Divertissement

Une tigresse en Roumanie – Causeur

Pour son premier film, Andrei Tanase s’égare un peu (et avec lui, le tigre déjà vu dans La vie de Pi)…


Un ours va-t-il dévorer la tigresse prénommée Rihanna qui s’est échappée du zoo ? Danger public, la bête sauvage erre dans la nature… La directrice du zoo est en vacances en Grèce : c’est à Vera, la vétérinaire de service, de prendre l’affaire en main. Dans un accès de stress, elle n’a pas fermé par mégarde la cage où Rihanna prend sa nourriture. Problème supplémentaire : le félin appartient à une bande de tueurs à gages bodybuildés, tatoués de la tête aux pieds, qui ne plaisantent pas. Il est vrai que Vera a des excuses : la veille, elle a surpris Toma, son mari (un théâtral dans le civil) en plein adultère avec une jeune fille de 19 ans, alors qu’elle, Vera, vient de perdre son bébé trois jours après sa naissance. De plus, comme ce dernier n’est pas baptisé, la religion orthodoxe interdit de le voir enterré dans le cimetière chrétien : Vera va tenter de convaincre un prêtre de déroger à la règle… Dans cette accumulation de soucis, la chasse au tigre s’organise autour d’elle, armée d’un fusil à lunette pour tenter d’endormir la bête sans avoir à lui tirer dessus, les policiers étant quant à eux prêts à la tenir sous la menace d’une arme, au cas où…

On sent bien qu’Andrei Tanase, pour ce premier long métrage, a tenté d’agréger à l’intrigue centrale – la traque d’un tigre en fuite – une série d’éléments disparates : le deuil du bébé, le couple en crise, le fonctionnement même du zoo (la pénurie de médicaments), la menace larvée de gangsters réclamant leur dû, etc., etc. Un entrelacement improbable de plusieurs entrées, soit beaucoup d’éléments fortuits qui, pour construire un scénario à la fois plausible, émouvant et prenant, s’enchaînent maladroitement.

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Paul, le mari infidèle, est mordu à la cheville par un serpent pendant la chasse alors qu’il s’est aventuré dans la forêt avec sa femme en colère ; pour retrouver leur chemin, ils grimpent tous les deux à un arbre. Dans l’interview du réalisateur, pièce maîtresse du dossier de presse, Andrei Tanane commente la séquence :  » L’arbre, le serpent. Paul a été mordu par le serpent et quand il se retrouve avec Vera dans l’arbre, c’est l’arbre de la connaissance « Pourquoi pas ? Dans une structure narrative qui manque de solidité, les symboles offrent parfois l’avantage de servir de tuteurs. Il n’en demeure pas moins que le parallèle entre destin de la tigresse et de Véra piégées par son destin, manque singulièrement de cohérence.

De même, la superposition d’une bande-son au ton dérangeant (par Jean-Benoît Dunkel, du groupe Air) peut s’avérer utile pour souligner l’ambiance – quitte à tomber dans le cliché formel – lorsque l’atmosphère s’adoucit. Sachant que l’animal dressé, aujourd’hui en fin de carrière, qui incarne aujourd’hui Rihanna fut autrefois, en 2012, le héros carnivore du chef-d’œuvre d’Ang Lee La vie de PiEst-ce qu’il y parviendra ? Tigresse Plus captivant ? Je ne sais pas. Cela dit, réussir un premier film n’est pas chose facile. Andrei Tanase, 41 ans, peut faire mieux.

Tigresse. Film d’Andrei Tanase. Avec Catalina Moga, Paul Ipate. Roumanie, Grèce, couleur, 2023. Durée : 1h20.

En salles le 7 août 2024.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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