Divertissement

Vasarely, Dubuffet, Miró… Une vente aux enchères d’œuvres d’art du groupe Renault provoque la colère des artistes et ayants droit qui dénoncent une « trahison »

Il s’agit d’une trentaine d’œuvres de grands artistes du XXe siècle qui étaient initialement destinées au personnel de l’entreprise et au grand public et qui pourraient être vendues à des collectionneurs privés.

France Télévisions – Culture Edito

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La vente doit avoir lieu chez Christie's à Paris, ce jeudi 6 juin 2024. (SAMI KARAALI / AFP)

Une vente aux enchères d’œuvres d’art majeures du XXe siècle de la collection du groupe automobile Renault, prévue jeudi 6 juin à Paris, suscite un tollé parmi les artistes et ayants droit, soutenus par les politiques, qui interpellent le ministre de la Culture. pour l’empêcher.

Christie’s met aux enchères le soir 33 œuvres d’artistes tels que Victor Vasarely, Jean Dubuffet, Robert Rauschenberg, Sam Francis, Niki de Saint-Phalle, Jean Tinguely, Jean Fautrier, Tapiès, Pierre Alechinsky, Miro, Calder, Jesús Rafael Soto et Julio Le Parc, ainsi que des dessins d’Henri Michaux. L’estimation globale se situe entre « 4,5 millions et 6,5 millions d’euros », précise Paul Nyzam, responsable du département art d’après-guerre et contemporain chez Christie’s, responsable de cette vente.

« C’est une trahison de l’esprit de cette collection (fort de 550 pièces), s’adressant clairement aux salariés de l’entreprise et au grand public à travers des expositions, et aux artistes qui n’ont accepté de collaborer avec Renault que parce qu’il ne s’agissait pas de la disperser ou de la revendre. » dénonce Delphine Renard, fille de Claude-Louis Renard. Fondateur du « Service Recherche, art et industrie de la Régie Renault », il est à l’origine de cette toute première collecte de mécénat industriel en France dans les années 1960.

« À l’époque, les contrats avec les artistes stipulaient que leurs œuvres ne devaient faire l’objet d’aucune publicité ou opération commerciale. » souligne Delphine Renard qui « fait appel à la ministre de la Culture, Rachida Dati, pour empêcher la vente ».

Elle est soutenue par l’ancien ministre de la Culture Jack Lang, auteur d’une lettre à Rachida Dati dans laquelle il dénonce le non-respect d’une « clause d’inaliénabilité dans les contrats liant les artistes et l’institution. Seule une intervention personnelle de votre part pourrait mettre un terme à ce démantèlement inacceptable. » il a écrit dans sa lettre.

"Cassé" de Jean Fautrier, une des œuvres de la collection Renault mise en vente chez Christie's.  (SAMI KARAALI/AFP)

« Cette vente et la privatisation-dispersion des œuvres qui en résulte contreviennent aux principes fondamentaux à l’origine de cette collection » Et « va priver le public français de ce patrimoine exceptionnel », déplore aussi le député communiste Fabien Roussel dans une autre lettre au ministre.

Dans une chronique récente publiée dans le journal Le mondeune quinzaine d’artistes et représentants de plusieurs domaines, dont ceux de Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely, se disent opposés « catégoriquement » au « dispersion d’une partie significative de cette collection », croyant que « Renault trahirait complètement son engagement envers les artistes s’il réalisait cette vente. »

Interrogé, le groupe automobile a répondu que « seul un fragment sera mis en vente, soit 10% de la collection qui comprend 350 œuvres, dont une série d’études de Vasarely consacrées au célèbre diamant de la marque, ainsi qu’un fonds photographique de 200 pièces, conservé dans un entrepôt et qui n’ont pas été vues du grand public depuis une trentaine d’années.

Il annonce « la création d’un fonds de dotation dédié à l’art qui servira à conserver et exposer des œuvres existantes ainsi qu’un investissement dédié au street art pour reprendre l’état d’esprit de création contemporaine qui a présidé à l’origine de la collection.

Cette vente « pourrait rapporter à Renault entre 4 et 6 millions d’euros, une somme du même ordre que la rémunération annuelle de son directeur général. Faut-il y voir le symbole d’une privatisation du patrimoine collectif ? » » demande également le syndicat SUD dans une lettre ouverte à la direction publiée lundi. La CGT, de son côté, exprime, dans un communiqué mardi 4 juin, son « consternation » devant « un non-sens, tant en termes de liens culturels dans le monde du travail qu’en termes de confiance entre les artistes et le mécénat de l’industrie ».

Toutefois, aucun des opposants à la vente n’a à ce stade intenté une action en justice pour l’empêcher, selon Christie’s et Renault.

Inspirée par des fondations américaines dès 1967, l’entreprise automobile s’engage dans le mécénat artistique en s’appuyant sur les relations privilégiées que Claude-Louis Renard, passionné d’art et proche d’André Malraux, entretenait avec les artistes.

Pionnier, Renault a inventé un modèle de mécénat privilégiant le dialogue direct avec eux, allant du soutien financier à l’accès privilégié aux ateliers de l’entreprise, ce qui a donné lieu à des collaborations inédites, César ou Arman compressant des pièces automobiles fournies par la Régie et Robert Doisneau photographiant régulièrement les ouvriers.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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