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Vincent Bolloré interdit

Vincent Bolloré interdit

Dans sa chronique sur France Culture du 17 juin, Esther Duflo notait que « certains parallèles existent entre la situation politique française actuelle et les élections de 1932 en Allemagne qui ont vu Hitler arriver au pouvoir « .

Le prix Nobel d’économie a fait le lien entre le rôle joué aujourd’hui par le magnat de l’acier (président du conglomérat Krupp) et les médias (qui contrôlent 1 600 journaux papier, les studios UFA et l’agence de presse Telegraphen Union) Alfred Hugenberg et Vincent Bolloré.

Alfred Hugenberg, qui adhère au parti nazi en 1931 au sein d’une alliance appelée « front national », met tous ses médias au service d’Hitler.

Vincent Bolloré a mis ses médias au service de la création d’un front unique du Rassemblement national et des Républicains avec la complicité d’Éric Ciotti. Après avoir confié des plages horaires à Pascal Praud, il a également dépêché Cyril Hanouna sur Europe1 pour deux heures d’une émission intitulée « On marche sur la tête » consacrée, sans surprise, à l’actualité politique, pendant la quinzaine de campagne électorale.

Les parallèles relevés par Esther Duflo sont troublants, même si les situations de 1931 et de 2024 ne sont pas identiques. Vincent Bolloré contrôle de puissants relais audiovisuels, dont l’impact néfaste sur les citoyens se mesure chaque jour ; en confondant les genres, l’information et le divertissement (Hanouna n’est pas journaliste), Bolloré joue la carte de la jeunesse et de la France profonde (mais pas que…).

Les parallèles dénoncés par Esther Duflo auraient dû déclencher des réactions chez les démocrates : Vincent Bolloré est hors-la-loi.

Les médias audiovisuels relèvent de la loi de 1986 relative à la liberté de communication, contrairement aux médias écrits (ou papier). Le législateur a voulu fixer des limites au secteur audiovisuel ; le nombre de chaînes de diffusion étant limité (malgré la TNT), quand le nombre de journaux écrits peut être illimité. Il est impossible d’ouvrir la voie à tous les courants d’opinion, mais il faut leur donner accès aux moyens de diffusion.

L’attribution d’une fréquence s’accompagne d’une série de mesures, notamment le « caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion » et le pluralisme culturel.

Le législateur a précisé que « le pluralisme apparaît comme l’une des garanties objectives de la liberté de communication. Elle apparaît comme la condition de l’effectivité de la liberté de communication et constitue à ce titre un aspect de cette liberté. La libre communication des pensées et des opinions ne serait pas efficace si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuelle ne pouvait pas avoir accès aux programmes, tant du secteur public que du secteur privé. qui garantissent l’expression de tendances de caractère différent. »

En transformant ses chaînes de télévision (C8 et CNews) et de radio (Europe1) en médias d’opinion, Vincent Bolloré s’est donc placé hors la loi. On peut donc s’étonner de l’absence de réactions tant de la part des politiques que du régulateur, ARCOM, lorsque les contraventions sont avérées.

Esther Duflo a montré que franchir les limites pouvait conduire à la catastrophe.

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