Dans la famille des fusées européennes, je voudrais la deuxième fille. Alors qu’Ariane 6 a focalisé tous les regards lors de son vol inaugural réussi le 9 juillet dernier, Vega-C, sa petite sœur, se prépare elle aussi à une étape importante : son retour en vol fin novembre après l’échec de sa première mission commerciale en décembre 2022. Un vol crucial pour l’autre fusée européenne, conçue et développée pour être complémentaire d’Ariane 6.
D’une hauteur de 35 mètres, Vega-C remplace Vega, le lanceur léger dont elle est issue, qui doit voler pour la dernière fois le 4 septembre après douze ans de bons et loyaux services. Cette fusée de dernière génération accomplira des missions différentes de sa cousine : « Là où Ariane 6 est plus adaptée aux charges utiles de grande taille ou destinées à une orbite de transfert géostationnaire ou à une orbite moyenne, Vega-C est plus adaptée et plus flexible aux missions en orbite basse », explique Stefano Bianchi, responsable des programmes de vol à l’Agence spatiale européenne. Parmi eux figurent les satellites d’observation de la Terre, « qui représentent 80 à 90 % du marché de Vega-C ».
Un moteur commun
Le lanceur léger est également spécialement conçu pour le déploiement de plusieurs satellites. Les autres lancements représentent des « missions technologiques et scientifiques », poursuit Stefano Bianchi, parmi lesquelles les futurs Cavalier de l’espacela mini-navette spatiale européenne sans pilote, conçue pour rester dans l’espace pendant deux mois afin de mener des expériences et de les ramener sur Terre. Le véhicule utilisera le dernier étage de Vega-C, appelé Avum, pour effectuer des manœuvres en orbite et revenir sur notre planète.
La complémentarité des deux fusées européennes repose aussi, au-delà de leurs missions, sur un élément qu’elles ont en commun : le moteur P120C, qui équipe le premier étage de Vega-C et les boosters latéraux d’Ariane 6 pour leur donner « leur impulsion principale ». « Nous l’avons fait pour éviter de dépenser trop d’argent, avec l’idée que plus on produit, moins cela coûte », explique Stefano Bianchi.
Cette mutualisation permet aussi de « s’appuyer sur une union industrielle franco-italienne qui fonctionne bien depuis Ariane 5, poursuit le responsable des programmes de vol européens, et sur les usines qui existaient déjà à Kourou ». Une technique qui assure une certaine fiabilité du moteur, cruciale dans l’espace : « Jusqu’à présent, il n’y a jamais eu de panne des moteurs produits par cette coopération franco-italienne, que ce soit sur Ariane 5, Vega ou Ariane 6, donc je touche du bois trois fois. »
Un échec à surmonter
Cette fiabilité est d’autant plus importante que Vega-C a connu une panne lors de son premier vol commercial qui l’a cloué au sol pendant près de deux ans : le 20 décembre 2022, six mois après le succès de son vol inaugural, un problème sur le deuxième étage de la fusée lié à une pièce défectueuse fabriquée en Ukraine a conduit à la destruction du lanceur et de ses deux charges utiles, les satellites d’observation de la Terre Pléiades.
L’ESA a travaillé pour résoudre le problème, qui semble désormais résolu : « Nous avons changé l’équipement, nous sommes revenus à un équipement français d’ArianeGroup », explique Stefano Bianchi. « Nous avons fait un premier test, qui a été un échec, car le design de la tuyère n’était pas compatible avec le nouvel équipement, nous avons donc complètement changé le design et nous avons fait de nouveaux tests cette année, avec succès. Nous prévoyons un deuxième test début octobre pour confirmer le bon comportement du moteur du deuxième étage », juste avant le retour en vol prévu fin novembre.
Cet incident a mis l’Europe en difficulté : « l’échec de Vega-C, avec seulement deux Vega (auquel Vega-C devait succéder) disponibles, nous a privés de tout ce qui était des charges utiles institutionnelles en orbite basse », déplore le responsable des programmes de vol de l’ESA. D’autant que cette dernière a rencontré d’autres problèmes entre 2022 et 2023, notamment « la crise ukrainienne, qui nous a coûté le (lanceur russe) Soyouz, qui servait à des missions institutionnelles, et le retard d’Ariane 6, qui a conduit à une crise » et laissé l’Europe sans accès à l’espace pendant un an après l’arrêt d’Ariane 5.
Préparer la prochaine génération
Ces échecs ont servi de leçon à l’Agence spatiale européenne, selon Stefano Bianchi, qui prépare déjà la transition avec Vega-E, le successeur de Vega-C : « Nous serons un peu plus prudents dans les phases de transition entre une version du lanceur et une autre, elles seront plus longues. Il y aura plusieurs bons vols avant de passer à une version unique. Nous ne répéterons pas les erreurs du passé. »
Vega-E, dont le premier vol est prévu fin 2027 ou début 2028, est une évolution de Vega-C, mais avec un étage en moins, ce qui permet de réduire la complexité du système de lancement et les coûts associés, mais, surtout, « d’avoir une alternative européenne pour Avum (le dernier étage de Vega-C), dont le moteur est actuellement ukrainien », note le responsable de l’ESA. La famille des lanceurs européens n’a pas fini de s’agrandir.