Vents porteurs et doutes au salon de la défense d’Eurosatory
Premiers contrats signés et interrogations sur la future politique de défense française en cas de changement : Eurosatory, le plus grand salon international de défense et de sécurité terrestre, a ouvert ses portes lundi au nord de Paris.
Dans les allées du parc des expositions de Villepinte, parmi les blindés exposés, les équipements mis en lumière par le conflit en Ukraine figurent en bonne place, qu’il s’agisse d’obus et de missiles en tout genre, de drones ou de systèmes anti-aériens.
De nombreux pays, notamment européens, ont pris conscience avec l’invasion russe de leur voisin qu’ils étaient loin de disposer de capacités et de stocks suffisants pour dissuader et faire face si nécessaire.
Le salon bénéficie donc d’une fréquentation record, avec plus de 2 000 exposants et 270 délégations officielles malgré l’absence d’entreprises israéliennes, ce que le gouvernement français a jugé indésirable dans le contexte des opérations israéliennes meurtrières à Gaza.
Un groupe d’ONG a obtenu vendredi du tribunal judiciaire de Bobigny l’interdiction d’Eurosatory de tout représentant ou intermédiaire israélien, outre les exposants, une décision dont l’organisateur Coges Events, soutenu par l’Etat, a fait appel.
Eurosatoire, « c’est une plateforme de sensibilisation, de relations avec l’écosystème de défense et de contacts commerciaux »résume Emmanuel Levacher, président du constructeur de véhicules blindés Arquus.
Comme de nombreux exposants, l’industriel français en a profité pour annoncer un contrat de modernisation de 54 véhicules blindés VAB avec le Qatar et présenter un nouveau véhicule blindé, le Mav’rx. Ce transport de troupes à protection renforcée a été développé en tirant les leçons du conflit ukrainien, en neuf mois pour répondre aux besoins de « l’économie de guerre ».
Ce concept, évoqué par le président français Emmanuel Macron lors du précédent Eurosatory il y a deux ans, vise à pousser les industriels à produire de plus en plus vite pour répondre à des besoins soudains.
« Les efforts déployés par nos fabricants sont très importants et produisent des résultats qui sont au rendez-vous »a accueilli le Ministre des Armées Sébastien Lecornu lors de l’inauguration du spectacle.
César et Mistral
Selon lui, « en deux ans, collectivement en France nous avons pu perfectionner notre modèle de fiabilité »a-t-il déclaré devant un parterre de représentants militaires étrangers, alors que la pérennité du modèle de défense français repose sur les exportations.
Le ministre a notamment levé le voile sur les contrats qui seront signés dans la semaine : un achat conjoint de canons César avec l’Estonie et la Croatie, un autre achat conjoint de 1 500 missiles de défense antiaérienne Mistral à courte portée avec l’Estonie, la Belgique, Chypre et la Hongrie, et une commande de radars Thales GM200 par un pays européen.
Le groupe français a annoncé lundi matin en avoir vendu deux au Brésil et qu’il allait quadrupler sa production d’obus de mortier de 120 mm suite à une commande française de plusieurs dizaines de milliers d’obus.
Cet équipement est emblématique de la montée en puissance initiée par les constructeurs depuis deux ans : la production du GM200 est passée de 12 à 24 et bientôt 30 par an, celle du César a été multipliée par trois depuis 2022, celle du Mistral doit augmenter de 10 à 40 par mois d’ici l’année prochaine et les délais de production doivent être réduits de moitié.
La perspective d’un éventuel changement de majorité politique en France laisse cependant planer le doute dans les allées de l’émission sur la suite de la politique entreprise.
« Peut-être que l’économie de guerre a également été dissoute, malheureusement la guerre ne disparaît pas et la concurrence ne disparaît pas non plus. »estime Emmanuel Levacher.
En fonction de la majorité qui l’emportera, les industriels s’interrogent sur l’avenir des programmes de coopération, notamment avec l’Allemagne, sur la politique d’exportation d’armes que poursuivra le futur gouvernement ou encore sur la mise en œuvre de la loi de programmation militaire qui prévoit de consacrer 413 milliards d’euros à la défense. d’ici 2030.
L’un d’eux se prétend philosophe : « Je crois beaucoup au principe de réalité ».