Le ministère public a requis un procès contre le ministre de la Culture et contre l’ancien tout-puissant patron de Renault-Nissan pour corruption, trafic d’influence, mais aussi pour abus de pouvoir et abus de confiance ou recel de ces délits. La décision finale appartient aux juges d’instruction saisis de ce dossier ouvert en 2019 et aux lourds enjeux politiques, Rachida Dati étant l’une des principales figures du gouvernement de Michel Barnier.
« Confidentialité, voire opacité »
Ces 134 pages de réquisitions sont signées, fait rare, par le procureur financier Jean-François Bohnert, outre les deux magistrats financiers saisis. Le PNF examine la légalité des 900 000 euros d’honoraires versés entre 2010 et 2012 à Rachida Dati pour un contrat de conseil juridique au profit de RNBV, la structure de tutelle de l’alliance Renault-Nissan.
La ministre, 58 ans, est soupçonnée d’avoir reçu, « en toute confidentialité, voire en toute opacité », cette somme pour des prestations largement inexistantes, alors qu’elle était avocate et députée européenne (2009-2019).
Les trois magistrats soulignent que « les nombreuses investigations » menées « ont permis d’identifier très peu d’éléments de preuve sur l’existence et la réalité des prestations fournies par Rachida Dati » en matière de conseil juridique, « qu’il s’agisse » de preuves matérielles. (rapports, courriels, notes) ou des preuves testimoniales (audiences, certificats) ». « Les seuls éléments appuyant le travail efficace de Rachida Dati sont essentiellement des témoignages et émanent de personnes qui, visées par l’information, avaient intérêt à confirmer la réalité du travail réalisé par elle », ajoute le PNF.
« Pacte de corruption »
Pour le parquet, Rachida Dati a en réalité mené une activité de lobbying pour le groupe, au prix d’un « contournement » et d’une « violation » du code électoral, et de « conflits d’intérêts évidents avec son mandat parlementaire » européen.
Les magistrats financiers estiment en effet que l’ancienne garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy a bien effectué, « en contrepartie de paiements » résultant de l’accord, des prestations, mais illégales cette fois : elle aurait « conseillé le groupe Renault dans la promotion de ses droits et intérêts devant le Parlement européen », aurait « pris des positions favorables » au constructeur et « usé de son influence réelle ou supposée pour mener des actions de lobbying ».
Le PNF souligne l’intérêt pour Carlos Ghosn de recruter « une personnalité politique de premier plan comme Rachida Dati à l’époque des faits », une personnalité qui selon le procureur de la République n’avait « jamais informé le Parlement européen des activités privées lucratives » avec la marque au diamant. En fin de compte, le contrat de conseil juridique « était l’apparence juridique d’un pacte de corruption patenté », tranche le PNF.
« Infâme »
Alors que Rachida Dati et « plus tard », selon le procureur Carlos Ghosn, ont multiplié les recours, en vain, pour que la limitation des faits soit reconnue, le parquet reconnaît le « contentieux abondant » sur le sujet mais rappelle sa position. selon laquelle ces infractions étaient occultes ou dissimulées, ce qui permet de différer le début de la prescription.
Vendredi, Rachida Dati a qualifié cette « mise en examen » d’« infâme » et de « choquante à plus d’un titre », dénonçant une « instrumentalisation de cette affaire par (s)ses opposants politiques ». «Cette mise en examen va à contre-courant de tous les éléments que nous avons fournis : témoignages, pièces, documents…» et qui attestent, ont affirmé ses avocats Msont Olivier Baratelli et Olivier Pardo, de « l’innocence » de leur client.