Ursula von der Leyen désavouée par les eurodéputés après un recrutement contesté
Les députés ont désavoué jeudi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, après la nomination controversée de l’un des leurs à un poste hautement rémunéré au sein de l’exécutif européen.
Candidate à sa propre succession, la responsable allemande est interrogée à deux mois des élections européennes (6 au 9 juin) qui doivent conduire à un renouvellement à la tête des principales institutions européennes.
Lors d’un vote non contraignant, le Parlement européen, réuni à Bruxelles en séance plénière, a adopté un amendement (382 voix pour, 144 contre et 80 abstentions) demandant l’annulation de cette nomination et le lancement d’une nouvelle procédure. « Grande majorité pour notre amendement ! », s’est félicité son auteur, l’eurodéputé écologiste allemand Daniel Freund, sur X.
L’affaire concerne la nomination fin janvier d’un émissaire chargé des petites et moyennes entreprises. Le poste a été attribué à l’eurodéputé allemand du Parti populaire européen (droite) Markus Pieper, quelques semaines avant un congrès à Bucarest début mars au cours duquel le PPE a apporté son soutien à un second mandat de Mme von der Leyen.
« Nous avons cajolé une eurodéputée parmi les plus grands détracteurs d’Ursula von der Leyen » au sein de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), le pilier allemand du PPE, dont elle est membre, a dénoncé M. Freund.
Le PPE a tenté de contrecarrer ce vote en tentant à la dernière minute de déposer un amendement soutenant cette nomination et Mme von der Leyen. En vain, la majorité des députés s’y sont opposés.
Markus Pieper a signé son contrat dimanche 31 mars et doit prendre ses nouvelles fonctions le 16 avril pour une durée de quatre ans. Le poste de grade 15, l’un des plus élevés de la hiérarchie européenne, devrait lui rapporter une rémunération de 18 430 euros brut par mois, selon le barème officiel.
Par la voix de son porte-parole, Eric Mamer, la Commission a réaffirmé peu après le vote qu’elle avait « respecté les procédures » et confirmé que M. Pieper prendrait bien ses fonctions comme prévu la semaine prochaine.
– La Commission européenne divisée –
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, ainsi que trois commissaires, le Français Thierry Breton, l’Italien Paolo Gentiloni et le Luxembourgeois Nicolas Schmit, avaient appelé à une discussion au sein du collège des 27 commissaires, remettant en cause « la transparence et l’impartialité » des la procédure de nomination de M. Pieper.
M. Schmit lui-même est le porte-drapeau des sociaux-démocrates aux élections européennes.
Le sujet a finalement été abordé lors d’une réunion universitaire mercredi. L’échange « a duré une heure, les commissaires du PPE prenant tour à tour la parole pour défendre Markus Pieper », a expliqué une source proche des discussions.
« Thierry Breton et Josep Borrell ont évoqué le manque de collégialité et les problèmes flagrants de partage d’informations de la part de Mme von der Leyen », a encore détaillé cette source.
Le 29 février, une douzaine d’eurodéputés issus de quatre groupes politiques (les sociaux-démocrates S&D, les libéraux Renew, La Gauche et les Verts) avaient déjà posé une série de questions à Mme von der Leyen.
Ils ont notamment mis en cause des informations selon lesquelles deux candidates, l’eurodéputée tchèque Martina Dlabajova du groupe Renew et Anna Stellinger de la Confédération des entreprises suédoises, auraient atteint l’étape finale de la procédure de recrutement en obtenant de meilleures évaluations que M. Pieper.
Le porte-parole de la Commission, Eric Mamer, a choisi une métaphore du football pour justifier la victoire de M. Pieper à l’issue des négociations finales. « Dans certains tournois de football, il y a une phase de poules à l’issue de laquelle deux équipes passent au tour suivant, les compteurs sont ensuite remis à zéro pour le reste », a-t-il expliqué.
Le choix du futur président de la Commission européenne reste une prérogative des chefs d’État et de gouvernement de l’UE qui en discuteront après les élections de juin. Il devra cependant être approuvé à la majorité au sein du futur Parlement européen.
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