vers une restructuration majeure du paysage politique européen
DÉCRYPTION – Les partis nationalistes gagnent des sièges dans un certain nombre de pays tandis que les Verts sont en difficulté dans les grands États membres de l’UE, dont l’Allemagne.
Correspondant à Bruxelles
Gros bouleversement en vue en Europe. Le nouveau Parlement européen, tel qu’il a pris forme dans la nuit de dimanche à lundi, reflète la nouvelle progression des partis nationalistes, ancrant l’hémicycle à droite. En Autriche, c’est le FPO qui arrive en tête pour la première fois. En tête également, le RN en France et Fratelli d’Italia en Italie. En Allemagne, l’AfD, bien que secouée par plusieurs scandales, s’en sort finalement bien. Avec 14,5% des suffrages, le parti d’extrême droite se hisse à la deuxième place derrière la CDU-CSU (30,7%). %), mais au coude à coude avec le SPD du chancelier Olaf Scholz qui est en chute libre. Quant aux Verts allemands, ils reculent de 8 points, à 12,5%. A elles seules, l’Allemagne, la France et l’Italie – les trois pays les plus peuplés de l’UE – devraient envoyer pas moins de 67 élus étiquetés à droite de la droite.
Aux Pays-Bas, le PVV de Geert Wilders a finalement été dépassé de peu par l’alliance travailliste-Verts, mais a remporté 7 sièges, contre aucun il y a cinq ans. Ces élections se sont néanmoins révélées bien plus compliquées pour certains dirigeants nationalistes. En Hongrie, le Fidesz de Viktor Orban perd du terrain face à un nouveau venu, le mouvement Tisza, qui a obtenu 31 % des suffrages. Le PiS polonais, au pouvoir depuis 8 ans avant d’être contraint de céder les rênes, devance largement la plateforme civique du Premier ministre Donald Tusk.
Lire aussiEuropéennes : les Belges, notamment en Flandre, votent pour la droite radicale
Tout au long de la soirée de dimanche, les partis comptaient fébrilement le nombre de sièges auxquels ils pouvaient prétendre. Grimaces et déception dans les rangs de certains groupes, notamment chez les écologistes. « Nous sommes à ras de pâquerettes en France, nous ne sommes pas en Italie… », a énuméré un député des Verts, soulignant ainsi la faiblesse du vote écologiste dans les grands pays de l’UE qui envoient le plus grand nombre d’électeurs à Strasbourg. Ces contre-performances – le groupe passerait de 71 à 53 voix – pèseront sur le « green deal » et la décarbonation de l’UE. Forts de ce constat, les Verts, qui avaient tourné le dos à la coalition majoritaire, souhaitent cette fois-ci en faire partie.
À l’inverse, les autres partis étaient satisfaits. A droite notamment, le PPE qui, avec 191 sièges dans un hémicycle qui en compte 720, non seulement conserve sa première place mais gagne quinze sièges. Les sociaux-démocrates restent en deuxième position, avec 135 sièges contre 139 auparavant. La troisième place occupée par le groupe Renew, où siègent les macronistes, semble plus incertaine face aux Conservateurs et réformistes européens (CRE) qui comptent nouer des alliances parmi les non-inscrits pour grossir ses rangs. Pour l’heure, les Libéraux passent de 102 à 83 sièges quand la CRE monte à 71.
Quoi qu’il en soit, le PPE, le S&D et les Libéraux conservent ensemble la majorité. Dès dimanche soir, le leader du PPE a tendu la main aux deux partis alliés, appelant Scholz et Macron à soutenir Ursula von der Leyen, candidate du PPE à un second mandat à la tête de la Commission. Pour cela, la coalition PPE-S&D-Renew est «une majorité raisonnable pour l’avenir de l’Europe« .
Faiseur de rois ?
Si les résultats sont plus ou moins connus, le rapport de force final n’est pas encore complètement stabilisé. Cela prendra plusieurs jours, voire plusieurs semaines de négociations. A partir de ce lundi, en marge de celles liées à la dissolution de l’Assemblée nationale en France, les grandes manœuvres vont commencer au Parlement européen, où chaque groupe tentera de grossir ses rangs pour avoir plus d’influence dans les négociations à venir et sur le positionne les touches. « C’est de l’épicerie, mais 2 plus 1 plus 1 font 4 »souligne un membre de Renew.
Le Parti démocrate civique, présidé par le Premier ministre tchèque Petr Fiala, ou la N-VA quitteront-ils la CRE pour rejoindre le PPE ? Le Fidesz de Viktor Orban, qui siège actuellement dans le groupe des non-inscrits, rejoindra-t-il la CRE ? Cela mettrait les conservateurs et les réformistes européens au coude à coude avec Renew. La bataille pour la troisième place sera très rude entre ces deux équipes.
Nous sommes le parti le plus fort, nous sommes le point d’ancrage de la stabilité. Avec d’autres, nous construirons un bastion contre les extrêmes de gauche et de droite.
Ursula von der Leyen
Autre inconnue : faut-il s’attendre à un rapprochement entre la CRE et l’ID, que réclament le premier Hongrois et Marine Le Pen ? Même si beaucoup en doutent en raison de divergences insurmontables, une fusion de ces deux partis leur permettrait de prendre un poids sans précédent, les hissant à la deuxième place dans l’hémicycle strasbourgeois. La balle est dans le camp de la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, convoitée autant par ses « amis » de l’extrême droite européenne que par la présidente sortante de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a affirmé à la fin du mois de mai pour avoir travaillé avec le dirigeant italien. Sans parler des Vingt-Sept qui ont œuvré pour ne jamais la marginaliser. De là à la présenter comme une faiseuse de rois, il y a un pas. » Meloni n’a pas de majorité au sein de la CRE », soulignait avant les élections un membre de Droit et Justice, le parti nationaliste polonais également membre de ce groupe. Les Vingt-Sept vont, de leur côté, intensifier les discussions sur la feuille de route de l’UE jusqu’en 2029 et les nominations aux trois « postes clés » que sont la présidence de la Commission, la présidence du Conseil européen et le poste de haut représentant. Un dîner est prévu le 17 juin à Bruxelles suivi d’un sommet la semaine suivante. « VDL », Le candidat du PPE à un second mandat à la tête de la Commission se montre confiant. « Nous sommes le parti le plus fort, nous sommes le point d’ancrage de la stabilité… Avec d’autres, nous construirons un bastion contre les extrêmes de gauche et de droite. Nous les arrêterons ! « .