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Visites touristiques pour les Occidentaux fascinés par la guerre

Pour Noël, vous êtes plutôt en Norvège, à Djerba, aux Seychelles, au Mexique ou en Ukraine ? Les touristes européens n’hésitent pas à séjourner dans la région de Kyiv. Bien que nous soyons à des centaines de kilomètres du front, la capitale est toujours attaquée, presque quotidiennement, par des drones et des missiles russes. En Ukraine, une dizaine de compagnies proposent ce type de circuits, un phénomène marginal mais en croissance. Ces circuits font partie du « tourisme sombre », la visite de lieux associés à des événements tragiques.

Avant l’invasion, des dizaines de milliers de personnes visitaient chaque année la zone de Tchernobyl, site de la catastrophe nucléaire de 1986, aujourd’hui fermée au public en raison de la guerre.

« Pas une question d’argent, mais de mémoire »

War Tours, une de ses agences, affirme avoir accompagné depuis janvier une trentaine de clients, principalement européens et américains. Une fois sur place, ils paient entre 150 et 250 euros par visite. Une partie des bénéfices est reversée à l’armée. Le projet n’est « pas une question d’argent, mais de mémoire », assure son co-fondateur, Dmytro Nykyforov.

Svitozar Moïsseïv, co-gérant de Capital Tours Kiev – une autre société – confirme que les bénéfices sont minimes. Montrer les dégâts à des étrangers est, dit-il, « comme un vaccin pour empêcher que cela ne se reproduise ». Ces touristes ne sont pas là uniquement pour « prendre un selfie pour Instagram », précise-t-il.

Plus ou moins proche du devant

Ces visites se concentrent généralement sur Kiev et ses banlieues, comme Irpine ou Boutcha, lieux de massacres de civils attribués à la Russie au printemps 2022. Certaines compagnies se rapprochent cependant du front. L’un des plus sensationnalistes propose un circuit de plusieurs jours dans le sud de l’Ukraine, pour un coût allant jusqu’à 3 300 euros.

Ces voyageurs pourraient à terme générer des revenus utiles pour les localités. Mais Mykhaïlyna Skoryk-Chkarivska, élue locale d’Irpine et ancienne adjointe au maire de Boutcha, constate que certains habitants y voient de « l’argent taché de sang » et ne comprennent pas toujours pourquoi les étrangers viennent « voir notre chagrin ». Mais selon elle, ces réactions négatives sont minoritaires, car pour beaucoup, tout cela fait simplement « partie de la nouvelle réalité » en Ukraine.

« Une marque « Ukraine » plus forte que jamais »

Mariana Oleskiv, présidente de l’Agence nationale pour le développement du tourisme, reconnaît que ce type de voyage pose « beaucoup de questions éthiques », mais estime que la demande est vouée à augmenter. Son agence prépare donc des formations spécifiques pour guides et des « visites commémoratives » dans la région de Kiev.

Si l’invasion avait mis le tourisme à genoux, le secteur devrait dépasser cette année son niveau de 2021, avant la guerre mais en pleine pandémie de Covid-19, selon Mariana Oleskiv. Ce phénomène est principalement dû au tourisme local, les hommes ukrainiens en âge de combattre n’étant généralement pas autorisés à quitter le pays en raison de la loi martiale.

L’année dernière, l’Ukraine a enregistré 4 millions d’entrées de visiteurs étrangers, selon Mariana Oleskiv. Deux fois plus qu’en 2022, mais surtout des voyageurs venus pour des raisons professionnelles. Le pays se prépare également à l’après-guerre, en signant des accords promotionnels avec des groupes comme Airbnb ou TripAdvisor. « La guerre a braqué les projecteurs sur l’Ukraine », note Mariana Oleskiv. « Notre marque est donc plus forte, tout le monde connaît notre pays. »

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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