Les professionnels de l’immobilier sont formels : le littoral breton n’échappe pas à la baisse du nombre de ventes de maisons anciennes, constatée sur l’ensemble du territoire de la Bretagne historique. Le marché y s’est contracté de 25 % sur un an, à la fin du premier trimestre 2024.
Les raisons ? D’abord, l’offre de plus en plus rare de maisons en bord de mer : « Nous avons toujours vendu ce type de biens, principalement dans le cadre de successions. Mais aujourd’hui, on se rend compte que les enfants ont envie de les garder, plutôt que de s’en séparer, car ce sont des biens rares », constate Nicolas Bosquet, délégué à la communication de la Chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Rennes.
Le marché est aussi freiné par la difficulté des locaux à s’offrir une maison dans leurs fiefs balnéaires. Même en visant des biens plus éloignés du littoral et à des prix plus raisonnables, entre 200 000 et 400 000 euros, ils sont pénalisés par la hausse des prix et par des taux de crédit qui restent élevés (entre 3,6 et 3,8 %, en moyenne). « Leur pouvoir d’achat immobilier est fortement réduit », constate Nicolas Bosquet, notaire établi à Binic-Étables-sur-Mer (22).
2 Pas de réduction générale des prix
Selon les notaires bretons, la morosité des ventes entraîne généralement des baisses de prix qui peuvent à leur tour générer « une certaine reprise des volumes ». Mais, pour l’heure, « aucune tendance majeure à la baisse » n’est visible concernant le prix des maisons anciennes sur le littoral breton. « Nous sommes dans un marché qui reste assez stable », assure Cyril Blanchard, notaire à Quimper et secrétaire de la chambre notariale bretonne.
Ce plateau élevé a été atteint après une hausse énorme (jusqu’à 80% observée en dix ans). Rien que sur les cinq dernières années, marquées par la crise du Covid-19 et les envies de grands espaces, les prix médians ont gonflé de plus de 60%.
3 Montants qui continuent à grimper dans le très cher Morbihan
La Bretagne Sud et le Morbihan, notamment, affichent les prix les plus élevés. Carnac et La Trinité-sur-Mer figurent dans le top 10 des villes côtières les plus chères de Bretagne. Le climat, plus agréable qu’en Bretagne Nord, et les vues sur la mer au sud expliquent en partie cela. « Des biens d’exception s’y vendent entre huit et dix millions d’euros », note Nicolas Bosquet. Déjà élevés, les montants continuent de grimper dans de nombreuses villes morbihannaises. Comme à Carnac, où le prix médian des maisons anciennes dépassait les 700 000 euros à la fin du premier trimestre 2024, après avoir augmenté de 10 % en un an.
4 Un « effet rattrapage » en Bretagne Nord, historiquement moins chère
Le Finistère Nord et les Côtes-d’Armor, marchés autrefois « plus accessibles », ont vu les prix de l’immobilier augmenter : « C’est là que le rattrapage a été le plus important », explique Nicolas Bosquet. Un phénomène particulièrement visible dans les communes du Finistère Nord de Cléder, Landéda et Locquirec.
Dans le Finistère Sud, Cyril Blanchard note aussi quelques « baisses ponctuelles », à Bénodet et Trégunc, par exemple. « Pour Bénodet, une partie de la commune ne bouge pas au niveau des prix, qui restent assez élevés. Mais plus à l’intérieur des terres, ils sont plus bas et en baisse », explique-t-il. Le notaire finistérien note aussi le « dynamisme » des communes du Pays Bigouden, de Concarneau dans son ensemble, et même un certain « effet de mode » dont Douarnenez, « une destination plus tendance que jamais », écrivait récemment le magazine Elle…
5 Qui achète les pépites bretonnes de la côte ?
« On a l’image de couples parisiens parachutés, mais ce n’est pas du tout ça », écarte Nicolas Bosquet. « Bien sûr, c’est surtout une clientèle qui a fait sa carrière professionnelle en Île-de-France, mais elle a quand même un lien avec la Bretagne », poursuit le notaire. La vente d’un appartement en région parisienne a pu leur offrir un pouvoir d’achat important… Souscrire à un prêt n’est donc pas nécessaire, ou alors pour un montant faible. « C’est notamment pour cela que le marché du littoral est moins touché par les problèmes de taux », précise le notaire des Côtes-d’Armor.
6 Climat, fiscalité : à quoi faut-il s’attendre dans le futur ?
La dissolution de l’Assemblée nationale a été vécue comme « un coup dur majeur » pour le marché immobilier. La période actuelle d’instabilité politique laisse les acteurs du secteur dans l’expectative. Côté prix, ils s’attendent à « quelques corrections, mais pas à un effondrement. Le littoral reste une valeur sûre », estime Nicolas Bosquet.
Les notaires contactés n’ont pas encore constaté d’effets liés au changement climatique qui pourraient freiner l’enthousiasme des acquéreurs, par crainte d’érosion côtière ou de submersion marine. L’impact des récentes hausses de taxes d’habitation pour les résidences secondaires ne s’est pas non plus fait sentir dans les transactions.
A plus long terme, les notaires estiment que les prix ne devraient pas baisser dans ces villes côtières. « Quoi qu’il arrive, il y aura toujours de la demande, ne serait-ce que par le biais des flux migratoires et du vieillissement de la population », juge Cyril Blanchard.
* Prix médian (la moitié des maisons vendues à un prix plus élevé, l’autre moitié à un prix plus bas) au cours de la dernière année, à la fin du premier trimestre 2024. Et évolution mesurée sur un, cinq et dix ans. Sont exclues les communes comptant moins de 20 ventes par an. À noter que les volumes de ventes ayant fortement baissé ces derniers mois, les valeurs de prix médianes transmises par les notaires sont « peut-être moins significatives » que par le passé.