Vidéo. A Angoulême, des parties de pétanque pour mieux soutenir le cancer de la prostate
Elles sont soignantes, elles sont à l’origine de l’opération et elles ont un peu d’avance. Émeline Ménard et Élizabeth Teulade sont techniciennes au service de radiothérapie de Girac. Elles ont choisi de lancer en avance Movember, ce mois de novembre qui incite les hommes à se laisser pousser la moustache pour sensibiliser au dépistage du cancer de la prostate, sur le modèle d’Octobre rose, dédié au cancer du sein. « On y a réfléchi. On s’est dit, pourquoi pas la prostate ? Elle représente quand même 30 % de nos patients en radiothérapie. » Et c’est devenu Moustache pétanque…
« C’est bien que les « anciens » puissent partager leur expérience »
Une autre forme de thérapie, par l’échange, le partage d’expériences. Voilà qui rassure un peu Jean-Christophe Voiron. « J’ai été dépisté il y a un an et demi, opéré en octobre 2023. » Désormais, il est parti pour un cocktail d’hormonothérapie et de radiothérapie. Confiant. Il parle de son cancer, naturellement, sans tabou. « Les bals sont un prétexte. C’est ce qui permet aussi des contacts en dehors de l’hôpital. Ici, on parle de ce qu’on veut, des problèmes des uns et des autres. On voit les soignants dans un contexte différent, ils ont plus de temps. »
Provoquer la rencontre. Une bonne dizaine de patients, quelques soignants en plus. « On sait que les patients peuvent avoir des problèmes avec les traitements, qu’ils n’en parlent pas toujours. C’est une façon de parler plus facilement, de trouver des solutions », explique Élizabeth. « C’est bien qu’ils se rencontrent, que les « anciens » puissent partager leur expérience », ajoute Émeline. « Ça leur permet aussi de surmonter la maladie. » Et de reprendre une activité physique.
« Les balles sont secondaires »
Cédric Revelen, le directeur opérationnel du centre de radiothérapie de Girac, a vite compris l’intérêt de la chose. « On voit les patients pendant deux mois, tous les jours. Ça crée du lien. Mais, dit-il, les hommes ont plus de mal à se fédérer, à en parler, contrairement aux femmes qui sont plus à l’aise dans le milieu associatif. » A moins de provoquer la rencontre. Joël Duhamel, un jeune retraité de 63 ans, vient de subir « une quarantaine de radiothérapies. J’attends les résultats dans trois mois ». Il est donc venu « pour la cohésion, l’information. Les couilles, c’est secondaire. »
Le Dr Mokrane Benhaddou est oncologue radiothérapeute. Il confirme : « C’est de l’information et de la prévention. » Et les patients posent des questions. Comme Bernard, 74 ans, qui se demande pourquoi son oncologue bordelais, qui le soignait depuis des années pour un cancer du sang, ne l’a pas fait dépister avant ses 74 ans. Il n’avait « aucun symptôme. Si le médecin n’avait pas demandé un PSA… j’aurais été au stade ultime d’un cancer agressif. » 39 séances de radiothérapie et trois ans d’hormonothérapie. Ce qui pose aussi question.
« Le taux de PSA, pour antigène prostatique spécifique en français, explique le Dr Philippe Lefèbvre, oncologue radiothérapeute, c’est ce qui nous alerte. Pour les cas les plus avancés, on utilise l’hormonothérapie. C’est un traitement, explique le médecin, qui arrête la production de testostérone qui alimente le cancer. » Une sorte de « castration », traduit le Dr Benhaddou. « Parfois, ils n’osent pas en parler. » Il sait que, souvent, « ce qui les inquiète, c’est la dysfonction érectile. C’est dû à l’hormonothérapie mais, dans un cas sur deux, aussi à la radiothérapie. » Il rassure : « Il existe des traitements. » Bernard apprécie. « Il y a une diététicienne, une sexologue, des associations. Cela nous permet d’en savoir un peu plus. »
« Et puis il y a des questions qu’on a plus facilement à aborder sous les arbres », explique Jean-Christophe Voiron. « Et puis on discute entre nous, de ce qu’on a eu, de comment ça s’est passé », ajoute Jean-Luc Martin. « On se fait confiance. On ne s’inquiète pas. »
Le tournoi de pétanque de la semaine dernière était une première, mais sans doute pas la dernière. Élizabeth Teulade et Émeline Ménard se sont déjà rassurées. « On voit des sourires », se détendent les patients. Elles insistent. Paradoxalement, « la radiothérapie est un service où l’on rit beaucoup ».
300 prostates par an en radiothérapie
La prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. A Girac, en 2023, 301 patients qui en étaient atteints ont été traités par radiothérapie au CeRAC, le Centre de Radiothérapie d’Angoulême Charente, installé le 1euh Janvier 2022, fruit d’une coopération public/privé entre le Centre Hospitalier d’Angoulême, le Centre Clinique de Soyaux et Radion, le groupement de radiothérapeutes libéraux.
Chaque jour, 120 patients sont traités au centre de radiothérapie. « Un tiers pour la prostate, un tiers pour le sein, un tiers pour le reste », explique le Dr Benhaddou.
Plus de 50 000 nouveaux cas sont détectés chaque année en France et, bien que 8 000 décès soient enregistrés par an, les chiffres de l’Institut national du cancer, de Santé publique France et de la Fondation ARC indiquent un taux de survie nette de plus de 90 % à 5 ans.
Pour sensibiliser à la lutte contre ce cancer, il est demandé aux hommes de se laisser pousser la moustache en novembre. C’est l’opération Movember, contraction de November et mo, en argot, pour moustache, organisée dans la foulée d’Octobre rose, campagne de sensibilisation à la lutte contre le cancer du sein.