Le Parlement vénézuélien examine mardi un projet de « loi antifasciste » que les défenseurs des droits humains considèrent comme liberticide, au moment où l’opposition, qui revendique la victoire à l’élection présidentielle du 28 juillet, exhorte le président Nicolas Maduro à « se retirer ».
« M. Nicolas Maduro, respectez ce qu’ont décidé tous les Vénézuéliens (…) Vous et votre gouvernement devez vous retirer (…) Je suis prêt au dialogue », a déclaré sur les réseaux sociaux Edmundo Gonzalez Urrutia, un diplomate discret qui a remplacé la leader de l’opposition Maria Corina Machado, déclarée inéligible, comme candidate à la présidentielle.
« Chaque jour où vous faites obstacle à la transition démocratique, les Vénézuéliens souffrent d’un pays en crise et sans liberté. S’accrocher au pouvoir ne fait qu’aggraver la souffrance de notre peuple. Notre heure est arrivée », a déclaré Gonzalez Urrutia, qui n’a pas été vu en public depuis le début du mois.
Mme Machado, qui a participé samedi à une manifestation de l’opposition, et M. Gonzalez Urrutia vivent cachés alors que le parquet a ouvert une enquête pénale contre eux, notamment pour « incitation à la désobéissance à la loi, incitation à l’insurrection, association de malfaiteurs ».
Le procureur général Tarek William Saab a menacé de les inculper lundi.
L’annonce de la réélection de Maduro pour un troisième mandat a déclenché des manifestations spontanées, brutalement réprimées. Selon des sources officielles, 25 personnes ont été tuées, 192 blessées et 2 400 arrêtées.
– « Force de Dieu » –
Le Conseil national électoral (CNE) a entériné début août la victoire de M. Maduro avec 52% des voix, sans fournir le décompte exact ni les procès-verbaux des bureaux de vote. Il affirme en avoir été empêché par un acte de piratage informatique, dont la réalité est mise en doute par l’opposition et de nombreux observateurs.
Selon l’opposition, qui a rendu publics les documents électoraux obtenus par l’intermédiaire de ses agents électoraux, M. González Urrutia a obtenu plus de 60% des voix.
M. Maduro, pour sa part, continue de répéter qu’il est confronté à une tentative de « coup d’État ».
« Ils ne pourront jamais nous vaincre, car nous portons en nous la force de l’histoire, la force de la patrie, la force de Dieu. Nous avons gagné », a-t-il déclaré dimanche à ses partisans.
Le Parlement monocaméral, où le gouvernement compte 256 des 277 députés (l’opposition ayant boycotté les législatives de 2020) examine mardi un projet de loi « contre le fascisme », deuxième texte d’une série que prépare le gouvernement au lendemain de la réélection contestée de Maduro.
Officiellement, il s’agit de mieux « défendre le peuple », mais de nombreux observateurs y voient des mesures liberticides destinées à réprimer.
La semaine dernière, l’Assemblée nationale a adopté une loi sur les ONG, qui a également été fortement critiquée par les défenseurs des droits humains.
– « Phase offensive » –
La « loi contre le fascisme, le néofascisme et les expressions similaires » reprend « le meilleur des lois européennes relatives au phénomène du nazisme et du fascisme et nous l’adaptons au Venezuela », assure le président Maduro.
« Nous ne permettrons pas au fascisme de prendre le pouvoir au Venezuela », a-t-il promis lundi, proclamant : « Nous sommes dans une phase d’offensive et d’expansion de nos forces ».
Le gouvernement a également promis une loi sur les réseaux sociaux dans les jours suivants, tandis que le réseau X a été suspendu pendant dix jours et le président a lancé un boycott du service de messagerie WhatsApp, tous deux accusés d’inciter à la haine.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a appelé la semaine dernière les autorités à ne pas « adopter ces lois ni aucune autre loi qui porte atteinte à l’espace civique et démocratique ».
« Dans un climat de peur, il est impossible de mettre en œuvre les principes démocratiques et de protéger les droits de l’homme », a ajouté sa porte-parole, Ravina Shamdasani.
publié le 20 août à 07:27, AFP