«Vingt Dieux», un western rural au pays du comté
A seulement 30 ans, la réalisatrice Louise Courvoisier signe une épopée sentimentale et ringarde, à la fois brute et lumineuse. Tourné dans le Jura de son enfance, « Vint Dieux » est un portrait drôle et poétique de la jeunesse rurale.
Publié
Temps de lecture : 3 minutes
Quelques minutes avant la projection, Thierry Frémaux, directeur du festival de Cannes, annonce la couleur : « A la fin du film, la fabrication du fromage du Jura n’aura plus de secret pour vous. » Les spectateurs de la salle Debussy, qui accueille la sélection Un certain regard, savent à quoi s’attendre. Le comté est en effet un personnage central du premier long métrage de Louise Courvoisier. Et pas seulement.
C’est sur les terres de son enfance que la réalisatrice, âgée d’à peine 30 ans, a ancré le destin de Totone. A 18 ans, ce fils d’agriculteur est plus intéressé par l’idée de divertir la galerie avec ses fesses exposées sur la table d’une buvette du village, que par aider son père à l’exploitation fruitière familiale. La disparition de ce dernier va brusquement changer la donne, l’obligeant à s’occuper de sa petite sœur et à gagner sa vie. Il entreprend de produire le meilleur des comtés pour remporter un concours agricole doté de 30 000 euros.
Louise Courvoisier filme le monde rural au fil de son évolution. Cette jeunesse qu’elle connaît bien, où l’on se soutient dans les moments difficiles, où l’on roule cheveux au vent sur les routes départementales, jambes serrées sur un 50 cc pétaradant, où l’on résout les conflits à coups de poing au visage et où l’on flirter le samedi soir aux bals du village. L’image est soignée, les couleurs lumineuses.
Les acteurs non professionnels, recrutés lors de castings sauvages dans les courses de motocross ou de stock car et les salons agricoles de la région, sont étonnamment vrais. Une étonnante facilité pour passer du métier d’agriculteur à celui d’acteur. Clément Favreau incarne un Totone impulsif et maladroit, Maïwène Barthelemy (Marie-Lise) une jeune agricultrice indépendante et sexy et Luna Garret (Claire) une petite sœur bien décidée à tenir bon aux côtés de son grand frère un peu rude.
Amis, famille, amours, dans cette communauté silencieuse nous préférons les actions aux longs discours. Et la construction du comté prend une tournure dramatique. Les immenses chaudrons de cuivre, la lente montée en température, la découpe du caillé et enfin la délicate séparation avec le petit-lait : le processus est magnifiquement représenté. Il faut voir les fines mains de la petite fille de 7 ans pétrir la matière, en évaluer la densité.
Vingt dieux est le film de l’amour brut, de la terre et de la vie paysanne sans artifice, dans toute sa beauté. Humour et plus encore. Comme cette scène d’amour hilarante, entre deux expéditions clandestines pour voler le lait qui servira à fabriquer le meilleur fromage.
Louise Courvoisier, lauréate du premier prix de la Cinéfondation à Cannes en 2019 pour son court métrage de fin d’études Mano à Manosigne une œuvre sensible et touchante.
Où l’on découvre qu’on peut se laisser submerger par une course de stock car et qu’à l’heure des retrouvailles, le comté déjà bien affiné, on se retrouve à regretter que le film soit déjà terminé.
Genre : drame
Directeur: Louise Courvoisier
Acteurs: Clément Favreau, Luna Garret, Mathis Bernard, Dimitry Baudry, Maïwène Barthelemy, Armand Sancey Richard, Lucas Marillier
Pays : France
Durée : 1h30
Sortie : 11 décembre 2024