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Victimes d’embuscades homophobes, elles racontent leur calvaire

Les associations LGBT+ s’inquiètent de la multiplication des guet-apens homophobes via des applications de rencontres dédiées à la communauté. Rares sont les victimes qui osent s’exprimer publiquement. Pour alerter l’opinion, plusieurs d’entre elles ont accepté de raconter leur agression à BFMTV.com.

Jusqu’alors, Philippe* avait toujours fait des rencontres fiables et sans problème sur Coco. En septembre dernier, ce trader de 49 ans est tombé dans un guet-apens homophobe organisé via cette plateforme de rencontres, fermée par les autorités depuis mardi 24 juin.

Ce jour-là, le quadragénaire s’est connecté sur le site où il a entamé plusieurs discussions. « Un de mes contacts m’a dit qu’il avait envie de me rencontrer et m’a donné rendez-vous dans un village », explique-t-il à BFMTV.com. Le point de rendez-vous est fixé « dans un endroit discret » en Saône-et-Loire, non loin de Mâcon.

Philippe se rend sur place. L’homme l’attend. Mais il n’est pas seul. « Cinq gars » surgissent d’un champ de maïs situé près du lieu de rendez-vous. « Ils avaient des battes, des bâtons et un manche à balai », se souvient le commerçant.

Une marche arrière « pour essayer de m’écraser »

Philippe est plaqué au sol et battu. «Ils me font les poches et volent mes clés de voiture.» Le quadragénaire se lève. Au volant du véhicule volé, ses agresseurs « font marche arrière pour tenter de (l’écraser).

Philippe saute dans le fossé. « Je me suis dit qu’ils allaient m’achever », murmure-t-il.

Une voiture arrive au loin. Le quadragénaire se met à crier pour alerter le conducteur. Le véhicule ne s’arrête pas. Ses agresseurs prennent la fuite.

Pieds nus, il marche environ 200 mètres jusqu’à la première maison. Défiguré, le visage ensanglanté, il est pris en charge par un résident qui appelle les secours. « J’ai vraiment cru que j’allais mourir », confie Philippe, qui s’est vu prescrire 15 jours d’arrêt total de travail. Un chiffre actuellement en cours de réévaluation.

« J’ai aussi reçu des insultes homophobes », rapporte Philippe. « On m’a traité de sale pédé, on m’a aussi traité de pédophile. » Depuis, le quadragénaire suit une thérapie. « Je vais aussi avoir deux implants dentaires dans les prochains jours », confie-t-il.

Une embuscade homophobe chaque semaine ?

Grindr, Coco, « Les pompeurs »… Les sites et applications de rencontres, notamment ceux destinés à la communauté homosexuelle, ont été particulièrement critiqués ces derniers mois après une série d’embuscades homophobes.

Mardi 28 mai, BFMTV a révélé l’arrestation, dans plusieurs quartiers d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), de neuf mineurs soupçonnés d’avoir organisé des guet-apens homophobes, via des applications de rencontres.

Le même jour, le procès de trois hommes, accusés d’avoir séquestré deux hommes dans leurs appartements respectifs, après prise de contact via un site de rencontres, s’est ouvert devant la cour d’assises de Paris. « Je suis tombée dans un autre monde où je suis tombée dans un gouffre sans fond sans savoir quand cela allait s’arrêter », a déclaré l’une des victimes, retenue chez elle pendant 60 heures. Ses bourreaux ont été condamnés à des peines de prison allant de cinq à huit ans.

Les victimes d’actes anti-LGBT dénoncent la difficulté à faire reconnaître le caractère homophobe de leur agression. – PIERRE-OSCAR BRUNET / BFMTV

Ces cas témoignent à eux seuls de l’horreur. Pourtant, le nombre de ces agressions pourrait être sous-estimé, selon certaines associations de défense des droits LGBT+. Dans une enquête réalisée en 2023, Mediapart estimait qu’une embuscade homophobe avait lieu chaque semaine en France.

« Le chiffre est sous-estimé car il correspond à des plaintes déposées avec circonstance aggravante », explique Maxime Haes, porte-parole de Stop Homophobie. « Mais il y a beaucoup de plaintes pour lesquelles cela n’est pas pris en compte. »

Certaines victimes, seules, parfois mal à l’aise avec leur orientation sexuelle, n’osent pas non plus se rendre dans un commissariat ou porter leur agression devant la justice. Aujourd’hui, selon les chiffres de diverses associations LGBT+, « on peut facilement dire qu’il y a une embuscade, peut-être, tous les jours ».

Certaines victimes s’expriment publiquement. Luc di Gallo, adjoint au maire de Montreuil (Seine-Saint-Denis), a pris la plume pour raconter sur X (ex-Twitter) la terrible agression qu’il a subie via Grindr, l’une des applications les plus utilisées de la communauté LGBT+, en juin dernier .

Sur Grindr, Luc di Gallo pensait parler avec un partenaire potentiel. C’était le vendredi 2 juin 2023. Dans l’après-midi, l’adjoint au maire s’est connecté pour la première fois à l’application. Une discussion s’engage avec un homme, mais rien de concluant. L’élu de Montreuil a relancé Grindr dans la soirée. Le contact avec votre interlocuteur est plus fluide. « Je me suis laissé aller à la conversation et j’ai accepté un rendez-vous au parc », explique-t-il à BFMTV.com.

Il est environ 23 heures. Luc di Gallo pense que les portes vont probablement être fermées. Si c’est le cas, il reviendra. « Quand j’arrive, le parc est ouvert », poursuit-il. L’Île-de-France étouffe alors sous la chaleur intense. La ville a donc décidé de ne pas fermer le site pour offrir un peu de fraîcheur à ses citoyens.

« Je ne pouvais plus respirer »

« Le lieu était rassurant. Il y avait du monde, des familles », se souvient Luc di Gallo. Le rendez-vous est fixé dans un stade où jouent des enfants. L’élu voit son rendez-vous. L’homme porte un masque chirurgical. « Il fait semblant d’être allergique au pollen », se souvient-il. Pourquoi pas, pense l’élu qui se met à le suivre. « Je lui pose la question : ‘On va chez toi ?’ »

Deux mètres plus loin, dans un espace beaucoup plus sombre, trois hommes surgissent de derrière un arbre. Le piège se referme sur Luc di Gallo.

« On m’attrape par le cou et on m’étrangle, explique l’élu. On me frappe au visage. » Les insultes homophobes pleuvent : « Sale pédé ou même pédophile. »

Il a essayé de crier pour avertir les gens dans le parc. L’un des agresseurs l’a alors plaqué au sol et lui a appuyé sur le dos. « Je n’arrivais plus à respirer », confie l’élu. « Ils ont fouillé mes affaires puis m’ont demandé mon code », poursuit Luc di Gallo. « J’ai recommencé à crier. Ils se sont sentis menacés et n’ont pas donné suite. » L’attaque a duré environ deux minutes. « C’était très violent. Il y avait ce sentiment de ne pas savoir ce qui allait se passer. »

L’élu a fait part de la violente agression homophobe dont il a été victime au début du mois. – Capture d’écran

Les agresseurs disparaissent dans les airs avec ses cartes bancaires et son téléphone. À ce jour, ils n’ont pas été arrêtés. « Psychologiquement, c’était dur, poursuit Luc di Gallo. « Je n’étais pas au mauvais endroit au mauvais moment. J’étais la cible de personnes qui organisaient une attaque. »

« Ces sites sont une sorte de jungle »

De retour chez lui, après avoir porté plainte, Luc di Gallo se reconnecte à Grindr : le profil de son agresseur a disparu.

« Ces sites de rencontres sont une sorte de jungle. Si j’avais su que ce genre d’attaque existait, j’aurais été plus prudent », pense Luc di Gallo. L’homme avec qui il a changé n’avait pas de photo de profil sur Grindr. « Je n’en ai pas non plus en raison de mon statut d’élu », constate-t-il. « Nous avions échangé des photos. » Leur conversation n’avait pas non plus éveillé de soupçons.

Aujourd’hui, l’élu n’a pas renoncé aux meetings. « Maintenant, je prends le numéro de téléphone », explique-t-il. « Quand on va dans la jungle, on prend quelques précautions. »

Cette « jungle » numérique regorge de sites et d’applications LGBT+ qui reviennent très souvent dans les cas d’embuscades homophobes. Le phénomène n’est pas nouveau, mais « aujourd’hui, il est de plus en plus violent », insiste Terrence Khatchadourian, secrétaire général de Stop Homophobie. « On assiste à de plus en plus de viols, d’extorsions et de quasi-tentatives de meurtres. »

« L’embuscade est facile à mettre en place sur place Noix de coco qui est très largement mal utilisée et non sécurisée », analysait Jérôme Masegosa, président de l’association LGBT+ Triangle Rose, basée à Saint-Étienne, dans une récente interview. Il décrit un cercle vicieux avec cette plateforme, du fait de l’anonymat garanti à ses utilisateurs. « Il est plus facile d’accès pour les victimes mal à l’aise avec leur orientation sexuelle et leurs agresseurs. »

Contactées par BFMTV.com, les plateformes évoquées dans cet article n’ont pas répondu à nos sollicitations. Les associations se mobilisent pour obtenir une réglementation plus stricte, voire leur fermeture. Coco est « un gros, gros problème pour la sécurité, notamment pour les mineurs », déclarait il y a quelques semaines Jérôme Masegosa.

Le mardi 25 juin, le parquet de Paris a finalement annoncé la fermeture de Coco enregistrée sur l’île anglo-normande de Guernesey et détenue par une société bulgare. « Les dirigeants de cette plateforme mafieuse ont été arrêtés », s’est réjoui le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur X (ex-Twitter).

Alors que Sos homophobie salue une décision « que nous réclamions depuis 2023 », l’association appelle à la vigilance : « Les pouvoirs publics doivent lutter contre le développement de sites similaires. Une possible résurgence de la plateforme est déjà à craindre.

Cammile Bussière

One of the most important things for me as a press writer is the technical news that changes our world day by day, so I write in this area of technology across many sites and I am.
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