Universités, entreprises… et si le wokisme était en fin de vie ?


FIGAROVOX/TRIBUNE – Aux Etats-Unis, l’université Cornell vient d’affirmer le principe de neutralité dans sa communication, tournant ainsi le dos au wokeness. La professeure de droit privé Morgane Daury-Fauveau explique que d’autres universités et entreprises anglo-saxonnes semblent suivre le même chemin.

Morgane Daury-Fauveau est professeure de droit privé, secrétaire générale de l’UNI et présidente du Centre d’études et de recherche universitaires (Ceru).


Aux États-Unis comme en France, des campus ont été incendiés après le pogrom du 7 octobre pour justifier les atrocités commises par les terroristes et ont été le théâtre de nombreux actes antisémites. Les universités concernées dans les deux pays présentent de nombreux points communs qu’il convient d’examiner pour bien comprendre le phénomène.

Il s’agit tout d’abord d’établissements très prestigieux : Penn (Université de Pennsylvanie), Harvard, Cornell University et le Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis appartiennent à l’Ivy League, qui regroupe les plus grandes universités du Nord-Est des États-Unis. En France, les troubles les plus graves ont eu lieu dans les Instituts d’études politiques (IEP, Sciences Po), les Écoles normales supérieures (ENS) et l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il faut ajouter à cette liste, qui ne prétend pas être exhaustive, les célèbres Cambridge et Oxford anglaises.

Ensuite, les étudiants qui fréquentent ces établissements se disent majoritairement de gauche. Par exemple, à Harvard, 77% des étudiants se disent de gauche contre 71% des étudiants de Sciences Po.

Enfin, ces établissements sont les plus woke. Ils se veulent « éveillés », c’est-à-dire en état d’hypervigilance et de surréaction constante au moindre mot, au moindre acte qui pourrait être interprété, de près ou de loin, comme une remise en cause d’une doxa selon laquelle les minorités (sexuelles et raciales) sont ontologiquement victimes et l’homme blanc, le bourreau.


Les luttes menées par chaque minorité convergent dans un grand mouvement intersectionnel qui permet l’addition amplifiante des sentiments victimaires, contre un bouc émissaire parfait, le Juif.

Morgane Daury-Fauveau

Quelques exemples : En 2023, la professeure de biologie Carole Hooven a été contrainte de quitter son poste à Harvard après avoir été accusée par des étudiants d’avoir fait «transphobe et nuisible« pour rappeler qu’il existait bien deux sexes biologiquement distincts et déterminés »par les gamètes que nous produisons » Peu avant, en 2022, une professeure de danse de salon à Sciences Po Paris n’avait pas été reconduite à son poste en raison de son attitude jugée sexiste car elle avait refusé de remplacer les termes « homme-femme » dans son cours par « leader-suiveur ».

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Toutes ces institutions abritent des laboratoires de recherche au service de la propagande woke. Ainsi, Harvard GenderSci mène des travaux sur «théories et méthodes féministes intersectionnelles dédiées à la lutte contre les préjugés sexistes et de genre dans la recherche scientifique»; à Sciences Po, le Centre de recherche sur les inégalités sociales (CRIS) travaille sur les inégalités urbaines, scolaires et de genre ainsi que sur les phénomènes de ségrégation sociale et ethno-raciale.

Les enseignements sont évidemment aussi au service de la propagande woke. À l’Université Cornell, « Le programme d’études féministes, de genre et de sexualité offre aux étudiants la possibilité d’étudier un large éventail de domaines dans la perspective d’une analyse critique féministe et LGBT, dans un contexte mondial et dans le but de promouvoir la justice sociale.« À Sciences Po et à l’EHESS, on ne compte plus les séminaires sur les approches postcoloniales.

Toutes ces écoles accueillent également de nombreuses associations ultra-féministes, indigènes, racialistes et décolonialistes. Par exemple, à Sciences Po Bordeaux, l’association Sexprimonsnous affiche unevocation intersectionnelle, antifa et anticarcérale« . A l’ENS Lyon, les Salopettes défendent »un féminisme intersectionnel, inclusif et radical« À Sciences Po Paris, le collectif féministe, le GARÇ.ES (Groupe d’action et de réflexion contre l’environnement sexiste) dénonce »tous les excès sexistes, LGBT-phobes, racistes et lutte contre toutes les formes d’essentialisation du genre, du sexe, de la race, de la classe et de la sexualité« .

On comprend donc aisément la facilité avec laquelle la parole antisémite a pu se libérer : les luttes menées par chaque minorité convergent dans un grand mouvement intersectionnel qui permet l’addition amplifiante des sentiments victimaires, contre un bouc émissaire parfait, le Juif : il est blanc, il défend chèrement et puissamment son pays revendiqué par les peuples »racialisé » La suite appartient à l’histoire : de riches donateurs ont retiré leur financement aux institutions concernées aux Etats-Unis. Les présidents de l’Université de Pennsylvanie et de l’Université Harvard ont démissionné après avoir omis de condamner fermement les actes antisémites commis sur leurs campus, répondant à un sénateur qui leur demandait si de tels actes contrevenaient à leur règlement intérieur lors d’une audition au Congrès : « Cela dépend du contexte« Ils ont été récemment suivis par le président de l’Université Cornell et le président de l’Université Columbia.

Le dernier coup porté à l’éveil s’est produit le 26 août, lorsque le président par intérim de l’Université Cornell a déclaré : «Les actes administratifs doivent être cohérents et neutres quant à leur contenu. Dans l’intérêt de neutralité institutionnelle et par respect pour les points de vue nombreux et divers de la communauté Cornell, le président et le prévôt s’abstiendront de donner leur avis sur des événements nationaux ou mondiaux qui n’ont pas d’impact direct sur l’université.« .


En communiquant sans cesse sur le bien-être au travail des salariés issus de diverses minorités, les entreprises ont pour le moins irrité leurs clients dont les préoccupations sont souvent à des années-lumière des thématiques woke.

Morgane Daury-Fauveau

Cette tendance à la baisse de l’éveil dépasse le milieu universitaire. Aux États-Unis, nous assistons à un changement de paradigme dans les entreprises. Des années de politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) dans les entreprises américaines ont eu un impact sur leurs résultats. Et s’il y a un langage que les Américains comprennent, c’est celui de l’argent. Pourtant, à force de communiquer sur le bien-être au travail des salariés issus de diverses minorités, les entreprises ont pour le moins agacé leurs clients dont les préoccupations sont souvent à des années-lumière des thèmes woke.

Il faut dire que certaines de ces entreprises ne s’y sont pas prises à la légère. Nous lisons lesIndice d’éveil des entreprises (édité par l’Observatoire du Wokisme), qu’en France, nombreux sont ceux qui dispensent des formations afin de « sensibiliser tous les collaborateurs aux stéréotypes et aux préjugés inconscients» (par exemple Air France, Danone, Pernod Ricard, Michelin, Orange) ou leur demander de ne pas utiliser le mot « Noël » mais de préférer le terme « fêtes » et les associations LGBTQI+ sont nombreuses. Le PDG de Carrefour regrette de ne pas pouvoir discriminer à l’embauche afin de favoriser la diversité d’origine de ses salariés.

Aux États-Unis, la législation le permettant, la pratique des quotas est appliquée par de nombreuses entreprises. Elles imposent parfois une telle pratique à leurs fournisseurs et les boycottent s’ils ne la respectent pas. Le mouvement de déclin du wokeness dans les entreprises américaines a commencé récemment.

En mai 2022, après avoir perdu 200 000 utilisateurs, une note interne de Netflix rappelait aux salariés que leur métier était avant tout de divertir et que si certains contenus sur lesquels ils devaient travailler les dérangeaient, mieux valait quitter l’entreprise. Quelques mois plus tard, en avril 2023, le brasseur Anheuser-Busch (Budweiser) perdait 5 milliards en bourse après un partenariat avec une influenceuse trans. Le président de l’entreprise s’excusait dans un tweet : « Nous n’avons jamais eu l’intention de prendre part à un débat qui divise les gens. Notre travail est de rassembler les gens autour d’une bière. » Fin novembre 2023, le président de Disney déclarait : «Les créateurs ont perdu de vue quel devrait être leur objectif numéro un. Nous devons d’abord divertir. Il ne s’agit pas de transmettre des messages.« .

Depuis 2024, les déclarations ont été suivies d’actes. Les entreprises n’hésitent plus à déclarer publiquement qu’elles abandonnent leur politique woke pour être plus en phase avec les aspirations de leurs clients. Ainsi, Tractor Supply, dont la clientèle est majoritairement composée d’agriculteurs, a annoncé sa décision de mettre fin à sa politique de diversité et d’inclusion. Un autre géant du marché agricole, Deere & Co, adopte dans la foulée la même démarche. Très récemment, les uns après les autres, Jack Daniels (Whiskey), Harley Davidson (motos) et Ford (automobiles) ont déclaré se recentrer sur les besoins des clients et annoncent mettre fin à leur politique de Diversité, d’Équité et d’Inclusion. Le mouvement est donc clairement en marche aux États-Unis. Il faudra donc probablement attendre quelques années pour qu’il arrive en France…

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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