Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux maliens, un homme vêtu d’un uniforme militaire annonce, machette à la main, qu’il va dévorer son ennemi. Dans un communiqué du 16 juillet, l’armée malienne s’est désolidarisée de cet acte « assimilable à du cannibalisme ».
La vidéo est glaçante. Un homme en uniforme des Forces armées maliennes (FAMa), se sachant filmé, éventre un cadavre à coups de machette. En bambara (la langue la plus parlée au Mali), tout sourire, il explique qu’il va manger le foie de son ennemi. Autour de lui, ses camarades, visiblement issus de la même garnison, rient à leur tour. Ils déclarent vouloir un morceau pour leur petit déjeuner, l’un d’eux réclame même le cœur, tout en riant.
Non authentifiée à ce stade, cette vidéo, probablement tournée dans une zone reculée du Mali où l’information reste difficile d’accès, est devenue virale sur les réseaux maliens. Face à l’émotion suscitée par ces images d’une rare violence, l’état-major malien s’est exprimé dans un communiqué de presse le 16 juillet. Les FAMa « dissocier » de cet acte « d’une atrocité rare comparable au cannibalisme ». « L’Etat-major des armées et l’ensemble des FAMa (…) assurent que ces pratiques sont contraires à l’éthique, aux valeurs et aux coutumes de notre armée »la déclaration continue, affirmant que tous les moyens seront mis en œuvre pour « confirmer l’authenticité » à partir de la vidéo et identifier « l’individu » avec une machette.
Une pratique « courante »
Selon RFI, la vidéo semble avoir été tournée dans le centre du pays pendant la saison des pluies. En se basant sur l’analyse de différentes sources, la chaîne française déduit que les faits auraient pu se dérouler dans le cercle de Niono en juin 2022, ou à Mourdiah, près de la frontière mauritanienne, en mai 2024. Deux zones où opéraient les FAMa dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, notamment contre le JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda), soutenu par leurs supplétifs russes.
Depuis la diffusion de la vidéo mardi, d’autres images non vérifiées de cannibalisme ont fait leur apparition sur les réseaux sociaux. Une source de sécurité explique à la Figaro que cette pratique est en réalité « actuel » au sein de l’armée malienne. « Wagner a récemment mis des têtes sur des piques à l’entrée d’un village, apparemment c’est dissuasif… »ajoute cette source.
Le chercheur Yvan Guichaoua, spécialiste du Sahel, nuance en affirmant qu’il « n’a personnellement pas connaissance de précédents dans l’armée malienne ». Certains disent que cela s’est produit, mais cela n’avait jamais été filmé de cette manière. Pour le chercheur, la profanation des corps des victimes semble emprunter aux pratiques des milices. En 2019, des vidéos similaires mettaient en scène des combattants du groupe d’autodéfense dogon Dan Na Ambassagou. Leurs actes de violence contre des membres de la communauté peule avaient suscité la peur. « Que cette violence ait été importée dans l’armée nationale régulière est un indicateur très inquiétant de la doctrine militaire et du manque de discipline dans les rangs », souligne le chercheur.
À plusieurs reprises, l’ONU et des ONG, dont Human Rights Watch, ont signalé des vagues d’exactions, de meurtres de masse et de tortures arbitraires de populations depuis 2022, date de la prise du pouvoir par la junte militaire. Ces massacres sont perpétrés avec la complicité de« des hommes blancs parlant une langue étrangère » Selon des témoins locaux, fortement soupçonnés d’être des mercenaires russes de l’ancienne milice Wagner, devenue l’Africa Corps.