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Vestiges de la Seconde Guerre mondiale, des fresques de soldats allemands se cachent dans les entrailles de la citadelle de Blaye

Des tableaux de soldats allemands de la Seconde Guerre mondiale sont cachés dans les entrailles de la Citadelle de Blaye

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EN IMAGES, EN IMAGES – Un souterrain de la citadelle de Blaye, inaccessible au public pour des raisons de sécurité, abrite des peintures réalisées par deux officiers allemands pendant l’Occupation en 1941.

Le Figaro Bordeaux

Construite en étoile selon les plans du marquis Sébastien Le Prestre de Vauban sous le règne de Louis XIV, la citadelle de Blaye s’étend sur 38 hectares agrémentés de souterrains. Conçus pour permettre aux soldats de se déplacer entre les trois lignes de défense de la place forte, ses dédales sont en partie ouverts aux 430 000 visiteurs qui découvrent chaque année depuis 2008 ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Mais le « métro allemand » leur reste fermé pour des raisons de sécurité car il a été réaménagé dans une ancienne carrière de pierre qui risque de s’effondrer. Là, au plus profond des entrailles de la citadelle, se cachent des peintures murales peintes par deux officiers allemands pendant l’Occupation. Débarqué le 26 juin 1940 sur ce territoire administré par Vichy, l’ennemi de l’époque s’installe sans combat dans l’ancien bastion royal, construit entre 1686 et 1689, pour barrer l’estuaire et surveiller les Bordelais insoumis. « Les souterrains courbes étaient un avantage pour les soldats de la citadelle car ils permettaient de bloquer la vue du tir pour qu’ils puissent être vus au dernier moment. Au moment de leur construction, l’ennemi n’aurait pas dû pouvoir en prendre possession.explique Morgane Pigeon, guide conférencière à l’office de tourisme de Blaye.

Mais en 1940, ceci « prix de guerre » n’est plus aussi stratégique militairement que celle du Fort Royan (l’ancienne forteresse ne pouvait pas résister aux bombardements). Les militaires allemands qui s’y installent se contentent donc de l’occuper et de cohabiter avec les gendarmes français déjà présents sur place. Pour faciliter cette collaboration, l’ordre et le sérieux des soldats de la Wehrmacht priment en apparence. « Dans le foyer de la citadelle, rue Saint Simon, on ne s’enivrait pas indécemment. Il fallait conserver une image calme et posée. Alors pour vraiment faire la fête, ils sont entrés dans la clandestinité. continue le guide. Le « underground allemand » s’est alors transformé en un bar clandestin dont les vestiges restent un mystère ouvert à l’interprétation. A son entrée, l’inscription « Prosit Neujahr 1940/1941 » (« Bonne année 1940/1941 », en français) indique que les célébrations du Nouvel An s’y déroulaient (voir nos photos dans le diaporama).

Fais de beaux rêves de permission

Sur les murs qui encadrent ces écrits, les soldats – qui ont signé de leurs noms Pschibert et Brämling – ont dessiné le triptyque de leurs rêves. Un train apparaît sur le premier panneau. Ci-dessus, les deux soldats ont pris soin d’écrire sa destination : Bad Mergentheim, ville allemande située sur une route qui deviendra après la guerre la « Rue romantique » (itinéraire romantique, en français), et l’heure de son départ : 12 heures et 60 minutes, soit 13 heures. Grossièrement esquissées ci-dessous, les courbes de femmes nues évoquent l’éternel désir du soldat.

Sur la deuxième face de ce tableau, la métaphore se poursuit sans équivoque. Assez savamment esquissées, cinq Françaises exécutent un French cancan. Ci-dessous, l’artiste – peut-être ivre – a également écrit en allemand : « Levez la jambe! ». Plus élégante, la troisième et dernière partie de ce triptyque représente simplement Bad Mergentheim, qui appartiendra à la zone d’occupation américaine en Allemagne après la Libération.

Étiquettes et croix nazies

Exploré jusqu’à sa fermeture il y a quelques décennies, ce passage souterrain particulier a été visité et dégradé. Sur certains murs, des croix nazies qui n’ont rien à voir avec l’époque ont été gravées. Sur d’autres, il y a des étoiles jaunes, « résidus de rites pseudo-sataniques », selon la guide touristique Morgane Pigeon, parue. Quant aux peintures, elles ne furent pas épargnées : des représentations grossières furent ajoutées à la bombe verte. Dégradation qui remonte à une trentaine d’années, lorsque les souterrains étaient encore le « terrain de jeu » de la jeunesse blayenaise, bien avant que leur accès ne soit sécurisé par des portails et que des chèvres paissaient dans ses espaces verts. Leur restauration n’est cependant pas prévue pour l’instant, nous indique la commune de Blaye. En raison des dépenses excessives qu’entraînerait sa sécurité, ce « métro allemand » restera fermé au public jusqu’à nouvel ordre.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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