VIDÉO. Quand les roues Michelin sont testées sur les volcans d’Auvergne, en route vers la lune
Avant d’espérer envoyer ses roues sur la Lune, Michelin les teste dans les volcans d’Auvergne. A Lemptégy, près de Clermont-Ferrand, les pentes du volcan ont servi de sol lunaire de substitution pour tester le prototype de roue lunaire avant de l’envoyer à la Nasa.
Michelin teste son prototype de roue lunaire sur les volcans d’Auvergne. L’entreprise clermontoise a créé cette roue suite à l’appel d’offres du projet Artemis de la NASA. « La NASA veut explorer le pôle Sud de la Lune, où aucun humain n’a jamais mis les pieds auparavant », Pas d’humains mais, peut-être, bientôt, des roues fabriquées à Clermont-Ferrand et testées sur les pentes des volcans du Massif central. Si elles sont utilisées lors de cette mission, ces roues pourraient permettre de grandes avancées, car le programme vise « acquérir de nombreuses données scientifiques et notamment rechercher de l’eau sous forme de glace » sur la Lune.
Au cœur du développement, les volcans d’Auvergne remplacent la lune. « Les volcans d’Auvergne peuvent s’apparenter à des sols lunaires par certains aspects. Aussi, une équipe Michelin utilise fréquemment ce terrain volcanique pour réaliser des tests, riches d’enseignements grâce aux similitudes des sols »le communiqué de presse indique. Selon Cyrille Roget, directeur de la communication scientifique et de l’innovation, cette similitude est due à la « nature abrasive » Roche volcanique. « Elle n’a pas la même consistance, même si, lorsqu’elle est petite, le sol est meuble et a assez peu de portance à certains moments. » Ce qui intéresse avant tout les équipes c’est « le côté abrasif de la roche volcanique, très coupant, comme le régolithe du sol lunaire qui va endommager énormément les matériaux. »
Au pôle Sud lunaire, le sable a été très peu érodé, ce qui signifie qu’il peut être très agressif, saillant, pour les surfaces qui peuvent le fouler. « Pour assurer une conduite fluide pendant 10 000 km et 10 ans à un tel véhicule, mais aussi des performances tout-terrain (il s’agit d’évoluer dans un environnement fait de sable, de pierres et de cratères), les roues doivent non seulement être constituées de matériaux particulièrement résistants, mais également capables de conserver leurs propriétés quelles que soient les conditions extérieures. »
Réalisés sur le volcan de Lemptégy, ces tests permettent d’évaluer la réponse du rover lunaire dans des conditions proches de la Lune. « Plusieurs types de tests ont été menés. Les matériaux ont été soumis, en laboratoire, à des conditions de froid extrême en les plongeant dans de l’azote liquide. Des tests sur du sable ont permis de se rapprocher de la consistance du sol lunaire, où l’on s’enfoncera plus facilement que sur le sol des volcans… On ne peut pas tout faire en même temps, donc on fait des tests qui représentent chacun une contrainte », explique Cyrille Roget. La température extérieure pourrait descendre jusqu’à près de -250°C. En revanche, à d’autres endroits, elle pourrait atteindre +100°C, une plage de température inconnue sur Terre. Les matériaux devront s’adapter.
Les tests au cœur des volcans sont presque terminés. Dans deux semaines, le prototype du rover lunaire et ses roues partiront pour les Etats-Unis, vers le centre de tests de la NASA. Il reste moins d’un an pour rédiger le rapport final de ce qui a été observé sur les roues lunaires. Nous avons jusqu’en avril prochain. Le rapport sera soumis à la NASA, qui nommera fin mai l’équipe finale choisie pour concevoir le rover. Elle sera également testée sur la Lune lors d’une première phase sans astronaute à bord, avant de remplir sa mission. Face à eux, de sérieux concurrents, notamment Goodyear et Venturi, cherchent eux aussi à concevoir la roue parfaite pour le projet Artemis.
Si autant de tests sont nécessaires, c’est que Michelin fait face à de nombreuses contraintes, que le groupe détaille dans son communiqué. « Le véhicule lunaire devra rester en place pendant une décennie, transporter deux astronautes, permettre l’exploration de zones lointaines et prélever des échantillons. Entre deux allers-retours des astronautes, ce « rover » lunaire devra se rendre seul sur les différents points d’atterrissage et fonctionnera de manière autonome. »
Ce pneu très spécial devra donc répondre aux conditions extrêmes d’un voyage sur la lune : « Avec une gravité six fois inférieure à celle de la Terre, la Lune possède des facteurs d’adhérence très spécifiques, quels que soient les dimensions ou le poids du véhicule lunaire. S’il est déjà difficile de gravir des pentes sablonneuses sur Terre, c’est encore plus complexe sur la Lune. Sur place, il faudra gravir des pentes allant jusqu’à 20 degrés avec un sol très meuble car non compacté, vierge de tout trafic. Pour augmenter l’adhérence, la roue lunaire devra générer une partie plate de sa bande de roulement afin d’obtenir la plus grande surface de contact possible. »
Le manque d’ambiance sera également un défi : « Sur la Lune, les différents objets présents à sa surface ne sont pas protégés par l’atmosphère terrestre. Le niveau d’UV y est bien plus élevé, et le vieillissement des matériaux beaucoup plus rapide. Les roues, en contact permanent avec le sol, soumises à l’agression du soleil et des UV, doivent résister aux rayonnements électromagnétiques et à ces rayonnements. Ces phénomènes peuvent avoir un impact sur le niveau de performance du véhicule et de ses roues. Il convient d’anticiper cela par un travail approfondi sur les matériaux, leur résistance à un environnement, voire leur tribologie (science des frottements entre surfaces). »
Michelin précise également que le rover « fonctionnera la plupart du temps à l’ombre et n’aura donc pas la possibilité de recharger fréquemment ses batteries via ses panneaux solaires. Ainsi, les matériaux et la conception développés par Michelin doivent permettre une consommation énergétique la plus faible possible pour préserver l’autonomie du véhicule ».