« Viet Nam » : un voyage onirique et mémorial dans un pays blessé
Tru’o’ng Minh Quý mêle documentaire et onirisme, traumatismes de guerre et question de l’exil, sur fond d’histoire d’amour gay. Une œuvre hypnotique.
Publié le 24 septembre 2024
Publié le 24 septembre 2024
La mémoire de la guerre du Vietnam a rarement été filmée de cette manière. Peut-être parce que les images et les représentations du conflit ont été depuis longtemps confisquées par Hollywood ou, du côté vietnamien, par le cinéma de propagande.
Avec ce troisième long métrage, présenté à Cannes en sélection officielle deUn certain regardTru’o’ng Minh Quý surprend par l’originalité d’une approche mêlant rêverie et réalité documentaire, une histoire d’amour entre deux hommes, l’exil et de vieux traumatismes enracinés dans les familles.
Vietnam et Nam s’aiment et travaillent dans une mine de charbon. Nam, qui envisage de partir illégalement à l’étranger, vit avec sa mère. Son père, disparu quand il était enfant, est probablement mort à la guerre. Lorsqu’un ami du défunt, un vétéran manchot, vient rendre visite à la mère de Nam, les fantômes du passé refont surface.
Les quatre protagonistes partent à la recherche des restes lors d’un voyage qui les mènera au sud du pays, dans un musée de la guerre à ciel ouvert où crânes et ossements s’entassent dans des vitrines et où des statues représentent les « bodoï » (soldats) en action. Sur ce lieu de mémoire prospèrent de faux chamans, faisant croire aux familles qu’ils communiquent avec les esprits de leurs défunts.
Une étrangeté accentuée par le travail du son
Marqué en 2019 par la mort de 39 migrants vietnamiens dont les corps ont été retrouvés dans un conteneur en Angleterre, le cinéaste issu du domaine documentaire établit dès les premières images une étrangeté, accentuée par le travail sur le son.
Construit sur des contrastes et des oppositions, avec une attention particulière portée à la lumière et aux matériaux, Vietnam et Nam réunit le passé et le présent, la vie souterraine dans la mine ou les tunnels de la guerre et l’existence à la surface. Amis et amants aux physiques jumeaux, le Vietnam et le Nam incarnent les deux visages et les contradictions d’un pays autrefois divisé en deux.
Influencé par Bergman et Tarkovski, Tru’o’ng Minh Quý prend son temps et use des dialogues avec parcimonie, au risque d’être elliptique. Il parvient néanmoins à tisser un récit fluide en entrelaçant plusieurs fils narratifs. Par la force de sa mise en scène, le tournage sensuel des corps et le jeu économe des acteurs, il révèle les blessures de son pays pour mieux s’en libérer.
Vietnam et Nampar Tru’o’ng Minh Quý, Vietnam-Philippines-Singapour-France-Pays-Bas-Italie-Allemagne-États-Unis, 2 h 9
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