie pour relancer la croissance. »
Autres pertes sèches, elles concernent cette fois les titulaires de brevets. Le solde entre créations et suppressions devient négatif à partir du mois de mars. Notamment dans les domaines du bâtiment, des activités spécialisées (voir détails ci-dessous) et de la santé. Des infirmiers, des kinés, des dentistes ou encore des pharmaciens ont dû cesser leur activité, détaille l’Isee.
Quand on regarde le solde des entreprises, c’est celui des travailleurs indépendants qui est le plus spectaculairement négatif.
« Depuis le début des émeutes et jusqu’à fin août, le territoire a perdu 910 travailleurs indépendants »compte Véronique Ujicas. Les entreprises sont dans une moindre mesure touchées.
D’autres indicateurs axés sur l’activité économique sont abordés dans le tableau de bord, comme les chiffres miniers, le commerce extérieur ou l’indice des prix alimentaires. Et de nouveaux devraient entrer. L’institut étudie actuellement les taxes perçues comme le TGC ainsi que les déplacements hors territoire de ceux qui expédient leurs effets personnels par bateau.
Toutes ces informations seront présentées dans le cadre du Plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation du gouvernement.