Introduction
La gravité des phénomènes météorologiques extrêmes a considérablement augmenté au fil du temps. Une étude des Nations Unies a montré qu’entre 2000 et 2019, le monde a connu 7 348 catastrophes majeures causées par des catastrophes naturelles, entraînant 1,23 million de décès, contre 1,19 million de décès enregistrés entre 1980 et 1999. En outre, les pertes économiques causées par ces événements ont atteint 2 970 milliards de dollars au cours de la même période, soit deux fois plus qu’il y a deux décennies.
Les inondations, qui figurent parmi les principaux risques liés au climat, ont de graves répercussions sur les moyens de subsistance des populations et entravent les perspectives économiques, réduisant souvent à néant des années de progrès dans la réduction de la pauvreté. Le risque d’inondations plus graves pourrait encore augmenter et toucher des millions de personnes. Un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat prévoit que le niveau de la mer pourrait augmenter de 1,1 mètre d’ici 2100.
L’Asie et le Pacifique sont particulièrement vulnérables. En 2023, la région est arrivée en tête de la liste des régions les plus touchées par les catastrophes météorologiques, climatiques et liées à l’eau, les inondations et les tempêtes ayant causé le plus grand nombre de décès et de dégâts économiques.
Le thème « Données pour l’action climatique » des indicateurs clés pour l’Asie et le Pacifique 2024, publication statistique phare de la Banque asiatique de développement (BAD), souligne l’importance d’utiliser des données géographiquement granulaires (données ventilées par zone ou unité géographique) pour déterminer les points d’intersection entre la pauvreté et la forte vulnérabilité climatique, notamment les risques d’inondation. Ces données sont essentielles pour permettre aux décideurs politiques de formuler des mesures visant à protéger les populations les plus vulnérables de l’Asie et du Pacifique des effets du changement climatique.
Visualiser la pauvreté et les risques d’inondation
L’analyse des données sur la pauvreté et le risque d’inondation aide les décideurs politiques à élaborer des stratégies ciblées et à allouer des ressources pour réduire la vulnérabilité des pauvres aux graves inondations.
Par exemple, le graphique ci-dessous illustre le niveau de risque d’inondation fluviale ou côtière auquel sont confrontées les communautés pauvres des Philippines et de Thaïlande, deux pays dont les populations sont confrontées à une menace croissante liée à des événements météorologiques plus extrêmes provoqués par le changement climatique.
Le rapport montre qu’environ 12,7 millions de Philippins vivant sous le seuil national de pauvreté résident dans des régions à risque moyen à élevé d’inondations fluviales et côtières. En revanche, la Thaïlande compte une plus petite population de pauvres (environ 400 000) dans ces zones à haut risque, seules les régions du nord et du nord-est connaissant des risques d’inondation plus faibles.
Figure 1 : Intersection entre la pauvreté et le risque d’inondation aux Philippines et en Thaïlande
Parallèlement, les cartes ci-dessous intègrent des données sur la pauvreté obtenues par satellite avec des données géographiquement granulaires sur le risque d’inondation fluviale ou côtière aux Philippines et en Thaïlande, révélant :
- Aux Philippines, 59,6 % des terres analysées étaient confrontées à la fois à des niveaux élevés de pauvreté et à un risque moyen à élevé d’inondations fluviales, et 51 % étaient confrontées à la fois à la pauvreté et à un risque moyen à élevé d’inondations côtières. Les régions où le chevauchement était le plus élevé étaient Visayas et Mindanao.
- En Thaïlande, 33 % de la superficie analysée présentait des taux de pauvreté élevés et un risque moyen à élevé d’inondations fluviales, principalement dans les régions du Nord et de l’Ouest. Seulement 3,7 % de la superficie présentait une intersection entre la pauvreté et un risque moyen à élevé d’inondations côtières.
Figure 2 : Intersection entre la pauvreté et le risque d’inondation aux Philippines et en Thaïlande
Combler les lacunes statistiques
L’analyse des données géographiquement détaillées est essentielle pour identifier les zones vulnérables et optimiser la répartition des ressources. Des données détaillées permettent de créer des politiques adaptées pour améliorer les infrastructures et allouer une aide financière dans les zones à haut risque d’inondation. Elles favorisent également la participation communautaire en encourageant l’implication locale dans la formulation de mesures de protection contre les inondations.
Les données granulaires facilitent également la planification à long terme en évaluant l’efficacité des programmes existants et en orientant les projets de développement pour atténuer les risques d’inondation futurs. En offrant une meilleure compréhension de la vulnérabilité au changement climatique, les données géographiques détaillées améliorent l’optimisation des ressources, un défi courant dans de nombreux pays en développement.
Il existe cependant des lacunes statistiques sur les systèmes d’information sur la vulnérabilité climatique, ce qui crée des angles morts pour les décideurs politiques.
L’enquête de la BAD auprès de 29 bureaux nationaux de statistiques a révélé des inquiétudes majeures concernant la granularité géographique des données pour divers aspects fondamentaux de la vulnérabilité au changement climatique. La granularité des données pour les bâtiments et infrastructures vulnérables au changement climatique et d’autres sujets de vulnérabilité a été jugée au mieux « passable ». Seul le sujet de la population vulnérable a reçu une note de granularité supérieure à passable.
Figure 3 : Évaluation de la granularité géographique des données pour des sujets de « vulnérabilité » spécifiés
Un autre défi est le concept complexe et en constante évolution de « vulnérabilité » au changement climatique. Si divers cadres et interprétations peuvent être appliqués, allant de la simple prise en compte de l’exposition aux risques à l’intégration d’éléments de sensibilité à l’exposition aux risques et à la capacité d’adaptation, le défi consiste à appréhender la multitude de facteurs environnementaux, économiques, sociaux et politiques qui peuvent influer sur la vulnérabilité au changement climatique.
L’Ensemble mondial de statistiques et d’indicateurs sur le changement climatique, qui fournit un cadre statistique commun pour rationaliser les rapports internationaux, reflète les difficultés rencontrées pour normaliser les mesures de vulnérabilité. Presque tous les indicateurs statistiques portant le terme « vulnérable » (par exemple, les espèces vulnérables, les écosystèmes vulnérables ou fragiles, les infrastructures vulnérables au changement climatique) sont classés comme manquant de définition cohérente et de procédure de compilation méthodologiquement solide, et/ou ne disposant même pas de données au niveau économique.
Les systèmes statistiques nationaux sont confrontés à un manque de définitions et de méthodologies uniformes pour compiler des données sur la vulnérabilité au changement climatique. Par exemple, seuls 25 % des indicateurs de vulnérabilité en Asie et dans le Pacifique disposent de données disponibles, contre 38 % en Afrique.
Figure 4 : Disponibilité des données sur la vulnérabilité au changement climatique
Renforcer les systèmes statistiques
Il est essentiel de renforcer la capacité des systèmes statistiques nationaux à fournir des informations exploitables et fondées sur des données.
Parmi les raisons des défis statistiques citées dans l’enquête de la BAD figurent le manque de personnel technique, les ressources financières limitées, les difficultés méthodologiques et techniques, la mauvaise coordination avec les parties prenantes et le manque de priorité accordée aux données sur le changement climatique.
Il existe plusieurs façons de résoudre ces problèmes :
- Élaborer un plan statistique national complet pour guider la collecte, l’analyse et la diffusion des données, en cohérence avec le programme national de développement. Cela garantit la disponibilité de données de qualité et actualisées pour l’élaboration de politiques éclairées et le suivi des progrès en matière de développement. L’élaboration de ce plan permettrait également de mettre en évidence les causes profondes des lacunes en matière de données et de permettre aux organismes statistiques nationaux et internationaux de prendre les mesures nécessaires pour y remédier.
- Mettre en œuvre un programme de statistiques sur le changement climatique afin de hiérarchiser les indicateurs essentiels. Cela permettrait d’identifier les données existantes, de promouvoir le partage des données pour éviter les doublons et d’améliorer la coordination entre les parties prenantes, ce qui permettrait d’améliorer l’utilisation des ressources et de l’expertise.
- Investir dans les ressources humaines pour constituer une main-d’œuvre qualifiée capable de créer des statistiques climatiques solides, fiables et pertinentes, contribuant ainsi aux décisions politiques et au développement durable.
- Encourager la collaboration entre les gouvernements, les organismes internationaux, le monde universitaire et le secteur privé pour établir une norme unifiée de gestion des données afin de faciliter la coordination et le partage des données, tant au sein des économies qu’entre elles.
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