Car les contentieux sont multiples et des milliards d’euros de fonds sont gelés en raison des inquiétudes concernant la corruption et des attaques répétées contre la démocratie dans le pays d’Europe centrale. Sur les sujets géopolitiques aussi, la discorde est totale. Face à ses partenaires, M. Orban soutient l’ancien président américain Donald Trump, à qui il a emprunté le slogan pour les six prochains mois – « Make Europe Great again ». Proche du chef de l’Etat chinois Xi Jinping, il cultive aussi des liens avec le Kremlin, et refuse de soutenir militairement Kiev.
Du camp libéral à « l’illibéralisme »
C’est pourtant en tant que jeune libéral qu’il se fait connaître, à 26 ans, en défiant le régime communiste de Budapest par une tirade enflammée en juin 1989 pour la liberté, lors d’un hommage aux victimes du soulèvement de 1956 contre l’Armée Rouge. Co-fondateur un an plus tôt de l’Alliance des jeunes démocrates (Fidesz), il est devenu le symbole des aspirations de la Hongrie à s’affranchir du totalitarisme et à adopter les valeurs occidentales.
A mille lieues de ses débuts, Viktor Orban dénonce aujourd’hui « la décadence de l’Occident », face au « lobby LGBT+ » et à l’afflux de migrants venus d’Afrique et du Moyen-Orient, régulièrement assimilés à de potentiels « terroristes ». L’aboutissement d’un long processus d’évolution vers l’extrême droite.
Premier ministre en 1998, à seulement 35 ans, il doit abandonner le pouvoir quatre ans plus tard, battu aux urnes par les socialistes. Lorsqu’il revient au pouvoir en 2010, il décide de consolider son emprise pour ne plus jamais avoir à subir ce qu’il a vécu comme une humiliation. Confortablement réélu à chaque élection législative depuis, ce père de cinq enfants revendique exercer une « démocratie illibérale ».
« Alignement » avec la Russie –
« Au cours des 14 dernières années, Orban s’est aligné sur l’idéologie poutinienne d’un Occident en plein chaos » et d’un alignement de contre-pouvoirs, analyse Stefano Bottoni, historien italo-hongrois à l’Université de Florence. C’est à la lumière de cette évolution qu’il faut « comprendre sa position » sur l’offensive russe en Ukraine, a-t-il dit.
Selon le dirigeant de 61 ans, ce n’est pas tant Moscou mais l’OTAN et l’UE qui ont provoqué une « conflagration mondiale ». Une position qui irrite de plus en plus ses alliés. « Il ne se rend pas compte à quel point c’est toxique », estime l’expert, car « pour de nombreux pays, la guerre en Ukraine est le problème le plus important du moment dans la redéfinition de l’Europe ».
Même au sein de l’extrême droite, cela le conduit à « une impasse stratégique », ajoute M. Bottoni. Il avait promis d' »occuper Bruxelles » et d’être « un faiseur de rois. A la fin, il glisse vers la troisième division ».
En rupture avec ses partenaires conservateurs du PPE au Parlement européen depuis plusieurs années, le Fidesz peine à trouver une nouvelle écurie. Affaibli sur la scène internationale, il est aussi concurrencé par l’émergence d’un nouveau rival, le conservateur Peter Magyar, pur produit du système Orban entré en dissidence.